LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 avril 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 190 F-D
Pourvoi n° Z 23-11.568
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 AVRIL 2024
Mme [D] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-11.568 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [U], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la Caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, dont le siège est [Adresse 1], anciennement RSI Aquitaine,
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [O], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [U] et de la société Axa France IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 avril 2022), le 20 avril 2006, après différentes complications liées à la réalisation, le 5 mai 2000, d'une première gastroplastie avec pose d'un anneau gastrique, Mme [O] en a subi une seconde selon la technique du by-pass, au cours de laquelle est survenue une fistule au niveau de l'anastomose.
2. Les 1er et 9 juillet 2014, après un échec de la procédure de règlement amiable, Mme [O] a assigné en responsabilité et indemnisation M. [U], chirurgien-digestif ayant réalisé les interventions, au titre d'un défaut d'information sur le risque de fistule, son assureur, la société Axa France IARD et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), au titre de la survenue d'un l'accident médical grave et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
3. La responsabilité du chirurgien a été écartée.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. Madame [O] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation par l'ONIAM, alors : « que présente un caractère anormal qui entraîne la mise en jeu de la solidarité nationale, le dommage dont le risque de survenance, évalué dans le cas du patient et dans les conditions de réalisation de l'intervention, est faible ; qu'en jugeant tout à la fois que les experts avaient évalué le risque de survenance du dommage aux alentours de 1 à 2 % et qu'il résultait des divers extraits de littérature médicale que le taux théorique de survenue d'une fistule à la suite d'un by pass gastrique était de l'ordre de 2 à 3 % et pouvant aller jusqu'à 5,2 %, la cour d'appel, qui n'a pas pris parti sur le taux de risque de survenance du dommage subi par Madame [O] compte tenu de son état et des conditions d'intervention, n'a pas mis la cour régulatrice en état d'exercer son contrôle sur son anormalité et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ».
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique :
6. Il résulte de ce texte que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible et que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un dommage d'une gravité comparable à celui effectivement subi par le patient.
7. Pour écarter l'anormalité du dommage et rejeter les demandes d'indemnisation de Mme [O], l'arrêt retient d'une part, que les deux experts avaient en l'espèce évalué à 1 ou 2 % la probabilité de la survenance de complications à type de fistule lors de la réalisation d'un by-pass gastrique, d'autre part, que l'ONIAM produit aux débats divers extraits de littérature médicale dont il ressort que le taux théorique de survenue d'une fistule à la suite d'un tel acte est de l'ordre de 2 à 3 % pouvant aller jusqu'à 5,2 %.
8. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur le taux de risque auquel était effectivement exposée Mme [O], compte tenu de son état antérieur et des conditions de l'intervention, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour en état d'exercer son contrôle sur la condition d'anormalité du dommage, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Mise hors de cause
9. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [U] et la société Axa France IARD dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [O] contre l'ONIAM, l'arrêt rendu le 12 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Met hors de cause M. [U] et la société Axa France IARD ;
Condamne l'ONIAM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'ONIAM et le condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.