LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 avril 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 176 F-D
Pourvoi n° A 21-12.274
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024
1°/ M. [E] [I],
2°/ Mme [B] [J],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° A 21-12.274 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant à la société Intrum Debt finance AG, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse), venant aux droits de la société Crédit foncier de France, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de Mme [J], de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Intrum Debt finance AG, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 novembre 2020), par acte notarié du 26 septembre 2013, la société Crédit foncier de France, aux droits de laquelle se trouve la société Intrum Debt Finance (la banque), a consenti à M. [I] et Mme [J] (les emprunteurs) un prêt immobilier garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une hypothèque.
2. Le 29 mars 2018, à la suite de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement de ce prêt, la banque leur a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière.
3. Le 2 juillet 2018, la banque a assigné les emprunteurs afin d'obtenir la vente forcée du bien. Invoquant l'irrégularité de la déchéance du terme du prêt, ceux-ci ont formé une demande reconventionnelle en nullité du commandement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Aux termes du premier texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
7. Le second texte dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
8. Il résulte de ces textes que la mise en demeure, préalable au prononcé par le prêteur de la déchéance du terme conformément à la clause de résiliation prévue à un contrat de prêt, ne comporte une interpellation suffisante de l'emprunteur qu'à la condition d'indiquer qu'en cas de défaut de paiement, dans un certain délai, des échéances échues impayées, le prêteur pourra se prévaloir de la déchéance du terme du prêt.
9. Pour rejeter la demande reconventionnelle en annulation du commandement de payer, fondée sur le défaut d'exigibilité de la créance revendiquée par la banque, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la banque, qui avait adressé à chacun des emprunteurs une lettre de mise en demeure, restée infructueuse, leur enjoignant de payer dans un délai de trente jours des échéances échues sous peine de transmission au service contentieux et d'engagement de poursuites judiciaires, avait, dès lors, valablement prononcé la déchéance du terme du prêt, conformément à la clause prévue au contrat.
10. En statuant ainsi, sans avoir constaté que les lettres de mise en demeure adressées à chacun des emprunteurs indiquaient, de manière claire et non équivoque, que le prêteur mettrait en oeuvre la clause de déchéance du terme du prêt en cas de défaut de paiement des échéances échues dans le délai de trente jours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de la société Intrum Debt Finance AG et rejette les contestations de M. [I] et Mme [J] relatives au taux d'intérêt contractuel, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Intrum Debt Finance AG aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Intrum Debt Finance AG et la condamne à payer à M. [I] et Mme [J] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.