LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mars 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 154 F-D
Pourvoi n° J 22-20.750
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2024
1°/ M. [U] [Z], domicilié [Adresse 5] (Nouvelle-Calédonie),
2°/ Mme [V] [D], épouse [M], domiciliée [Adresse 6] (Nouvelle-Calédonie), agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son fils [S] [M], décédé,
3°/ Mme [E] [O], épouse [D], domiciliée [Adresse 2] (Nouvelle-Calédonie), agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son petit-fils [S] [M], décédé,
4°/ Mme [K] [M],
5°/ Mme [J] [M],
domiciliées toutes deux [Adresse 6] (Nouvelle-Calédonie),
6°/ Mme [T] [M], domiciliée chez M. [Y], [Adresse 3] (Nouvelle-Calédonie),
7°/ Mme [P] [M], domiciliée chez M. [L], [Adresse 7],
8°/ M. [N] [M], domicilié [Adresse 6] (Nouvelle-Calédonie),
9°/ M. [X] [M], domicilié chez M. [C], [Adresse 1] (Nouvelle-Calédonie),
10°/ M. [H] [M], domicilié [Adresse 6] (Nouvelle-Calédonie),
agissant tous les sept tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de leur père [F] [M],
ont formé le pourvoi n° J 22-20.750 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige les opposant :
1°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [Adresse 8],
2°/ à la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (Cafat), dont le siège est [Adresse 4],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z], de Mmes [V] [D], épouse [M] et [E] [O], épouse [D], de Mmes [K], [J], [T] et [P] [M], de MM. [N], [X] et [H] [M], de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2022), le 28 janvier 2011, à la suite d'un accident de la circulation, [S] [M] est décédé et M. [Z] a été gravement blessé. Après avoir été mis en examen le 30 janvier 2011, notamment, pour défaut de maîtrise, homicide involontaire et blessures involontaires, M. [W] a, par jugement du 26 novembre 2014, été relaxé et les parties civiles ont été déclarées irrecevables en leur action, l'implication du prévenu dans l'accident n'étant pas retenue.
2. Le 1er septembre 2016, Mme [V] [M], Mme [E] [D], Mme [K] [M], Mme [J] [G] [M], Mme [T] [A] [M], Mme [P] [R] [M], M. [N] [I] [M], M. [X] [B] [M], M. [F] [M] et M. [H] [M] ont assigné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) et mis en cause la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (Cafat) en réparation des préjudices d'affection causés par le décès de [S] [M]. Par jugement du 18 janvier 2018, le tribunal a déclaré leurs demandes irrecevables après avoir constaté la forclusion de leur action sur le fondement de l'article R. 421-12 du code des assurances. Par lettre du 20 novembre 2018, le FGAO a informé M. [Z] que son droit à indemnisation était, pour les mêmes motifs, forclos.
3. Les 19 et 20 novembre 2020, Mme [V] [M], Mme [E] [D], Mme [K] [M], Mme [J] [G] [M], Mme [T] [A] [M], Mme [P] [R] [M], M. [N] [I] [M], M. [X] [B] [M] et M. [H] [M] (les consorts [M]) et M. [Z] ont assigné l'Etat ainsi que la Cafat sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, en réparation du préjudice causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. M. [Z] et les consorts [M] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action, alors :
« 1°/ que le recours juridictionnel devant le FGAO porté par la victime d'un dommage provenant de faits de nature à caractériser un fonctionnement défectueux du service public de la justice, dès lors qu'il a pour but d'obtenir des dommages-intérêts et porte, au sens de l'article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 2008, sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance sur l'Etat, interrompt le cours de la prescription quadriennale de cette créance ; que, d'une part, pour dire prescrite l'action des consorts [M] et de M. [Z], la cour d¿appel a relevé que le fait générateur de la créance de réparation contre l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice résidait dans la faute lourde de l'Etat tenant au déroulement de l'enquête et de l'instruction pénales ouvertes à l'issue de cet accident ; qu'en statuant ainsi, quand le fait générateur du dommage consistait dans la décision du tribunal correctionnel du 26 novembre 2014 de déclarer irrecevable l'action civile des exposants et de les priver de toute indemnisation au titre de l'accident de la circulation, la cour d'appel qui s'est ainsi attachée au fondement de la responsabilité de l'Etat plutôt qu'au fait générateur de la créance de dommages-intérêts à son encontre, a violé l'article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
2°/ que, d'autre part, et en tout état de cause, pour dire prescrite l'action des consorts [M] et de M. [Z], la cour d¿appel a relevé que la créance de réparation sur l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice et la saisine du juge à l'encontre du FGAO aux fins d'indemnisation des conséquences de l'accident de la circulation étaient fondées sur un fait générateur différent ; qu'en statuant ainsi, quand la créance de dommages-intérêts à l'encontre de l'Etat avait le même fait générateur que celui du recours juridictionnel formé contre le FGAO, à savoir le défaut d'indemnisation de l'accident de la circulation décidé par le tribunal correctionnel le 26 novembre 2014 en l'absence de responsable sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir à bon droit retenu que le fait générateur de la créance de réparation pour fonctionnement défectueux du service public de la justice résidait dans la faute lourde de l'Etat tenant au déroulement de l'enquête et de l'instruction pénales ouvertes à l'issue de l'accident de la circulation survenu le 28 janvier 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que la saisine du FGAO aux fins d'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident n'était pas relative à ce même fait générateur et ne pouvait donc avoir interrompu la prescription de l'action contre l'Etat qui avait commencé à courir le 1er janvier 2015, premier jour de l'année suivant le jugement définitif de relaxe rendu par le tribunal correctionnel le 26 novembre 2014, dernier événement de la procédure pénale litigieuse.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [V] [D], épouse [M], Mme [E] [O], épouse [D], Mme [K] [M], Mme [J] [G] [M], Mme [T] [A] [M], Mme [P] [R] [M], M. [N] [I] [M], M. [X] [B] [M] et M. [H] [M] et M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-quatre.