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28/02/2024 | FRANCE | N°12400097

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 février 2024, 12400097


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 28 février 2024








Cassation




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 97 F-D


Pourvoi n° N 21-17.414








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 FÉVRIER 2024


M. [T] [G], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° N 21-17.414 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Bordea...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2024

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 97 F-D

Pourvoi n° N 21-17.414

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 FÉVRIER 2024

M. [T] [G], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° N 21-17.414 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [M], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 mars 2021) rendu en référé, sur renvoi après cassation (1re Civ., 18 septembre 2018, pourvoi n° 17-24.303), M. [G] a établi, au profit de Mme [X], citée à comparaître par M. [M] pour des violences volontaires commises sur sa personne, l'attestation suivante produite au cours de l'instance pénale :

« Je suis gardien dans la copropriété du [Adresse 1] à [Localité 2] dans lequel M. [M] habite. Je suis copropriétaire j'habite aussi la résidence. Je peux attester, comme tout le monde dans la résidence que [K] [M] vit avec [F] [S] qui est avocate. Elle gare sa voiture dans le garage de [K] [M] tous les jours et ils ont pris une place de stationnement supplémentaire [Adresse 3]. Ils vont aussi en assemblée générale ensemble avec l'ordonnance d'un juge. M. [M] est très agressif et violent dans ses propos. Pour moi c'est quelqu'un qui ne sait pas se maîtriser (...) ».

2. M. [M], estimant que cette attestation, en ce qu'elle mentionnait sa relation avec Mme [S], portait atteinte à sa vie privée et qu'elle entraînait pour lui un trouble manifestement illicite, a assigné M. [G] devant le juge des référés pour obtenir des mesures d'interdiction et d'affichage, ainsi que le paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [G] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [M] une somme à titre de provision pour l'indemnisation de son préjudice, alors « que toute atteinte à la vie privée n'est pas interdite et qu'une telle atteinte peut être justifiée par l'exigence de la protection des droits de la défense, si elle reste proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence ; qu'en retenant, pour condamner M. [G] au paiement d'une provision, que l'attestation qu'il avait rédigée et remise à Mme [X] portait atteinte à la vie privée de M. [M], sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mention d'une communauté de vie entre M. [M] et Mme [S] n'était pas nécessaire à la défense de Mme [X] devant le tribunal de police devant lequel M. [M], assisté par Mme [S], avocate, l'avait fait citer directement, ce dont M. [G] déduisait que l'atteinte à la vie privée n'était pas disproportionnée au regard du droit à la preuve reconnu à tout prévenu devant une juridiction répressive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, § 1er, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10 du code civil, préliminaire et 427 du code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 9 du code civil et 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte de ces dispositions que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

5. Pour condamner M. [G] au paiement d'une provision, l'arrêt retient que l'attestation litigieuse, qui révèle dans sa formulation une surveillance constante des allées et venues de Mme [S] et de M. [M] au sein même du domicile privé de ce dernier et qui a été produite dans un débat public dans lequel M. [G] ne dispose d'aucun intérêt personnel à agir, caractérise incontestablement une atteinte à l'intimité de la vie privée de Mme [S] et de M. [M] au sens de l'article 9 du code civil, dont la violation constitue un trouble manifestement illicite ayant causé un préjudice à M. [M].

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la production litigieuse, bien que portant atteinte à la vie privée de Mme [S] et de M. [M], n'était pas indispensable à l'exercice du droit de Mme [X] à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il infirme l'ordonnance de référé rendue le 4 avril 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux et condamne M. [G] à payer à M. [M] une somme à titre de provision pour l'indemnisation de son préjudice, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] et le condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400097
Date de la décision : 28/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 30 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 fév. 2024, pourvoi n°12400097


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400097
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