LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 janvier 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 44 F-D
Pourvoi n° P 22-10.358
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 JANVIER 2024
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, venant aux droits de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-10.358 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à Mme [W] [F], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à la société François Branchet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de représentante en France de la société de droit étranger Medical Insurance Company ,
4°/ à la société Medical Insurance Company DAC, dont le siège est [Adresse 1] (Irlande), représentée en France par la société François Branchet, sis [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme [Z], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [F], de la société François Branchet et de la société Medical Insurance Company DAC, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris , 16 septembre 2021), après avoir subi deux interventions chirurgicales pratiquées, les 2 avril et 11 mai 2007, par Mme [F]-[C] ( le chirurgien), au sein de l'Hôpital privé [6], Mme [Z] a présenté des complications et conservé des séquelles.
2. A l'issue de l'échec de la procédure de règlement amiable et l'obtention d'une expertise en référé, elle a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien, assuré par la société Medical Insurance Company, représentée en France par la société François Branchet, et mis en cause la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, qui a sollicité le remboursement de ses débours (la caisse) et notamment de la pension d'invalidité versée à Mme [Z] à hauteur de 184 163 euros.
3. Le chirurgien a été déclaré responsable d'une faute dans le traitement de Mme [Z] lui ayant fait perdre une chance de 60 % d'éviter le dommage subi.
Examen des moyens
Sur le premier et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief à l'arrêt, ayant fixé la perte de gains professionnels à 184 163 euros et, après application du taux de perte de chance, à 110 497,95 euros, de rejeter sa demande d'imputation du solde de sa créance sur les postes de préjudices à caractère personnel que constituent l'incidence professionnelle et le préjudice fonctionnel permanent, « alors que la rente d'invalidité indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le préjudice subi par Mme [Z], qui consistait en une simple perte de chance, s'élevait à 110 497,95 € (60 % de 184 163 €) au titre de la perte de gains professionnels, à 12 000 € (60 % de 20 000 €) au titre de l'incidence professionnelle, et à 9 840 € (60 % de 16 400 €) au titre du déficit fonctionnel permanent ; que la rente d'invalidité servie par la Caisse, à hauteur de 184 163 €, indemnisant ces trois postes de préjudice, la Caisse disposait d'un recours non seulement sur la somme de 110 497,95 €, correspondant à la perte de gains professionnels, mais aussi sur les sommes de 12 000 €, correspondant à l'incidence professionnelle et de 9 840 €, correspondant au déficit fonctionnel permanent, sauf à procurer un enrichissement injustifié à la victime ; qu'en jugeant au contraire que, sauf à léser la victime, la Caisse ne pouvait imputer le solde de sa créance sur les postes correspondant à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les articles 29, 30 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ».
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 1346-3 du code civil que les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, qu'elle résulte d'un partage de responsabilité ou de la réparation de la seule perte de chance, la victime peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée, de sorte que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.
7. C'est à bon droit qu'après avoir retenu que la pension d'invalidité avait indemnisé l'intégralité des pertes de gains professionnels futurs subies par Mme [Z], la cour d'appel a alloué la somme 110 497,95 euros à la caisse et écarté son recours sur les autres postes.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la CPAM de l'Essonne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme [Z] et la somme globale de 3 000 euros à Mme [F] et à la société Medical Insurance Company.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.