LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 35 F-D
Pourvoi n° Q 22-13.832
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024
1°/ M. [T] [I], domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [X] [B], domicilié [Adresse 6], agissant en qualité de curateur de M. [T] [I], en remplacement de Mme [E] [F],
ont formé le pourvoi n° Q 22-13.832 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant :
1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société [W] [Y], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [W] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire du GFA Ferme de l'Etang,
3°/ à la société Pascale Chanel - Elodie Bayle, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire ad hoc du GFA Ferme de l'Etang,
4°/ à la société Arquebuse notaires associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée SCP Landes, Guerin, Mazarguil, Geiss, Carlier,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [I] et de M. [B], ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société [W] [Y], de la société Pascale Chanel -Elodie Bayle, ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Arquebuse notaires associés, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er décembre 2020), par acte reçu le 30 octobre 2009 par la société de notaires Landès, Guérin, Mazarguil, Geiss, Carlier, devenue la société Arquebuse notaires associés, (la société notariale), M. [I] (le vendeur) a vendu trois parcelles de terre au groupement foncier agricole Ferme de l'étang (l'acheteur).
2. L'acheteur a payé le prix au moyen d'un emprunt souscrit auprès de la Société générale (le prêteur).
3. Le prêt a été garanti par une promesse de délégation au prêteur d'un contrat d'assurance-vie souscrit par le vendeur.
4. L'acheteur a été placé en redressement judiciaire le 18 juin 2013, puis en liquidation judicaire le 20 janvier 2015.
5. Le vendeur a assigné l'acheteur, représenté par M. [Z] en qualité de représentant des créanciers, le prêteur et la société notariale en nullité du contrat de vente et en responsabilité. Le curateur du vendeur est intervenu volontairement à l'instance, ainsi que la société [W] [Y] et la société Pascale Chanel - Elodie Bayle, respectivement en qualités de liquidateur judiciaire et de mandataire ad hoc de l'acheteur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, et sur les deuxième et troisième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le vendeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, en tant que subrogé dans les droits de la Société générale, de fixation de sa créance de 105 839,27 euros à la procédure collective de l'acheteur , sa demande en nullité de l'acte authentique de vente du 30 octobre 2009 et l'ensemble de ses demandes subséquentes à sa demande de nullité, relatives aux formalités de publicité foncière, de rejeter sa demande tendant à voir fixer sa créance à titre chirographaire pour la somme de 35 880,43 euros à la liquidation judiciaire de l'acheteur, de rejeter ses demandes de réparation de son préjudice moral à l'encontre du prêteur et de rejeter, par voie de conséquence, sa demande tendant à voir la société notariale garantir le paiement desdits préjudices et sa demande de condamnation à dommage et intérêts à l'égard de la société notariale pour faute contractuelle, alors
« que le juge, qui est tenu de respecter lui-même le principe du contradictoire, ne peut rejeter la demande fondée sur des pièces qui ont été visées par les premiers juges et régulièrement communiquées en cause d'appel du seul fait qu'elles ne figurent pas au dossier de la partie qui les invoque, sans avoir préalablement invité celle-ci à les produire ; qu'en retenant qu'aucun document n'était produit au soutien des intérêts de M. [I] assisté de sa curatrice, sans l'avoir invité à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces qui figuraient sur la liste de pièces annexée à ses conclusions d'appel, et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
8. Pour rejeter les demandes du vendeur, après avoir constaté qu'aucun document n'était produit au soutien de ses intérêts, l'arrêt retient que les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance et que, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
9. En statuant ainsi, sans avoir invité préalablement le vendeur à s'expliquer sur le défaut de remise à la cour des pièces de son dossier visées par le bordereau de pièces annexé à ses dernières conclusions, qui ajoutait deux pièces nouvelles à celles produites en première instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare M. [I] recevable en sa demande de fixation de créance à la procédure collective du GFA Ferme de l'étang, l'arrêt rendu le 1er décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la Société générale, la société [W] [Y] et la société Pascale Chanel - Elodie Bayle, respectivement en qualités de liquidateur judiciaire et de mandataire ad hoc du GFA Ferme de l'étang, et la société Arquebuse notaires associés, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.