LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 17 FS-D
Pourvoi n° A 22-15.199
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024
La société Eco environnement, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-15.199 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société Cofidis, société anonyme (SA), dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Eco environnement, et de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, de Me Occhipinti, avocat de M. [R], et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal conseiller doyen, M.M Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 décembre 2021), par contrat conclu hors établissement le 30 mai 2017, M. [R] (l'acquéreur) a commandé auprès de la société Eco environnement (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Cofidis (la banque).
2. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l'acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de vente, de lui ordonner de procéder à la désinstallation du matériel et à la remise en état de la toiture, de le condamner à rembourser à l'acquéreur la somme de
29 900 euros, et de rejeter ses demandes, alors « que l'exécution volontaire d'un contrat de vente conclu lors d'un démarchage, en connaissance des vices affectant le bon de commande, vaut confirmation du contrat et prive l'acquéreur de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées, et que la reproduction intégrale des articles du code de la consommation, dès lors qu'ils figurent en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant les mentions du bon de commande ; qu'en retenant que la mention des dispositions du code de la consommation était en l'espèce " manifestement insuffisant à révéler à M. [R], qui peut être qualifié d'emprunteur non averti compte tenu de son âge et de sa profession de fonctionnaire territorial, les vices affectant ce bon ", la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen pose la question des conditions de la confirmation tacite d'un contrat conclu hors établissement comportant un vice et plus précisément celle de savoir si la reproduction des articles du code de la consommation, relatifs aux mentions obligatoires d'un tel contrat, dès lors que ces textes figurent en caractères lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant ce contrat.
6. Il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la confirmation d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité peut résulter de l'exécution volontaire de l'obligation après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée et que cette exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.
7. Pour caractériser la connaissance du vice qui affecte l'acte, la première chambre civile juge, depuis 2020, que la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par l'intéressé, emporte la confirmation de l'acte nul. (1re Civ., 9 décembre 2020, pourvoi n° 18-25.686, publié ; 1re Civ., 31 août 2022, pourvoi n° 21-12.968, publié).
8. Si cette jurisprudence est justifiée par le souhait d'éviter que les acquéreurs échappent à leurs obligations, notamment celles résultant du contrat de crédit affecté en invoquant une irrégularité formelle du contrat de vente, cependant que celui-ci a fait l'objet d'une exécution normale, elle est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec l'objectif de protection du consommateur.
9. Ces considérations ont conduit la première chambre civile à renforcer son contrôle quant à la reproduction effective des textes légaux (1re Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 22-10.361, publié) et l'examen des décisions des juridictions du fond révèle que le contentieux se porte désormais sur cette question (Douai, 6 octobre 2022, n° 19/04414 ; Riom, 4 octobre 2022, n° 21/00146 ; Agen, 12 octobre 2022, n° 21/00478 ; Metz, 13 octobre 2022, n° 21/00721 ; Lyon, 13 octobre 2022, n° 21/04477 ; Douai, 5 octobre 2023, n° 21/01507 ; Nancy, 28 septembre 2023, n° 23/00102 ; Paris, 14 juin 2023, n° 20/03044). Plusieurs juridictions du fond s'appuient sur une approche in concreto (Paris, 22 septembre 2022, n° 20/07564 ; Riom, 21 septembre 2022 n° 21/00093 ; Bordeaux, 6 octobre 2022, n° 19/05772) tandis que d'autres excluent que la seule reproduction, même lisible, de textes du code de la consommation soit suffisante pour caractériser une connaissance du vice (Dijon, 22 septembre 2022, n° 19/01598 ; Douai, 15 septembre 2022, n° 20/03080 ; Rouen, 8 septembre 2022, n° 21/01822 ; Toulouse, 3 octobre 2023, n° 21/0442 ; Douai, 14 septembre 2023 n° 22/03279, Versailles, 19 septembre 2023, n° 21/03905).
10. En outre, il convient de relever que pour les contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1182, alinéa 3 du code civil dispose que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
11. L'article 1183 du même code énonce qu'une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion.
12. L'ensemble de ces éléments conduit la première chambre civile à juger désormais que la reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.
13. Enfin, il apparaît justifié, afin que soit prise en considération une telle connaissance du vice, d'uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
14. Ayant relevé que le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reprenaient les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9, L. 221-10, L. 221-13, L. 221-18, L. 221-21, L. 221-22, L. 221-23, L. 221-24, et L. 221-25 du code de la consommation, était manifestement insuffisant à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon, et constaté souverainement qu'il ne ressortait d'aucun des éléments aux débats qu'il ait eu conscience de ceux-ci au moment de la souscription du contrat ou de son exécution, la cour d'appel a pu en déduire que la confirmation de l'acte entaché de nullité n'était pas caractérisée.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eco environnement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Eco environnement et la société Cofidis et condamne la première à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.