La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2024 | FRANCE | N°52400047

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2024, 52400047


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 17 janvier 2024








Cassation partielle




M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président






Arrêt n° 47 F-D


Pourvoi n° C 22-10.532








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024


M. [Z] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 22-10.532 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 janvier 2024

Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 47 F-D

Pourvoi n° C 22-10.532

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024

M. [Z] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 22-10.532 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à la société Mediapost, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [W], de Me Haas, avocat de la société Mediapost, et les observations orales de Me Maigret et de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 novembre 2021), M. [W] a été engagé par la société Mediapost (la société), en qualité de distributeur à temps partiel, à compter du 27 septembre 2004.

2. La société lui a notifié son licenciement pour faute grave le 16 novembre 2012.

3. Le 7 novembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à obtenir des rappels de salaire et congés payés afférents au titre du temps d'attente et de chargement et au titre des heures complémentaires et supplémentaires, de le débouter de sa demande en indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos et de celle au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ que la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail, prévue par la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail ; qu'en jugeant que l'employeur justifiait suffisamment des temps d'attente et de chargement en se rapportant au seul forfait conventionnel, cependant qu'elle constatait que le salarié produisait des éléments suffisamment précis dont il résultait qu'il avait passé plus de temps d'attente et de chargement que celui prévu par la convention collective, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail, ensemble l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 ;

2°/ que la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail, prévue par la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes de rappels de salaires pour heures complémentaires en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies, dont les feuilles de route n'étaient que la reprise, cependant qu'elle constatait que le salarié produisait des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande d'heures complémentaires et supplémentaires, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 3171-4 du code du travail, ensemble l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. La quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de ses demandes en rappel de salaire au titre du temps d'attente et de chargement, des heures complémentaires et supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié produit des éléments suffisamment précis sur les heures complémentaires et supplémentaires, un décompte des temps d'attente et de chargement, chiffrés à un quart d'heure pour chaque secteur de distribution, soit le forfait conventionnel multiplié par le nombre de secteurs en fonction de ses feuilles de route, qu'il s'agit d'un élément suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre. Il relève ensuite, d'une part, que ce dernier s'en rapporte au forfait conventionnel et qu'au vu de ces pièces, l'existence de temps d'attente et de chargement impayé n'est pas établie, l'employeur justifiant suffisamment des temps d'attente et de chargement effectués, d'autre part, que l'employeur se réfère aux feuilles de route qu'il a établies en se fondant sur le système de pré-quantification conventionnel, que ces feuilles de route indiquent précisément les adresses de distribution et les identités des habitants chez lesquels la distribution doit se faire. Il estime que ces éléments constituent une preuve suffisante des heures de travail réellement effectuées et qu'au vu des éléments de preuve fournis par les deux parties l'existence d'heures complémentaires et supplémentaires impayées n'est pas établie.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier se fondait exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées et accomplies, reprise dans les feuilles de route, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation à intervenir sur la première ou la deuxième branche du moyen, entraînera par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de sa demande d'indemnisation en contrepartie du temps de repos et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur les première et deuxième branches du moyen des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes en paiement de rappels de salaires et de congés payés afférents au titre du temps d'attente et de chargement et des heures complémentaires et supplémentaires, entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif critiqués par la troisième branche relatifs à ses demandes d'indemnisation en contrepartie du temps de repos et d'indemnité pour travail dissimulé, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses demandes tendant à l'annulation de ses mises à pied des 7 mai, 12 août et 1er décembre 2010, et ses demandes de rappels de salaires afférentes, alors « qu'en toute hypothèse, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ; qu'en jugeant l'action du salarié en annulation de ses mises à pied des 7 mai, 12 août et 1er décembre 2010 prescrite au motif qu'il l'avait formulée pour la première fois dans ses conclusions datées du 27 mars 2018, cependant que le salarié avait formulé des demandes concernant l'exécution de son contrat de travail dès l'introduction de l'instance, le 7 novembre 2014, la cour d'appel a violé les articles R. 1452-1, L. 1471-1, et L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 du code civil et R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 alors applicable :

14. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

15. Aux termes du second, toutes les demandes liées au contrat de travail font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une même instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

16. Il en résulte que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.

17. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes du salarié tendant à l'annulation de ses mises à pied des 7 mai, 12 août et 1er décembre 2010, l'arrêt retient que le délai applicable à la contestation des sanctions disciplinaires est le délai biennal de l'article L. 1471-1 du code du travail, que ce délai n'étant pas en vigueur à la date à laquelle le titulaire du droit de contestation a eu connaissance de ce droit, la durée totale du délai ne pouvant excéder cinq ans, le salarié pouvait valablement contester les sanctions en cause dans le délai de cinq ans à compter de leur prononcé. Il relève ensuite que l'action a été engagée le 7 novembre 2014 et que les demandes d'annulation de ces sanctions n'ont été formulées que le 27 mars 2018, soit après l'expiration du délai quinquennal de prescription.

18. En statuant ainsi, alors que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes, le 7 novembre 2014, même si la demande pour les rappels de salaire et des congés payés afférents fondée sur des mises à pied prononcées en 2010 avait été présentée en cours d'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

19. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral, alors « que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté le salarié de ses demandes relatives à l'exécution fautive du contrat de travail et au harcèlement moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

20. La cassation prononcée sur le deuxième moyen du chef de dispositif déclarant prescrite l'action du salarié en annulation de ses mises à pied des 7 mai, 12 août et 1er décembre 2010, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif critiqué par le troisième moyen relatif à la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

21. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité du licenciement, les demandes indemnitaires en résultant et de rejeter ses demandes dans leur intégralité, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant rejeté la demande de nullité du licenciement du salarié, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

22. La cassation prononcée sur le troisième moyen du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif critiqués par le quatrième moyen rejetant les demandes en annulation du licenciement et en paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [W] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Mediapost aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mediapost et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400047
Date de la décision : 17/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 25 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 jan. 2024, pourvoi n°52400047


Composition du Tribunal
Président : M. Barincou (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400047
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award