LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 novembre 2023
Cassation sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 606 F-D
Pourvoi n° B 22-19.570
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 juin 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023
M. [L] [N], domicilié chez le cabinet KetB, [Adresse 4], a formé le pourvoi n° B 22-19.570 contre l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021 par le premier président près la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny, domicilié en son parquet, 173 avenue Paul Vaillant Couturier, 93008 Bobigny cedex,
2°/ au préfet de Police de Paris, domiciliée [Adresse 1],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris,domicilié en son parquet général, [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Partie en présence :
L' association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, [Adresse 2]
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [N] et l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention volontaire
1. Il est donné acte à l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers de son intervention volontaire.
Faits et procédure
2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 27 octobre 2021), et les pièces de la procédure, le 14 octobre 2021, M. [N], de nationalité sénégalaise, a, à son arrivée à l'aéroport de [7], été placé en zone d'attente, par décision du directeur départemental de la police aux frontières, pour une durée de quatre jours. Le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de M. [N] en zone d'attente pour une durée de huit jours à compter du 17 octobre 2021.
3. Le 25 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de nouvelle prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 342-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), a dit n'y avoir lieu de prolonger le maintien de M. [N] en zone d'attente.
4.Le ministère public a relevé appel et, par ordonnance du 26 octobre 2021, ce recours a été, sur sa demande, déclaré suspensif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. M. [N] fait grief à l'ordonnance du 27 octobre 2021 de déclarer irrecevable le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel du ministère public avec demande d'effet suspensif et, en conséquence, de renouveler son maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours, alors « qu'en vertu de l'article L. 342-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appel par le ministère public d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu de prolonger le maintien de l'étranger en zone d'attente n'est pas suspensif ; que si le ministère public peut toutefois demander au premier président de la cour d'appel on ou à son délégué de déclarer le recours suspensif, il appartient au premier président de la cour d'appel – ou à son délégué - de statuer sur la demande du ministère public après que l'étranger ou son conseil a été mis à même de transmettre des observations sur cette demande d'effet suspensif de l'appel, dans le respect du caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense ; que le ministère public doit, à cette fin, notifier immédiatement la déclaration d'appel motivée à l'avocat de l'étranger, qui dispose alors d'un délai de deux heures minimum pour déposer des observations ; que cette formalité est prescrite à peine d'irrecevabilité de l'appel ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du premier président de la cour d'appel du 26 octobre 2021 faisant droit à la demande d'effet suspensif formée par le ministère public a été rendue au visa des "notifications du recours suspensif du 25 octobre 2021, faites à : [?] Me Camille Papinot, avocat au barreau de Paris, à 22h36" et " en l'absence d'observations suite aux notifications" ; que dans ses conclusions en défense à l'appel du ministère public, transmises le 26 octobre 2021 à 19h51, M. [N] soutenait que la déclaration d'appel n'avait pas été notifiée à son avocat avant que le premier président ne statue sur la demande d'effet suspensif, dans la mesure où elle avait été adressé par courrier électronique à l'adresse "[Courriel 5]" au lieu de "[Courriel 6]", sans qu'aucune information ne soit donnée par téléphone ou télécopie ; qu'en retenant, pour infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 25 octobre 2021 et ordonner le maintien de M. [N] en zone d'attente pour huit jours supplémentaires, que le moyen pris de "l'absence d'information de l'avocat" était "irrecevable lors de la présente audience dès lors que les arguments portent sur l'absence de motivation de la demande d'effet suspensif", le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 342-12, L. 342-13, R. 342-12, R. 342-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 342-11, R. 342-12 et R. 342-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
6. Il résulte du premier de ces textes que la juridiction est saisie par une déclaration d'appel motivée et des deux derniers que, lorsqu'il entend solliciter du premier président qu'il déclare l'appel suspensif, le ministère public fait notifier cette déclaration d'appel, immédiatement et par tout moyen, à l'autorité administrative, à l'étranger et, le cas échéant, à son avocat et que des observations en réponse à la demande de déclaration d'appel suspensif peuvent être transmises par tout moyen au secrétariat du premier président dans un délai de deux heures.
7. Pour déclarer recevable l'appel du ministère public et renouveler le maintien de M. [N] en zone d'attente, l'ordonnance énonce que le moyen tiré de l'irrecevabilité de cet appel avec demande d'effet suspensif en l'absence d'information de l'avocat est irrecevable lors de l'audience d'appel, dès lors que les arguments portent sur l'absence de motivation de la demande d'effet suspensif.
8. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressortait pas de ses constatations que la déclaration d'appel avait été notifiée à l'avocat de l'étranger et qu'il avait pu présenter ses observations préalablement à l'ordonnance du 26 octobre 2021, de sorte qu'était recevable le moyen contestant la recevabilité de l'appel du ministère public, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
Donne acte à l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers de son intervention volontaire.
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
En application de l'article 700, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.