LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2023
Rejet
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 952 F-D
Pourvoi n° C 21-11.425
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
La société TMD friction France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-11.425 contre l'arrêt n° RG : 18/03187 rendu le 14 décembre 2020 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 3, sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à M. [C] [S], domicilié [Adresse 3],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société TMD friction France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 décembre 2020), à la suite de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [S] (la victime), salarié de la société TMD friction France (l'employeur), la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle (la caisse) lui a attribué une indemnité en capital calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 5 %.
2. Après avoir accepté l'offre d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), la victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
3. Le FIVA, subrogé dans les droits de la victime, est intervenu volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au FIVA une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la victime, alors « qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en se bornant à affirmer que « la nécessité de se soumettre à un suivi médical régulier face au risque à tout moment de dégradation de l'état de santé et de menaces sur le pronostic vital et le facteur d'inquiétude lié au contexte de la contamination de la victime intervenue dans une entreprise de production de produits finis à base d'amiante, dont les salariés sont particulièrement touchés par les maladies de l'amiante, constituent un préjudice spécifique se distinguant des souffrances psychologiques associées à l'atteinte séquellaire réparées au titre du déficit fonctionnel permanent et devant être indemnisé distinctement, sans encourir le reproche d'une double indemnisation », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à démontrer en quoi les souffrances morales invoquées par le salarié étaient distinctes de celles déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente inférieure au taux de 10 % prévu par l'article R. 434-1 du même code, dont le montant est fonction du taux d'incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret.
6. Selon l'article L. 452-3 du même code, indépendamment de la majoration de la rente ou de l'indemnité en capital qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2 du même code, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit de demander à celui-ci devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
7. La Cour de cassation jugeait depuis 2009 que la rente ou l'indemnité versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154). Elle n'admettait que la victime d'une faute inexcusable percevant une rente ou une indemnité en capital d'accident du travail ou de maladie professionnelle puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48).
8. Par deux arrêts d'assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés), la Cour de cassation, revenant sur cette jurisprudence, juge désormais que la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
9. Il en résulte que la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, que la rente ou l'indemnité en capital n'ont pas pour objet d'indemniser.
10. L'arrêt retient l'existence de souffrances morales liées à la nécessité d'un suivi médical régulier et à l'inquiétude de la victime en raison des menaces pesant sur son pronostic vital.
11. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société TMD friction France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société TDM friction France et la condamne à payer au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 400 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.