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07/09/2023 | FRANCE | N°21-15408

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 septembre 2023, 21-15408


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 septembre 2023

Cassation partielle

Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 808 F-D

Pourvoi n° H 21-15.408

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 septembre 2023

Cassation partielle

Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 808 F-D

Pourvoi n° H 21-15.408

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023

La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-15.408 contre l'arrêt n° RG : 20/02262 rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'[Localité 2], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'[Localité 2], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, suivi d'une lettre d'observations du 8 octobre 2014, l'URSSAF d'[Localité 2] (l'URSSAF) a notifié à la société [4] (la société) une mise en demeure du 30 décembre 2014, puis a décerné à son encontre une contrainte du 2 février 2015.

2. La société a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire régulières la mise en demeure du 30 décembre 2014 et la contrainte émise le 2 février 2015, alors « qu'il résulte des articles L. 244-2, L. 244-9 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure, qui doit précéder la contrainte, et qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit préciser, à peine de nullité, la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; qu'en énonçant, pour dire régulières la mise en demeure du 30 décembre 2014 qui ne comporte pas la mention, année par année, des cotisations et majorations de retard réclamées pour les trois années de la période contrôlée pour laquelle elle a été délivrée, et la contrainte délivrée à sa suite, que la mise en demeure, de fait laconique pour ne préciser que le montant total des cotisations (239 006 euros) et celui des majorations de retard (37 799 euros), fait expressément référence à la période contrôlée, à la lettre d'observations comme à la réponse et au nouveau chiffrage effectué par l'inspecteur du recouvrement, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 244-9 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, le deuxième dans sa rédaction de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 et le troisième dans sa rédaction du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009 applicables au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

5. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la mise en demeure du 30 décembre 2014 fait expressément référence à la période contrôlée et à la lettre d'observations du 3 octobre 2014 comme à la réponse et au nouveau chiffrage calculé par l'inspecteur du recouvrement. Il relève également que ce chiffrage a été effectué année par année, ce qui confirme que la société ne pouvait rien ignorer de la nature, de la cause ou de l'étendue de ses obligations.

6. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure était régulière.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 4 et la contrainte délivrée en conséquence, alors « qu'il résulte de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, que revêtent le caractère d'avantages en nature, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition permanente d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge ; que, pour valider le chef de redressement litigieux, la cour d'appel a relevé que certains salariés sont membres de l'Association des utilisateurs de véhicules dont ils obtiennent, en échange d'une cotisation annuelle, un véhicule qu'ils peuvent utiliser aussi bien à des fins professionnelles que personnelles, que la société [4] règle à l'Association des utilisateurs de véhicules les factures que celle-ci lui adresse pour les kilomètres parcourus à titre professionnel par ses adhérents, que les ressources de l'association sont constituées par l'ensemble des remboursements de frais versés par les entreprises qui emploient les utilisateurs de véhicules et la redevance annuelle acquittée par ces derniers, que l'association règle les factures de location, de carburant, d'entretien et de réparation des véhicules mis, de façon permanente, à la disposition de ses membres, que la cotisation versée par les salariés est dérisoire et ne permet pas de couvrir la charge de leurs déplacements personnels, cette cotisation constituant une participation de ces derniers devant être prise en compte dans l'évaluation de l'avantage en nature, que les factures acquittées chaque mois par la société comportent l'identité du collaborateur, l'immatriculation du véhicule, le nombre de kilomètres professionnels retenus et la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique, mais que rien ne permet de déterminer le nombre de kilomètres effectivement parcourus à titre professionnel qui résulte des seules déclarations des salariés ou plus exactement des seules factures de l'Association des utilisateurs de véhicules, sans aucun système de contrôle mis en place par la société pour le vérifier de sorte que la société se trouve dans l'ignorance totale des kilomètres parcourus à quelque titre que ce soit et qu'en conséquence, comme le conclut l'URSSAF, la société, par l'intermédiaire de l'association dont c'est la mission statutaire, met à la disposition des salariés à titre permanent des véhicules et leur permet une économie de frais, minorée par le paiement de la cotisation à l'association ; que la cour d'appel a ainsi statué par des motifs ne caractérisant ni en son principe ni en son montant l'existence d'un avantage en nature au regard de la règle d'assiette sus-visée et a violé les articles L. 242-1, alinéa 1er du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018 et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 21 mai 2019, applicables au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, alinéa 1er, et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales :

9. Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens du premier de ces textes, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.

10. En application du second de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

11. Pour dire que les salariés bénéficiaient de l'avantage en nature résultant de la mise à disposition à titre permanent d'un véhicule, l'arrêt retient qu'ils sont membres d'une association des utilisateurs de véhicules, auprès de laquelle ils obtiennent, en échange d'une cotisation annuelle, un véhicule qu'ils peuvent utiliser aussi bien à des fins professionnelles que personnelles et que si la société règle à l'association les factures correspondant aux kilomètres parcourus par ses adhérents à titre professionnel avec la mention de l'identité du collaborateur, de la marque, du type et de l'immatriculation du véhicule concerné ainsi que du nombre de kilomètres professionnels et de la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique conforme à ce que retient l'administration fiscale, la cotisation versée par les salariés est dérisoire et ne permet à l'évidence pas de couvrir la charge de leurs déplacements personnels. Il souligne qu'il n'est pas justifié qu'en plus de cette cotisation, les salariés prennent à leur charge les kilomètres parcourus à titre personnel et qu'il est acquis qu'ils ne supportent pas les frais de réparation ni d'entretien des véhicules utilisés.

12. Il ajoute que les statuts de l'association ne prévoient pas qu'une cotisation soit obligatoire et qu'il n'existe aucun système de contrôle mis en place par la société pour s'assurer du nombre de kilomètres parcourus à quelque titre que ce soit.

13. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, dans son principe et dans son montant, l'avantage en nature litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. La société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement relatif à l'avantage en nature logement et de la condamner à lui verser les cotisations et majorations de retard correspondant à ce redressement, alors « qu'il résulte des articles 2, 2° et 8, 2° de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, qu'à concurrence du montant fixé par le second de ces textes, les indemnités versées par l'employeur et destinées à compenser les dépenses inhérentes à l'installation dans le nouveau logement d'un salarié objet d'une mutation professionnelle sont réputées utilisées conformément à leur objet ; que la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations d'un avantage en nature logement correspondant aux premiers mois de loyer du nouveau logement des salariés en situation de mutation professionnelle, a énoncé que la pratique suivie n'était conforme ni l'esprit ni à la lettre de l'arrêté du 20 décembre 2002 ou de la circulaire ministérielle du 7 janvier 2003, chacune des deux salariées concernées ayant bénéficié gratuitement pendant six mois d'un local d'habitation qui n'était pas destiné à faciliter la recherche d'un logement mais à constituer sa résidence permanente dès la mutation intervenue, et que la prise en charge des six premiers loyers mensuels ne correspondaient en aucune manière à l'article 8 du « décret » du 20 décembre 2002, sans rechercher si cette prise en charge temporaire du loyer du nouveau logement ne visait pas à compenser forfaitairement les dépenses inhérentes à la nécessité, pour ces salariés, de s'installer dans ce nouveau logement en raison de leur mutation professionnelle, a statué par des motifs impropres à justifier l'arrêt attaqué au regard des articles 2, 2°,8, 2° et 10 de l'arrêté interministériel du 20 décembre 2002 et de l'article L. 242-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2, 8 et 10 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales :

15. Il ressort du deuxième de ces textes que la mobilité professionnelle implique un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail du salarié dans un autre lieu de travail et que l'employeur est autorisé à déduire de l'assiette des cotisations sociales les indemnités destinées à compenser les dépenses inhérentes à l'installation dans le nouveau logement, qui sont réputées être utilisées conformément à leur objet pour un certain montant.

16. Pour valider le redressement relatif à l'avantage en nature logement, l'arrêt retient que chacune des personnes concernées a bénéficié gratuitement, pendant six mois, d'un local d'habitation qui n'était pas destiné à faciliter la recherche d'un nouveau logement mais à constituer sa résidence permanente, dès la mutation intervenue.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait la société, cette prise en charge temporaire du loyer du nouveau logement ne visait pas à compenser forfaitairement les dépenses inhérentes à la nécessité, pour ces salariés, de s'installer dans ce nouveau logement en raison de leur mutation professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide les chefs de redressement n° 4 et 5 relatifs aux « avantage en nature véhicule » et « avantage en nature logement » et valide la contrainte pour la somme de 38 129 euros, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne l'URSSAF d'[Localité 2] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'[Localité 2] et la condamne à payer à la société [4] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-15408
Date de la décision : 07/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 sep. 2023, pourvoi n°21-15408


Composition du Tribunal
Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.15408
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