CIV. 3
RM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 502 F-D
Pourvoi n° R 22-15.282
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
Mme [L] [E], épouse [Y], domiciliée [Adresse 2], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de légataire universel de [K] [E], décédée, a formé le pourvoi n° R 22-15.282 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [S] [N], épouse [M], domiciliée [Adresse 8],
2°/ à M. [V] [N], domicilié [Adresse 4],
tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de leur mère [U] [F] [N] et de leur père [B] [N], décédés,
3°/ à M. [R] [E], domicilié [Adresse 6],
4°/ à M. [H] [E], domicilié [Adresse 7],
5°/ à [G] [P], épouse [W], ayant été domiciliée [Adresse 1], décédée,
6°/ à M. [I] [P], domicilié [Adresse 5],
tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de leur mère [T] [E], décédée,
7°/ à Mme [C] [W], épouse [Z], domiciliée cabinet d'orthophonie [C] [Z]-[W], [Adresse 9],
8°/ à Mme [O] [W], épouse [D], domiciliée ISATIS association, [Adresse 3],
toutes deux prises en leur qualité d'ayants droit de leur mère [G] [P], épouse [W], décédée, elle-même prise en sa qualité d'ayant droit de sa mère [T] [E], décédée,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [Y], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [N], après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2022), le 26 mars 2003, [A] [E] (la venderesse) a vendu à [B] [N] et [U] [J], épouse [N] (les acquéreurs), la nue-propriété d'un immeuble, moyennant le paiement comptant de la somme de 15 245 euros, outre le versement d'une rente viagère annuelle de 2 736 euros, la venderesse en conservant l'usufruit sa vie durant.
2. Le 12 mars 2010, MM. [R] et [H] [E], Mme [G] [P] et M. [I] [P], ces derniers en qualité d'héritiers de leur mère [T] [E], ainsi que Mme [Y], à titre personnel et en tant que légataire universelle de [K] [E], tous venant aux droits de la venderesse (les consorts [E]) ont assigné Mme [S] [N] et M.[V] [N] (les consorts [N]), venant aux droits des acquéreurs, en nullité de la vente pour vil prix et défaut de cause.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
3. Les consorts [N] soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi de Mme [Y], au motif qu'elle ne pouvait poursuivre seule l'instance en appel, l'article 815-3 du code civil exigeant le consentement de tous les indivisaires pour agir en justice.
4. Mme [Y] ayant régulièrement signifié à ses coïndivisaires, demandeurs à l'action devant le premier juge, sa déclaration et ses conclusions d'appel, de même que son mémoire ampliatif dans l'instance en cassation et ayant qualité à agir pour la conservation du bien indivis, le pourvoi est donc recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la vente avec rente viagère, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme [L] [E] épouse [Y] reprochait au tribunal de s'être référé, au cours de son raisonnement tendant à déterminer la valeur de l'immeuble litigieux, au barème de l'usufruit issu de la loi de finances pour 2004, en faisant valoir qu'il ne pouvait s'appliquer à une vente passée le 26 mars 2003; qu'en l'espèce, après avoir retenu la valeur en pleine propriété retenue par l'expert M. [X], la cour d'appel s'est écartée de ses conclusions quant à la détermination de la valeur en nue-propriété de l'immeuble en décidant d'appliquer le barème de l'usufruit mis en place en 2004, soit postérieurement à la vente litigieuse, au taux de 30% au lieu de celui de 10% en vigueur à la date de la vente ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [Y] revendiquant l'application de l'ancien barème pour déterminer la valeur de l'immeuble, qui aurait conduit à retenir que la rente convenue entre les parties était inférieure aux revenus escomptés du bien aliéné, de sorte que la nullité pour vileté du prix était bien encourue, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif.
7. Pour dire valable la constitution de la rente viagère, l'arrêt retient que [A] [E] étant âgée de 73 ans au moment de la vente, son usufruit représente 30 % de la valeur du bien, en application du barème fiscal habituellement utilisé.
8. En statuant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel le barème fiscal applicable au jour de la vente conclue le 26 mars 2003 fixait ce pourcentage à 10 %, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée ;
Condamne M. [V] et Mme [S] [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.