LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 569 F-D
Pourvoi n° P 22-15.855
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1er JUIN 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-15.855 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], ayant pour nom commercial [4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société [3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 mars 2022) et les productions, la société [3] (l'employeur) a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (la caisse) une déclaration d'accident du travail concernant l'un de ses salariés, survenu le 5 juin 2015.
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en inopposabilité de la décision de la caisse de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de l'employeur, alors « que si la caisse, sans y être tenue, adresse à l'employeur, à sa demande, une copie du dossier d'instruction constitué en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, la circonstance que cette copie soit incomplète ne peut justifier l'inopposabilité de la décision de prise en charge ; que faute d'avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée, si une copie du dossier n'avait pas été expédiée par la caisse à l'employeur et si, par suite, celui-ci, en faisant valoir que le dossier ne comprenait pas certaines pièces, ne se prévalait pas du caractère incomplet du dossier expédié par la caisse, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Selon ce texte, dans le cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11 du même code, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier qui comprend, en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, les informations parvenues à la caisse de chacune des parties et, au titre des éléments médicaux relatifs à la victime, les divers certificats médicaux ainsi que l'avis du médecin conseil.
5. Pour dire inopposable à l'employeur la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident mortel dont a été victime l'un de ses salariés, l'arrêt retient que la caisse ne démontre pas que le dossier qui a été envoyé à l'employeur comprenait l'interrogation faite au service médical au sujet de la nécessité de faire procéder à une autopsie, ni aucun certificat médical, ou le certificat de décès.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur avait été informé de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier jusqu'à la date à laquelle la caisse entendait prendre sa décision, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations avant cette décision, peu important l'envoi d'une copie incomplète du dossier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société [3], dont le nom commercial est [4], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3], dont le nom commercial est [4], et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.