LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 566 F-D
Pourvoi n° V 21-23.838
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1er JUIN 2023
Mme [U] [E] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-23.838 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme [E] [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 septembre 2021), [Z] [E] [B] (la victime) est décédé subitement sur son lieu de travail le 14 janvier 2015.
2. La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) ayant refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, la veuve de la victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La veuve de la victime fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'un accident survenu au temps et au lieu de travail est présumé d'origine professionnelle, sauf à l'employeur ou à l'organisme à rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; que la cour d'appel a constaté que la victime était décédée au temps et au lieu de travail ; que, pour retenir que la présomption d'imputabilité était détruite, la cour d'appel a relevé, d'une part, que le médecin-expert a conclu que, même si sa cause était restée indéterminée, la mort subite était nécessairement étrangère au travail car imputable à un état pathologique antérieur, d'autre part, que l'assurée ne verse aux débats aucun élément pour justifier un lien avec le travail qui aurait pu influer sur l'état pathologique antérieur et déclencher un processus morbide, de troisième part, que, le jour de son décès, la victime était dans un état normal, ne s'était plainte de rien, ni de fatigue, ni de stress, ni de retard du chantier et, enfin, que le port de charges lourdes était effectué par des collègues plus jeunes ; qu'en se déterminant par de tels motifs, insuffisants à rapporter la preuve que l'accident litigieux, subi par la victime au temps et au lieu du travail, avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :
4. Il résulte de ce texte qu'un accident survenu au temps et au lieu de travail de la victime est présumé d'origine professionnelle, sauf à l'employeur ou à l'organisme à rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail.
5. Pour rejeter la demande de la veuve de la victime, l'arrêt retient que l'expert désigné sur la contestation par cette dernière de la décision de la caisse a repris les éléments propres au dossier médical de la victime (surpoids, antécédents cardiaques) et a conclu que la mort subite était nécessairement en lien avec un état pathologique antérieur, peu important que le décès puisse avoir cinq causes différentes dès lors qu'aucune prise isolément ne permet de retenir un quelconque lien avec le travail. Il ajoute qu'il n'est justifié d'aucun élément objectif pour démontrer que le travail avait pu influer sur l'état pathologique antérieur et déclencher le processus morbide. Il relève que, selon le médecin-expert, on ne peut retenir, sur les éléments disponibles lors de l'expertise, de lien de causalité entre la survenue de la mort subite et les conditions de travail.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à démontrer que l'accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail, avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables l'appel et l'action de Mme [E] [B], l'arrêt rendu le 3 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à payer à Mme [E] [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.