LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Sursis à statuer
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 348 FS-D
Pourvoi n° H 21-20.675
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
M. [Z] [L], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 21-20.675 contre l'arrêt n° RG : 18/01056 rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Centre Val-de-Loire, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Partie intervenante :
la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du régime social des indépendants pour ce qui concerne les risques maladie.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Centre Val-de-Loire et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Coutou, conseiller, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mme Vigneras, MM. Labaune, Montfort, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe de son intervention volontaire.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 novembre 2020), M. [L] (l'assuré) a successivement exercé, en qualité de travailleur indépendant, la profession d'agent général d'assurance, au titre de laquelle il a été affilé au régime social des indépendants et à la caisse d'allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non-salariés d'assurance et de capitalisation (la CAMAVAC) et la profession de courtier en assurances, au titre de laquelle il a été affilié au régime social des indépendants.
3. À la suite de son classement en invalidité de deuxième catégorie, il a obtenu, à compter du 1er mars 2015, le versement d'une pension d'invalidité par la caisse du régime social des indépendants des Pays de la Loire, au droit de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe.
4. Contestant le montant de cette pension, en ce qu'elle ne prenait pas en compte la période exercée en qualité d'agent général d'assurance, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 49, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, les articles L. 172-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, R. 172-17-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-667 du 24 mai 2016 :
6. Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.
7. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation est saisie d'un pourvoi à l'encontre d'un arrêt d'une cour d'appel qui a exclu le régime géré par la CAVAMAC du champ de la coordination entre régimes pour le calcul de la pension d'invalidité.
8. L'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale institue une coordination entre les régimes d'assurance invalidité pour les personnes ayant relevé successivement ou alternativement soit de régimes de salariés, soit d'un régime de salariés et d'un régime de non salariés, soit de plusieurs régimes de travailleurs non salariés. Il renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des conditions d'ouverture et de maintien des droits à pension d'invalidité dans les régimes en cause, ainsi que les conditions dans lesquelles sont calculés ces droits, lorsque le montant de la pension servie par le régime représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.
9. L'article R. 172-17-1 du même code, pris en application du précédent texte, exclut du champ de la coordination pour le calcul de la pension d'invalidité coordonnée, le régime des avocats, le régime des travailleurs non salariés des professions agricoles et les régimes spéciaux autres que le régime des clercs et employés de notaires.
10. Selon l'article L. 640-1 du code de la sécurité sociale, sont affiliés aux régimes d'assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales les personnes exerçant la profession d'agent général d'assurance. Ce régime, géré par la CAVAMAC, n'est pas un régime spécial au sens des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale. Il n'est, dès lors, pas exclu, par les dispositions de l'article R. 172-17-1, du champ de la coordination entre régimes pour le calcul de la pension d'invalidité coordonnée.
11. Or, aux termes de l'article 12 du statut du régime d'assurance d'invalidité décès des agents généraux d'assurance, la pension d'invalidité professionnelle totale ou partielle est calculée sur la base de la totalité des commissions et des rémunérations brutes ayant servi au calcul de la cotisation de l'exercice précédant la date de reconnaissance de l'invalidité professionnelle de l'adhérent par la commission d'inaptitude ou sur la moyenne des trois dernières années d'exercice précédant cette même date si cette dernière est plus favorable, dans la limite du plafond fixé par
ledit régime.
12. Ainsi, la pension d'invalidité servie par la CAVAMAC ne représente pas une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.
13. Il résulte de ce qui précède que se pose la question de la compatibilité des dispositions de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale à l'article L. 172-1 du même code, en tant qu'il n'exclut pas du champ de la coordination des modalités de calcul de la pension d'invalidité coordonnée un régime qui sert une pension d'invalidité dont le montant ne représente pas une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.
14. Dès lors, la solution du litige dépend de l'appréciation de la légalité de l'article R. 172-17-1 au regard des dispositions législatives précitées. Cette question, soulevant une difficulté sérieuse, relève de la compétence de la juridiction administrative.
15. Il y a lieu de la transmettre au Conseil d'Etat et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil d'Etat la question préjudicielle relative à l'appréciation de la légalité de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale au regard des dispositions de l'article L. 172-1 du même code ;
SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision qui sera rendue sur la question préjudicielle par le Conseil d'État ;
Réserve les dépens ;
Renvoie à l'audience de formation de section du 12 septembre 2023 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.