LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Rejet
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 353 F-B
Pourvoi n° S 21-19.603
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
M. [L] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-19.603 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 12), dans le litige l'opposant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du régime social des indépendants d'Ile-de-France Est, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [N], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, venant aux droits du régime social des indépendants d'Ile-de-France Est, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Coutou, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2021), M. [N] (l'assuré), affilié au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants depuis 2004, a sollicité auprès de la caisse du régime social des indépendants d'Ile-de-France Est, aux droits de laquelle vient la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse), la liquidation de ses droits à pension de retraite. La caisse lui a notifié ses droits à retraite de base et complémentaire à effet au 1er juillet 2014.
2. Contestant les modalités de calcul de ses droits, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, la troisième branche étant irrecevable et la deuxième n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants ; que le mode de calcul des droits à pension dans les régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales issu de l'article R. 351-10 du code de la sécurité sociale, rendu applicable par l'article D. 634-1 du même code, et de l'article 5 du règlement du régime complémentaire d'assurance vieillesse des indépendants approuvé par arrêté du 9 février 2021, en ce qu'il exclut la possibilité, pour les travailleurs non-salariés de ces professions, de prendre en compte les cotisations d'assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à l'entrée en jouissance de la pension, postérieurement au dernier jour du trimestre civil précédant la date de cette entrée en jouissance, portant une atteinte excessive au droit de propriété des assurés affiliés à ces régimes en considération du but qu'il poursuit et ne ménageant pas un juste équilibre entre les intérêts en présence, la cour d'appel, en faisant application de ces dispositions pour juger que la caisse nationale d'assurance vieillesse était légitime à ne retenir au titre de l'année 2013, pour le calcul de la pension de l'assuré, que les seules cotisations provisionnelles versées avant le 1er juillet 2014, à l'exclusion des cotisations de régularisation exigibles au 5 novembre 2014 versées par l'assuré, a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
6. Le droit individuel à pension d'une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application des dispositions susvisées, qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et le droit reconnu aux Etats de réglementer sa mise en oeuvre conformément à l'intérêt général.
7. L'article R. 351-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les droits à l'assurance vieillesse sont déterminés en tenant compte des cotisations versées au titre de la législation sur les assurances sociales et arrêtées au dernier jour du trimestre civil précédant la date prévue pour l'entrée en jouissance de la pension, rente ou allocation de solidarité aux personnes âgées.
8. Selon l'article R. 351-10 du même code, la pension ou la rente liquidée dans les conditions prévues aux articles R. 351-1 à R. 351-9 n'est pas susceptible d'être révisée pour tenir compte des versements afférents à une période postérieure à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à l'assurance vieillesse dans les conditions définies à l'article R. 351-1.
9. L'article R. 351-11 du même code prévoit, toutefois, qu'il est tenu compte, pour l'ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse prévues aux articles L. 351-1, L. 351-7 et L. 352-1, de toutes les cotisations d'assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à la date d'entrée en jouissance de la pension, quelle que soit la date de leur versement.
10. L'article D. 634-1 du code de la sécurité sociale, pris sur le fondement de l'article L. 634-2 du même code, rend applicables, en matière d'assurance vieillesse, aux travailleurs indépendants, les dispositions des articles R. 351-1 et R. 351-10 mais il exclut l'application à ce régime de celles de l'article R. 351-11.
11. Par ailleurs, l'article 5 du règlement du régime complémentaire d'assurance vieillesse des indépendants, artisans, industriels et commerçants, approuvé par arrêté du 9 février 2012, prévoit de la même manière que les cotisations afférentes à des périodes antérieures à la date d'arrêt du compte, versées au régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire après cette date d'arrêt du compte, ne sont pas productives de droits.
12. Ces deux dernières dispositions, en tant qu'elles excluent la prise en considération, pour le calcul de la pension de retraite de base et de la pension de retraite complémentaire, des cotisations d'assurance vieillesse acquittées par les travailleurs indépendants après la date d'entrée en jouissance de la pension, même lorsqu'elles se rapportent à une période antérieure à cette entrée en jouissance, constituent une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ce régime en portant atteinte à la substance de leurs droits à pension.
13. Cette ingérence, qui repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne, accessibles, précises et prévisibles, poursuit un motif d'intérêt général dès lors qu'elle contribue à assurer l'intangibilité des droits à pension liquidés.
14. En outre, le défaut de prise en compte des cotisations payées par les travailleurs indépendants après la liquidation du droit à pension, qu'elles se rapportent à une période postérieure ou à une période antérieure à la date d'arrêt des comptes, ménage un juste équilibre entre les intérêts en présence en ce qu'il neutralise les effets sur le montant de la pension de l'annualité des cotisations d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants, que ces effets soient favorables ou défavorables à l'assuré, de sorte que les dispositions litigieuses ne portent pas une atteinte excessive au droit fondamental garanti au regard du but d'intérêt légitime qu'elles poursuivent.
15. Ayant constaté que la pension de retraite de l'assuré avait pris effet au 1er juillet 2014 et que des cotisations de régularisation pour l'année 2013, exigibles au 5 novembre 2014, avaient été versées par celui-ci après la date d'entrée en jouissance de la pension, la cour d'appel en a exactement déduit que la caisse était fondée à ne retenir, pour le calcul des droits à pension de l'assuré, que les seules cotisations provisionnelles versées pour l'année 2013 avant la date d'entrée en jouissance de la pension.
16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.