CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mars 2023
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10170 F
Pourvoi n° Z 22-10.138
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023
Mme [D] [Z], épouse [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 22-10.138 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (sur renvoi de cassation), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [V] [T], épouse [M],
2°/ à Mme [R] [M],
toutes deux domiciliées [Adresse 3] et prises en qualité d'héritières de [N] [E], née [L], décédée,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [K], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes [V] et [R] [M], après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. David, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] et la condamne à payer à Mmes [V] et [R] [M] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la parcelle [Cadastre 1] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [Cadastre 5] ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 7), Madame [K] avait fait valoir que les époux [J] avaient vendu aux époux [I] et aux époux [P] des immeubles sur lequel était situé le passage litigieux et qu'en conséquence, la prétendue servitude de passage était éteinte par confusion, Madame [K] ayant acquis les propriétés [I] et [P] ; qu'en se bornant à énoncer que « la circonstance que Madame [K] réunit entre ses mains les propriétés de Monsieur [P] et de Monsieur [I] est sans incidence sur l'existence de cette servitude de passage, dès lors que Monsieur [J], auteur de Madame [E], en bénéficiait également », la Cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen essentiel soulevé par l'exposante, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la création ou l'existence d'une servitude au profit d'un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant ; qu'en l'espèce, Madame [K] avait fait valoir qu'aucun de ses auteurs n'avait participé à l'acte du 17 mars 1883 et que l'acte du 31 août 1889 ne définissait aucun droit de passage conventionnel au profit de la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ; qu'en se fondant, pour reconnaître l'existence d'une servitude conventionnelle de passage, sur ces actes qui ne permettaient pas d'établir cette servitude, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 686, 688 et 691 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel (p.8), Madame [K] avait fait valoir que « le passage de 2m89 n'est pas situé sous l'immeuble qui a été bâti par les époux [P] et qui est devenu la propriété de Madame [K] » ; qu'en se bornant à énoncer que l'assiette de la servitude de passage « doit être ainsi fixée : 2,89 m sous le bâti et 3 m au-delà, telle qu'elle est revendiquée sans être utilement contredite par Mesdames [M] », sans répondre à ce moyen pourtant essentiel soulevé dans les conclusions d'appel de l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la parcelle [Cadastre 1] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [Cadastre 5] ;
ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 9), Madame [K] avait fait valoir qu'au moment de son acquisition, la servitude n'était pas apparente, car « le portail était fermé à clef et Madame [E] n'a jamais disposé de clef et n'est donc jamais passée sur ce qui est qualifié de passage » et que « seuls les propriétaires de la parcelle [Cadastre 5], dont Madame [K], ont eu les clefs du portail ouvrant le passage litigieux et en avaient l'usage » ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que l'exposante en connaissait l'existence au moment de l'acquisition, que « la configuration des lieux au moment de l'acquisition de l'immeuble de Madame [K] en 1984 laisse apparaître sans équivoque un passage depuis la rue », sans répondre à ce moyen soulevé dans les conclusions d'appel de l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la parcelle [Cadastre 1] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [Cadastre 5] ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les trois factures produites aux débats par Mesdames [M] afin de rapporter la preuve de l'utilisation du passage litigieux faisaient état de travaux sans mentionner une utilisation du passage litigieux ; qu'en énonçant néanmoins que « Mesdames [M] produisent trois factures d'entreprises ayant utilisé le passage sous porche pour accéder à l'arrière de sa propriété afin de réaliser des travaux », cependant qu'il ne résultait pas de ces documents que lesdites entreprises avaient utilisé le passage litigieux, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents, en violation de l'article 1103 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 10) Madame [K] avait fait valoir qu'elle était la seule à détenir les clefs permettant d'ouvrir le passage litigieux et elle avait versé aux débats plusieurs attestations confirmant qu'elle ne résidait pas entre 1997 et 2002 à [Localité 4] ; que ce moyen était essentiel, dès lors qu'il permettait d'établir qu'il était impossible que des entreprises aient utilisé le passage litigieux, l'exposante étant la seule à détenir les clefs et n'étant pas sur place à l'époque des travaux ; qu'en s'abstenant d'y répondre, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TOISIEME PART, QUE, dans une lettre adressée à la Mairie de [Localité 4] le 5 juin 2008 (pièce n° 4), ainsi que dans une attestation du 5 novembre 2007 destinée à être produite en justice (pièce n° 34), Madame [E] avait dénoncé l'extrême dangerosité de l'utilisation du passage litigieux tant pour les riverains que pour les usagers de la route et avait sollicité l'octroi d'une servitude conventionnelle de passage auprès de la Mairie afin de remédier à cette situation, ce dont il résultait qu'elle reconnaissait être dans l'impossibilité d'user du passage litigieux ; qu'en énonçant néanmoins que « si dans une lettre adressée au maire le 5 juin 2008, Madame [E], Madame [A] et Madame [K] faisaient état de la dangerosité de la RN 21 dans la traversée de MIELAN et signalaient que les entrées et sorties de leurs propriétés s'avéraient « délicates et dangereuses », pour autant elles n'indiquaient pas qu'elles étaient impossibles lorsqu'elles revendiquaient l'aménagement de la voie publique et un autre accès à leur immeuble », la Cour d'appel a violé l'article 703 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE si l'inutilité n'est pas une cause d'extinction des servitudes, le propriétaire du fonds dominant ne doit, cependant, pas commettre un abus en utilisant un droit devenu en réalité inutile pour lui ; qu'en se bornant à énoncer que « l'inutilité de la servitude de passage est inopérante, dès lors qu'aucun abus de droit n'est caractérisé ni même invoqué, et ne peut pas être opposée à mesdames [M] par Madame [K] pour faire échec à leur revendication », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait pour Madame [E] d'avoir elle-même sollicité auprès de la Mairie la création d'une servitude conventionnelle de passage, servitude qui lui a été octroyée à l'endroit qu'elle avait proposé, puis de s'abstenir de faire les travaux prévus dans l'acte créateur de la servitude, pour revendiquer une servitude sur le passage litigieux, dont elle avait pourtant reconnu qu'elle ne pouvait l'utiliser en raison de sa dangerosité, n'était pas constitutif d'un abus de droit, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 703 et 1240 du Code civil.