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08/03/2023 | FRANCE | N°21-20224

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 mars 2023, 21-20224


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Cassation partielle

Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 169 F-D

Pourvoi n° S 21-20.224

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 MARS 2023
>La société Thales AVS France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-20.224 contre l'arrêt re...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Cassation partielle

Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 169 F-D

Pourvoi n° S 21-20.224

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 MARS 2023

La société Thales AVS France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-20.224 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Immersion, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Thales AVS France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Immersion, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, rendu en référé (Bordeaux, 10 mai 2021), les 14 octobre 2015 et 13 octobre 2017, les sociétés Thales AVS France (la société Thales), Immersion et Bertin technologies ont conclu un accord « de confidentialité » puis un accord de coopération pour un projet dénommé Uliss.

2. Soutenant que la société Thales avait violé la clause de confidentialité en mettant à la disposition d'une société tierce, la société Yokogawa Electric Corporation (la société YEC), des informations relatives au lot D3 du projet, la société Immersion l'a assignée en référé aux fins notamment de production d'une attestation de cette société YEC confirmant la destruction de l'ensemble des données reçues en lien avec le lot D3 du projet Uliss, de restitution de matériel et de paiement d'une provision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Thales fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a enfreint l'accord de confidentialité 15 TLS 009 du 14 octobre 2015 et l'accord de coopération et notamment l'article 9 relatif à la confidentialité, en conséquence de la condamner à remettre une attestation de la société YEC de destruction, non-divulgation et non-exploitation de l'ensemble des données du lot D3.4, sous astreinte, alors :

« 1°/ que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; que la cour d'appel a constaté que les relations entre les parties étaient "imbriquées", que la société Immersion reconnaissait "de facto" l'implication de la société Yokogawa Electric Corporation dans le développement du projet Uliss, que les documents de suivi (DRL), établis à l'issue de leurs travaux par les partenaires, dont la société Immersion, faisaient apparaître la société Yokogawa Electric Corporation comme relecteur du sous lot D3.4 et lui reconnaissaient un droit d'accès non restreint ; que la question de savoir si la participation effective de la société Yokogawa Electric Corporation au projet ne supposait pas que la confidentialité ait été levée à son égard constituait une contestation sérieuse ; qu'en condamnant la société Thales AVS pour la violation d'une obligation de confidentialité dont la portée était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé l'article 873 al 2 du code de procédure civile ;

2°/ que pour dire que la violation de la clause de confidentialité n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel a énoncé que la société Yokogawa Electric Corporation n'était pas partie à l'accord de coopération, que son intervention n'avait pas fait l'objet d'une "contractualisation" et qu'il n'était pas établi que le DRL, qui la mentionnait comme partie participante au lot D3.4 avec un droit accès complet, avait un caractère contractuel ; que la détermination de la sphère contractuelle, au-delà de sa formalisation par un écrit, constituait une contestation sérieuse ; que la cour d'appel, en la tranchant, a violé l'article 873 al 2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Immersion conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci postule qu'elle aurait reconnu, de fait, la participation de la société YEC et qu'elle aurait ainsi, implicitement, accepté de lever l'obligation de confidentialité contractuellement prévue liant la société Thales, ce qui serait incompatible avec la thèse développée en cause d'appel par celle-ci, prétendant que la société Immersion avait accepté contractuellement que la société YEC endosse la qualité de relecteur du sous-lot D3.4.

5. Cependant, devant la cour d'appel comme devant la Cour de cassation, la société Thales fait valoir que, bien que non-signataire de l'accord de confidentialité du 14 octobre 2015 et de l'accord de coopération du 13 octobre 2017, la société YEC était partie prenante au projet de recherche Uliss, y compris au titre du sous-lot D3.4 en litige, et que cette implication supposait la communication des documents contractuels, nécessairement connue de la société Immersion.

6. Le moyen, qui n'est pas incompatible avec la thèse soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 873 du code de procédure civile :

7. Selon le second alinéa de ce texte, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

8. Pour dire que la société Thales a enfreint l'accord de confidentialité et l'accord de coopération, et la condamner à remettre une attestation de la société YEC, l'arrêt constate, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que la société Immersion était le seul contributeur du lot D3 de l'accord de coopération, en second lieu, que la société Thales reconnaît avoir communiqué à la société YEC les résultats du sous-lot D3.4 ainsi que la nature confidentielle des documents transmis.

9. Il retient qu'il incombe à la société Thales, qui conteste avoir ainsi méconnu son devoir de confidentialité, de justifier d'une contestation sérieuse en apportant aux débats les éléments de nature à établir que la société Immersion aurait reconnu à la société YEC la qualité de relecteur dans la réalisation du lot D3.4.

10. Il ajoute que la demande de soutien financier soumise le 16 octobre 2015 par les trois sociétés françaises à la direction générale de l'aviation civile mentionne la société YEC comme participant au lot 3 mais non comme relecteur du lot D3.4 et que, si la société Immersion reconnaît la nature contractuelle du plan de management du projet (le PMP) signé le 17 janvier 2017 par les trois sociétés françaises, cet acte ne mentionne la société YEC que deux fois et sans faire état d'une qualité de relecteur.

11. L'arrêt en déduit qu'aucun des actes de nature contractuelle ne prévoyant la reconnaissance d'une telle qualité par la société Immersion, la violation de la clause de confidentialité par la société Thales n'apparaît pas sérieusement discutable.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse portant sur la nature contractuelle du document référence list, sur la portée de mentions figurant sur la demande de soutien financier du 16 octobre 2015 et sur celles figurant sur le PMP, ainsi que sur la qualité de la société YEC dans le projet Uliss, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance de référé, il dit que la société Thales AVS France a enfreint l'accord de confidentialité 15 TLS 009 du 14 octobre 2015 et l'accord de coopération concernant le projet Uliss, et notamment l'article 9 relatif à la confidentialité, et en conséquence la condamne à remettre une attestation de la société Yokogawa Electric Corporation confirmant la destruction, la non-divulgation et l'absence de toute exploitation ou utilisation de l'ensemble des données relatives au lot D3.4, sous astreinte, l'arrêt rendu le 10 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Immersion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Immersion et la condamne à payer à la société Thales AVS France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Thales AVS France.

La société Thales AVS reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle avait enfreint l'accord de confidentialité 15 TLS 009 du 15 octobre 2015 et l'accord de coopération et notamment l'article 9 relatifs à la confidentialité, et de l'avoir en conséquence condamnée à remettre une attestation de la société Yokogawa Electric Corporation de destruction, non divulgation et non exploitation de l'ensemble des données du lot D3.4, sous astreinte ;

1) ALORS QUE dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; que la cour d'appel a constaté que les relations entre les parties étaient « imbriquées », que la société Immersion reconnaissait « de facto » l'implication de la société Yokogawa Electric Corporation dans le développement du projet Uliss, que les documents de suivi (DRL), établis à l'issue de leurs travaux par les partenaires, dont la société Immersion, faisaient apparaître la société Yokogawa Electric Corporation comme relecteur du sous lot D3.4 et lui reconnaissaient un droit d'accès non restreint ; que la question de savoir si la participation effective de la société Yokogawa Electric Corporation au projet ne supposait pas que la confidentialité ait été levée à son égard constituait une contestation sérieuse ; qu'en condamnant la société Thales AVS pour la violation d'une obligation de confidentialité dont la portée était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé l'article 873 al 2 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE pour dire que la violation de la clause de confidentialité n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel a énoncé que la société Yokogawa Electric Corporation n'était pas partie à l'accord de coopération, que son intervention n'avait pas fait l'objet d'une « contractualisation » et qu'il n'était pas établi que le DRL, qui la mentionnait comme partie participante au lot D3.4 avec un droit accès complet, avait un caractère contractuel ; que la détermination de la sphère contractuelle, au-delà de sa formalisation par un écrit, constituait une contestation sérieuse ; que la cour d'appel, en la tranchant, a violé l'article 873 al 2 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-20224
Date de la décision : 08/03/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 mar. 2023, pourvoi n°21-20224


Composition du Tribunal
Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.20224
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