CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 février 2023
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10129 F
Pourvoi n° T 21-17.281
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023
Mme [W] [J], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-17.281 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à M. [A] [J], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations écrites de la SCP Spinosi, avocat de Mme [J], épouse [D], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [J], épouse [D], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J], épouse [D], et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [J], épouse [D]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de tous autres chefs de demande et notamment de sa demande tendant à la nullité des testaments et codicilles établis au mois de mai 2014 ;
Alors qu'est nul, le testament qui procède d'un abus de l'état de faiblesse ou de vulnérabilité du testateur, en vue de l'amener à souscrire un acte qu'il n'a pas librement consenti ; qu'en se bornant, pour débouter Mme [D] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des testaments établis en mai 2014 par les époux [J], à affirmer que « les pièces produites par l'appelante n'établissent pas la moindre atteinte aux facultés mentales des époux [J], aux dates des testaments litigieux, ni leur vulnérabilité » et en énonçant, sous forme de pétition de principe, que « le fait d'être âgé et d'avoir des problèmes de santé n'impliquent pas nécessairement une altération ou une abolition des facultés mentales des testateurs, ni leur vulnérabilité », sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [A] [J] n'avait pas abusé de l'état de vieillesse et de maladie de ses parents et s'il ne les avait pas ainsi poussés, en les isolant et en les plaçant sous son contrôle, à rédiger un testament en sa faveur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 901 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné le rapport à la succession de [E] [J] et de [G] [J] de la valeur du bien sis à [Localité 2] acquis le 1er septembre 1981 par Madame [W] [J] dans les termes de l'article 860 du code civil ;
Alors, d'une part, que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, Mme [D] produisait aux débats les deux testaments datés du 15 mai 2014 desquels il ressortait clairement que l'appartement acquis à [Localité 2] le 1er septembre 1981 avait été financé « à l'aide de deniers prêtés par leurs soins » ; qu'en relevant toutefois, pour ordonner le rapport de la valeur de ce bien à la succession des époux [J], que « l'appelante n'apporte pas la preuve qu'il s'agit d'un prêt et non d'une donation », sans s'expliquer, même sommairement, sur les mentions des testaments précités faisant état de ce que l'acquisition du bien sis à [Localité 2] avait été financée par un prêt des époux [J], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que la volonté de donner ou de léguer est de l'essence des dispositions à titre gratuit ; que par suite, une personne ne peut être assujettie au rapport des libéralités sans que soit établie l'intention libérale du disposant ; qu'en l'espèce, pour ordonner le rapport à la succession de la valeur du bien situé à Marseille acquis par Mme [D] le 1er septembre 1981, la cour d'appel s'est bornée à relever que cette dernière ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un prêt, sans caractériser d'élément attestant positivement de l'intention libérale des disposants, et à énoncer que les parents de Mme [D] avaient précisé dans leur testament que la valeur de l'appartement de Marseille serait rapportée à leur succession, quand une telle mention pouvait s'analyser comme l'exigence d'un rapport de dette ; qu'en statuant de la sorte, en se fondant sur des éléments impropres à caractériser l'intention libérale des disposants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 894 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné le rapport à la succession de [E] [J] de la somme de 18.288 euros (soit 120.000 francs), par Mme [W] [J] épouse [D], au titre de la donation consentie par son père, le 16 octobre 1996 ;
Alors que c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'une donation de rapporter la preuve de l'intention libérale du disposant ; qu'en l'espèce, il appartenait donc à M. [A] [J], auteur de la demande de rapport de la somme de 18.288 euros, de rapporter la preuve de l'intention libérale de M. [E] [J] quant à au virement de cette somme sur le compte de Mme [D] ; qu'en retenant cependant, pour ordonner le rapport de cette somme à la succession de M. [E] [J], que « Mme [J] épouse [D] ne formule aucune explication sur ce virement lequel justifie la remise par son père de 120.000 francs, dont elle n'a pas fait état », la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
Alors, subsidiairement, qu'une dispense formelle de rapport n'est pas nécessaire pour qu'une donation adressée à un héritier présomptif soit regardée comme faite hors part successorale ; qu'il appartient aux juges du fond, en l'absence d'une dispense expresse, de rechercher, notamment au regard des circonstances, la volonté du donateur ; qu'en l'espèce, en retenant que la somme de 120.000 francs virée sur le compte de Mme [D] le 16 octobre 1996 devait être rapportée à la succession de M. [J] sans avoir recherché s'il ne résultait pas des circonstances de la cause et notamment de l'absence de mention de cette somme au titre des valeurs rapportables dans le testament du 15 mai 2014 que la prétendue donation faite à Mme [D] avait été consentie à titre préciputaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Mme [D] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de tous autres chefs de demande et notamment de sa demande au titre du recel successoral ;
Alors que si la non révélation de l'existence d'un contrat d'assurance-vie par un héritier n'est pas constitutive, par elle-même, d'un recel successoral, dès lors que les primes versées par le souscripteur ne sont pas en principe soumises à rapport à la succession, il en va autrement lorsque les primes versées sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur ; que par suite, le juge saisi d'une demande tendant à la constatation d'un recel relatif à une assurance-vie ne peut rejeter cette demande sans vérifier si les primes versées par le souscripteur n'étaient pas manifestement exagérées eu égard à ses facultés et donc soumises aux règles du rapport des libéralités ; qu'en l'espèce, Mme [D] invoquait le recel par son frère d'une assurance-vie souscrite par Mme [G] [J] pour un montant de 236.000 euros, ce dont il se déduisait qu'elle sollicitait implicitement mais nécessairement du juge qu'il recherche si l'assurance-vie n'avait pas été alimentée par des primes manifestement exagérées ; qu'en se bornant toutefois à rappeler le principe selon lequel la non-révélation d'une assurance-vie n'est pas normalement constitutive d'un recel, pour débouter Mme [D] de sa demande au titre du recel successoral, sans vérifier si les primes versées par Mme [J] n'étaient pas manifestement excessives eu égard à ses facultés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 778 du code civil et L. 132-13 du code des assurances.