COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Rejet non spécialement motivé
M. VIGNEAU, président
Décision n° 10106 F
Pourvoi n° C 21-20.832
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ la société Comptoir industriel et commercial DAB, société en commandite par actions, dont le siège est [Adresse 7],
2°/ la société SPVM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ Mme [U] [Z], veuve [H], domiciliée [Adresse 3],
4°/ M. [T] [H], domicilié [Adresse 6],
5°/ Mme [E] [I] [H], domiciliée [Adresse 4]),
6°/ Mme [C] [J], domiciliée [Adresse 5],
7°/ la société FFP (SC), dont le siège est [Adresse 2],
8°/ la société DAB gestion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° C 21-20.832 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant à la société Cobra Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Comptoir industriel et commercial DAB, SPVM, FFP (SC) et DAB gestion, de Mme [U] [Z], veuve [H], de M. [T] [H], de Mme [E] [I] [H] et de Mme [J], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Cobra Europe, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comptoir industriel et commercial DAB, la société SPVM, Mme [U] [Z], veuve [H], M. [T] [H], Mme [E] [I] [H], Mme [C] [J], la société FFP (SC) et la société DAB gestion aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Comptoir industriel et commercial DAB, la société SPVM, Mme [U] [Z], veuve [H], M. [T] [H], Mme [E] [I] [H], Mme [J], la société FFP (SC) et la société DAB gestion et les condamne à payer à la société Cobra Europe la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour les sociétés Comptoir industriel et commercial DAB, SPVM, FFP (SC) et DAB gestion, Mme [U] [Z], veuve [H], M. [T] [H], Mme [E] [I] [H] et Mme [J].
Madame [U] [Z], veuve [H], Monsieur [T] [H], Madame [E] [I] [H], Madame [C] [J], les sociétés FFP, DAB Gestion, SPVM et Comptoir industriel et commercial DAB, font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de les avoir condamnés à payer à la société Cobra Europe les sommes suivantes :
- 1.896.798,43 euros pour les héritiers de M. [D] [H] ;
- 760.810,16 euros pour FFP ;
- 666.047,30 euros pour SPVM ;
- 826.821,72 euros pour Comptoir DAB ;
- 10.125,60 euros pour DAB Gestion.
1°/ ALORS QUE l'article 4.1 du contrat de cession des 40 % des actions de la société Cobra Europe conclu le 23 août 2016 stipule qu' « il n'existe (i) aucune charge grevant les Actions, (ii) aucun accord ou engagement en vue de donner ou de créer une telle charge » ; que suivant l'article 10 du même contrat, celui-ci avait vocation à « remplace[r] toutes les négociations, les discussions, la correspondance, les communications, les ententes et les accords précédents entre les Parties en relation à l'objet du présent Contrat », à savoir le rachat, par la société RTT, de la société Cobra Europe ; que ce rachat avait fait l'objet d'un précédent contrat conclu entre les mêmes parties le 9 juin 2015, lequel prévoyait, parmi ses conditions suspensives, le financement par les exposants – à hauteur de 40 %, correspondant à la quote-part d'actions détenues de la société Cobra Europe – de l'acquisition, par cette dernière, de 100 % des actions de la société Anhui Depreux ; que ce contrat avait donc été remplacé par celui du 23 août 2016 qui déliaient les 40 % des actions vendues par les exposants de « toute charge » ; qu'il en résultait que ces derniers n'étaient plus tenus de financer l'acquisition, par la société Cobra Europe, des titres de la société Anhui Depreux ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a méconnu la loi des parties en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;
2°/ ALORS QUE pour retenir que les exposants étaient redevables, envers la société Cobra Europe, de 40 % de la somme versée par la société RTT pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, la cour d'appel a affirmé que les stipulations du contrat du 23 août 2016 ne pouvaient valoir renonciation aux accords préalablement conclus entre les parties pour l'acquisition de la société Anhui Depreux dans la mesure où l'objet de cet acte était circonscrit à la cession de 40 % des titres de la société Cobra Europe (cf. arrêt p. 10, §4) ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce contrat s'inscrivait dans la continuité du contrat de cession des 60 % des actions de la société Cobra Europe conclu le 9 juin 2015 entre les mêmes parties qui prévoyait, en son article 3.3, une option d'achat, au profit de la société RTT, des 40 % restant des actions de la société Cobra Europe et en son article 5, une condition suspensive tenant précisément à l'acquisition, par cette dernière, de 100 % des actions de la société Anhui Depreux qui devait être financée à hauteur de 40 % par les exposants, de sorte que le contrat du 23 août 2016 s'inscrivait dans une opération globale et que ses stipulations ne pouvaient donc s'analyser isolément, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;
3°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que l'acte de cession du 9 juin 2015 portant cession de 60 % des titres de la société Cobra Europe stipule, en son article 4.1, que « l'Acheteur et les autres actionnaires, figurant en Annexe 1, et au prorata de leur participation, apporteront à Cobra Europe un montant maximum de 105 millions de RMB afin de permettre à Cobra Europe, par l'intermédiaire de sa nouvelle filiale, de financer l'achat de 100 % des Actions d'Anhui Depreux » ; que cette stipulation prévoit expressément que la participation au financement de l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux est mise, en partie, à la charge des « actionnaires restants » et « dans la proportion de leur participation » ; qu'il en résulte que l'engagement de financement pris par ces derniers était subordonné à leur qualité d'actionnaires de la société Cobra Europe à la date à laquelle serait réalisé le transfert effectif des titres de la société Anhui Depreux ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a dénaturé l'article 4.1 de l'acte de cession du 9 juin 2015, en violation du principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
4°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE pour retenir que les exposants étaient redevables, envers la société Cobra Europe, de 40 % de la somme versée par la société RTT pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, la cour d'appel a affirmé « surabondamment » qu'ils étaient toujours associés de la société Cobra Europe lors de la signature des actes de cession des titres de la société Anhui Depreux les 10 décembre 2015 et 3 mars 2016 (cf. arrêt p. 10, avant-dernier §) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le transfert effectif de la propriété des titres – qui était subordonné à diverses conditions suspensives – n'a été réalisé que le 12 octobre 2016, date du premier paiement réalisé par la société Depreux pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, soit postérieurement à la cession, par les exposants, des 40 % des actions de la société Cobra Europe au profit de la société RTT réalisée le 23 août 2016, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE le défaut de réponse à conclusions équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, les exposants avaient fait valoir que l'engagement de financer, à hauteur de 40 %, l'acquisition, par la société Cobra Europe, de la société Anhui Depreux était subordonné à la réalisation de l'acquisition de la société Anhui Depreux avant la date de « clôture » du protocole du 9 juin 2015, fixée au 31 octobre 2015, condition qui ne s'est pas réalisée puisque la signature des actes de cession des titres de cette société est intervenue les 10 décembre 2015 et 3 mars 2016 (cf. conclusions des sociétés Comptoir DAB et SPVM, p. 36) ; qu'en décidant néanmoins que les exposants étaient redevables de 40 % de la somme versée par la société RTT pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ ALORS QU'au surplus, nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui ; qu'en condamnant les exposants à payer à la société Cobra Europe, dont il n'étaient plus actionnaires, le reliquat, après compensation avec les créances de comptes courant d'associés, des 40 % de la somme versée par la société RTT pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si un tel versement, dépourvu de toute contrepartie, n'avait pas pour effet d'enrichir, de manière injustifiée, la société Cobra Europe au détriment de ses anciens actionnaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause et des principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;
7°/ ALORS QUE pour retenir que les exposants étaient redevables envers la société Cobra Europe de 40 % de la somme versée par la société RTT pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, la cour d'appel a encore affirmé que cet engagement ne remettait pas en cause « l'équilibre économique de l'opération » dans la mesure où les « actionnaires restants » faisaient partie, par le biais de la société chinoise Shangai Goro, des bénéficiaires de la cession des titres de la société Anhui Depreux (cf. arrêt p. 11, §3) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le paiement, par les « actionnaires vendeurs », du prix d'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, pour le compte de l'acquéreur, était dépourvu de toute contrepartie, dès lors qu'ils ne détenaient plus aucune action ni de la société Cobra Europe, ni de la société Anhui Depreux, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser « l'équilibre économique de l'opération » envisagée par les parties, a violé l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;
8°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, une stipulation pour autrui peut être librement révoquée par le stipulant tant que le bénéficiaire ne l'a pas acceptée ; que la révocation peut être tacite et peut résulter du paiement, par le stipulant, de l'entière créance détenue par le bénéficiaire, lequel ne disposera donc d'aucune action en recouvrement à l'encontre du promettant ; que les exposants faisaient précisément valoir qu'à supposer même que la société Cobra Europe ait bénéficié d'une stipulation pour autrui, celle-ci avait été tacitement révoquée par la société RTT au moyen du paiement, réalisé par cette dernière, de la totalité du prix d'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, lequel avait eu pour effet d'éteindre la créance de la société Cobra Europe (cf. conclusions des sociétés Comptoir DAB et SPVM p. 5) ; qu'en affirmant que « la circonstance que la société RTT ait avancé l'intégralité des fonds, en août 2016, à la société Cobra Europe, ne saurait valablement constituer une révocation de la stipulation pour autrui consentie dans l'acte de 2015, dès lors qu'elle envisageait bien d'être remboursée par les "actionnaires restants" » (cf. arrêt p. 12, §1), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une créance détenue par la société Cobra Europe envers les actionnaires, en violation de l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;
9°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à une absence de motifs ; que pour retenir que les exposants étaient redevables, envers la société Cobra Europe, de 40 % de la somme versée par la société RTT pour l'acquisition des titres de la société Anhui Depreux, la cour d'appel a affirmé, par des motifs éventuellement adoptés du jugement, que le montant réglé par la société RTT avait été inscrit dans les comptes de la société Cobra Europe au 31 décembre 2017 comme une avance en compte courant d'associés, de sorte que la société RTT n'aurait pas révoqué la stipulation pour autrui en vertu de laquelle les « actionnaires restants » s'étaient engagés à l'égard de la société Cobra Europe (cf. jugement p. 8, dernier §) ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des exposants faisant valoir que les pièces comptables produites par la société Cobra Europe avaient été rédigées postérieurement à la naissance du contentieux pour les seuls besoins de la cause et constituaient, en toute hypothèse, des « titres à soi-même » (cf. conclusions des sociétés Comptoir DAB et SPVM p. 52), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
10°/ ALORS QU'au surplus, la délégation de paiement est un acte tripartite qui suppose le consentement du délégant, du délégué et du délégataire ; qu'en affirmant, par des motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la société Cobra Europe bénéficiait d'une délégation de paiement de la part de la société RTT (cf. jugement p. 9, §1 et §2), tout en relevant qu'elle n'était pas partie à l'acte de cession du 9 juin 2015 comportant ladite délégation de paiement, la cour d'appel a violé l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause.