CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 janvier 2023
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10053 F
Pourvoi n° J 20-21.432
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023
La société Batiterre, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° J 20-21.432 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à Mme [W] [L],
3°/ à M. [U] [T],
tous deux domiciliés [Adresse 10],
4°/ à Mme [K] [Z], domiciliée [Adresse 2],
5°/ à M. [O] [N], domicilié [Adresse 1],
6°/ à M. [X] [A], domicilié [Adresse 4],
7°/ à Mme [S] [P],
8°/ à M. [R] [M],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
9°/ à M. [H] [Y],
10°/ à Mme [G] [E],
tous deux domiciliés [Adresse 6],
11°/ à M. [D] [J] [V], domicilié [Adresse 7],
12°/ à Mme [F] [C], domiciliée [Adresse 3],
13°/ à la société My Partner Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Batiterre, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mmes [I], [L], [Z], [P], [E], [C], MM. [T], [N], [A], [M], [Y] et [J] [V], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Batiterre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Batiterre et la condamne à payer à Mmes [I], [L], [Z], [P], [E], [C], MM. [T], [N], [A], [M], [Y] et [J] [V] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Batiterre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Batiterre fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer, à titre d'indemnité provisionnelle pour le retard de livraison, diverses sommes aux acquéreurs de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 11] ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la lettre de la société Cotragest ne faisait nullement mention de ce que le câble haute tension aurait été découvert en juillet 2016 lors de la déclaration d'ouverture de chantier mais seulement qu'il aurait été découvert lors d'une « traditionnelle réunion contradictoire avec les concessionnaires» ; qu'en retenant pourtant que le courrier de cette société l'évoquant faisait «état de sa découverte lors de la déclaration d'ouverture de chantier, soit en juillet 2016, avant la signature des actes de vente », la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis et violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil;
2°) ALORS QUE le juge des référés ne peut allouer une provision au créancier que si l'obligation du débiteur n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, les actes de vente des acquéreurs prévoyaient des causes légitimes de suspension des délais de livraison, notamment liées à des retards imputables aux compagnies cessionnaires (telles que ERDF, GRDF, etc ) ; que par courrier du 12 mars 2019, la société Cotragest, en charge du lot « tous corps d'état » a informé la société Batiterre, maître d'ouvrage, de ce qu'à la suite de la découverte d'un câble haute tension, ENGIE avait imposé sa neutralisation et le retrait par ses services techniques selon un planning imposé par elle, ce qui avait nécessité trois interventions et six mois de délai ; que dès lors, à supposer même que le câble haute tension ait été découvert en juillet 2016, le retard pris par le chantier et résultant du retrait de ce câble était imputable à ENGIE de sorte que le maître d'ouvrage était fondé à invoquer une cause légitime de suspension des délais, conformément aux stipulations contractuelles ; qu'en énonçant dès lors que le câble avait été découvert en juillet 2016 avant la signature des actes de vente, ce qui ne préjugeait pas de son retrait immédiat par ENGIE et rendait donc sérieusement contestable l'obligation du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a, en toute hypothèse, tranché une contestation sérieuse, en violation de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au titre d'une obligation sérieusement contestable ; que la société Batiterre avait invoqué une cause légitime de suspension mise en évidence par la société Cotragest et liée à l'interruption des travaux en raison de fissures apparues sur une habitation voisine jusqu'à ce que ce l'expert désigné en référé-préventif écarte toute responsabilité du maître de l'ouvrage (conclusions d'appel p. 24) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y avait été invitée, si la circonstance liée à la mise en oeuvre d'un référé concernant les désordres apparus sur l'immeuble voisin ne constituait pas une contestation sérieuse s'opposant à l'octroi d'une provision aux acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au titre d'une obligation sérieusement contestable ; que la société Batiterre avait encore invoqué une cause légitime de suspension mise en évidence par la société Cotragest et résultant de la survenance d'un dégât causé par un promoteur voisin, la société Pierreval, ayant procédé à la construction d'un immeuble d'habitation sur deux niveaux en limite de propriété (conclusions d'appel p. 24) ; qu'en s'abstenant encore de rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette circonstance ne constituait pas une contestation sérieuse s'opposant à l'octroi d'une provision, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société Batiterre fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à achever l'immeuble dans un délai de quatre mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt pour chacun des lots achetés par les demandeurs ;
1°) ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de dispositif qui sera prononcée à la faveur du premier moyen entrainera celle de celui visé par le deuxième moyen en raison du lien d'indivisibilité les unissant ; qu'en l'espèce, la condamnation de la société Batiterre à achever les travaux dans un délai de quatre mois a été prononcé sur le fondement du non-respect par le maître d'ouvrage du délai déterminé par le contrat ; que ce point faisant l'objet d'une contestation sérieuse, la cassation à intervenir du chef du premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné la société Batiterre à achever les travaux ;
2°) ALORS QU'il résultait des propres constatations de l'arrêt que la société Batiterre justifiait de 314 jours de suspension quant à son obligation de livraison dans les délais contractuels (arrêt p. 9 § 1) ; qu'en condamnant dès lors la société Batiterre à achever les travaux motif pris de ce qu'« en l'absence de toute livraison des biens acquis et ce plus d'une année après la date convenue, ( ), la société Batitere a manqué à son obligation » de livrer l'immeuble dans un délai déterminé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile.
Le greffier de chambre