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18/01/2023 | FRANCE | N°18-23.158

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 18 janvier 2023, 18-23.158


SOC.

HA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10002 F

Pourvoi n° U 18-23.158



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

Mme [G

] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 18-23.158 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'o...

SOC.

HA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10002 F

Pourvoi n° U 18-23.158



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

Mme [G] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 18-23.158 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [P], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [P] de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral et de celle tendant à la condamnation de la CGSS de la Guadeloupe à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi en raison de ces agissements et pour le préjudice de perte de chance au travail ainsi qu'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Mme [P], initialement engagée par contrat à durée déterminée à compter du 7 décembre 1993, en qualité d'assistante de direction, affectée au secrétariat général a été promue à compter du 1er mars 1996 au poste de responsable de "cellule contrats marché".
Le 8 décembre 2009 Mme [P] saisissait le conseil de prud'hommes de Point à Pitre aux fins d'être indemnisée du harcèlement moral qu'elle subissait depuis 2008. L'affaire était renvoyée au conseil de prud'hommes de Basse-Terre dans le cadre des dispositions des articles 356 et suivants du code de procédure civile. La juridiction prud'homale faisait droit aux demandes de Mme [P].
Mme [P] a été promue à l'emploi de "Responsable de service" à compter du 1er octobre 2006. Il lui a été confié alors le poste responsable de service encaissement (Cf. organigramme du 7 août 2007).
Mme [P] fait état, pour la période 2007 et début 2008, d'une opposition systématique à toute collaboration de deux agents affectés à titre probatoire à son service, en l'occurrence Mmes [E] et [Y], lesquelles lui auraient dénié clairement les prérogatives que son poste de responsable de service lui conférait. Il en serait résulté une atmosphère hostile qui aurait conduit à l'isolement de Mme [P] au sein du service qu'elle était censée encadrer. Se sentant mise à l'écart Mme [P] aurait alerté sa direction, laquelle se serait contentée de constater les faits, sans prendre de mesure pour faire cesser les "violences" à son encontre.
Mme [P] ne produit aucun témoignage décrivant le comportement hostile qu'elle aurait subi.
Les seuls documents probants faisant ressortir les difficultés relationnelles rencontrées par Mme [P] avec les deux agents cités, émanent de sa propre direction.
En effet, suite à un courriel de Mme [P] en date du 3 mai 2007, le directeur du recouvrement, dans une note adressée à Mme [E], figurant en pièce 47 de l'intimée, reproche à cette dernière de ne pas répondre de façon claire à une demande de sa supérieure hiérarchique, Mme [P].
Estimant que la réponse apportée par l'agent, n'était pas le genre de réponse attendue d'un cadre auquel une tâche a été confiée, le directeur du recouvrement stigmatisait le comportement de Mme [E] en lui faisant savoir que ce comportement s'apparentait à un refus de prendre ses responsabilités.
Le directeur du recouvrement termine sa note en souhaitant que Mme [E] se réfère aux termes des différents entretiens qu'elle a eues avec lui, afin qu'elle prenne des initiatives afférentes à sa fonction pour faire avancer le service encaissement. Il est en outre rappelé à l'agent que son implication personnelle tant en ce qui concerne le fonctionnement du service qu'en ce qui a trait à la collaboration avec son supérieure hiérarchique (Mme [P]), sera déterminante pour la validation de l'affectation à son nouveau poste.
Ainsi la direction prend fait et cause pour la responsable du service, Mme [P], en rappelant à l'ordre l'un de ses agents.
Par la suite, dans une note en date du 23 octobre 2007, adressée au secrétaire général de la CGSS, le même directeur du recouvrement, au sujet de la validation de stage de Mmes [E] et [Y], relève que la situation du responsable de service (Mme [P]), n'était pas facile, "puisque dès son arrivée à son poste, en provenance d'une autre direction, elle a fait l'objet d'une véritable cabale (avec des affiches dans les couloirs) de la part de personnes non identifiées, elle n'a pas su avec ces cadres ayant une forte personnalité créer une relation de confiance".
Le directeur du recouvrement poursuivait l'exposé de ces constatations de la façon suivante :
"Une fois que cette relation a été détériorée, les événements qui se sont enchaînés par la suite portaient l'empreinte de torts réciproques des personnes concernées.
Quoi qu'il en soit, le responsable de service n'a pas de problème avec les autres cadres et agents de son service.
Mais parallèlement, en son absence, les cadres en stage de validation exercent leur fonction correctement, sans incident avec leurs supérieurs hiérarchiques ou avec les agents des groupes de travail".
Ainsi les supérieur hiérarchique a été sensibilisé aux difficultés que Mme [P] rencontrait dans l'exercice de ses fonctions de responsable de service, et a essayé de faire la part des choses objectivement, et en a conclu à une modification de l'organigramme de sa direction en procédant à des changements d'affectation avec effet au 1er janvier 2008, afin que les personnes concernées ne travaillent plus ensemble.
Enumérant trois solutions possibles pour arriver à cette fin, il privilégiait celle consistant à allier la nécessité de changer l'organigramme de sa direction avec la nécessité de répondre aux exigences auxquelles sont soumises les URSSAF concernant la Certification de Service, de la Qualité et de la Répartition, celles-ci devant appliquer des Standards de Pratiques Recommandées (SPR), en raison de leurs faibles performances et du contexte économique et social particulier qui en est l'origine.
Proposant d'organiser la Direction du Recouvrement afin qu'elle s'adapte à ces nouvelles exigences, il prescrivait, notamment, la création d'un nouveau service dont la mission essentielle serait l'amélioration permanente de la qualité des informations administratives et comptables fournies par les cotisants. Il était énuméré les différents éléments organisationnels composant ce service, le management de ce service étant confié à Mme [P].
Le directeur du recouvrement exprime le soucis de ménager Mme [P], puisqu'il ajoutait que l'affectation de celle-ci dans un autre service qui sera constitué partiellement par des groupes de travail qui étaient déjà placés sous son autorité, ne devrait pas apparaître comme une mise à l'écart en exécution d'une sanction, mais comme l'attribution d'une nouvelle mission résultant d'une réorganisation de la direction du recouvrement.
C'est ainsi que l'organigramme diffusé le 11 février 2008, faisait apparaître Mme [P] à la tête du Service Relations avec les Cotisants comprenant 30 collaborateurs sous l'autorité du chef de service.
Il convient de souligner que cette réorganisation intervient à la suite d'un rapport d'audit de 2006 qui avait mis en exergue de graves problèmes d'organisation et de fonctionnement au sein de la Direction du Recouvrement, et d'un rapport de 2007 faisant apparaître que les pratiques et les processus utilisés au sein de cette direction n'étaient pas strictement conformes aux standards professionnels.
Ainsi il y a lieu de constater que la hiérarchie a, de façon légitime, usé de son pouvoir de direction et d'organisation pour réorganiser les services au sien de la Direction du Recouvrement, en adoptant une solution permettant à la fois de mettre fin aux difficultés rencontrées par Mme [P] dans l'exercice de ses fonctions de responsable du service encaissement, et d'adapter l'organisation et le fonctionnement de l'institution aux standards professionnels tels qu'ils étaient exigés des URSSAF, cette réorganisation et nouvelle attribution de poste à Mme [P] ne pouvant être considérées comme constitutif de harcèlement moral, l'employeur ayant cherché ainsi à mettre fin aux difficultés relationnelles rencontrées par Mme [P] avec deux de ses collaboratrices.
Pour la période postérieure, 2008-2009, Mme [P] reproche à son employeur un retrait méthodique et permanent des ressources de son service, rendant difficile l'accomplissement de ses tâches, ce qui aurait entraîné une dégradation de ses conditions de travail provoquant au fil des années une souffrance psychologique dont l'employeur n'a jamais cru devoir se préoccuper.
Le seul document probant et précis versé au débat pour montrer le retrait de ressources à disposition du "service relations avec les cotisants" est l'attestation établie par M. [C] [R], selon laquelle les "enquêteurs", dont il faisait partie, qui constituaient une des composantes du service placé sous l'autorité de Mme [P] au sein duquel ils étaient chargés de gérer les NPAI et de promouvoir la dématérialisation, ont été assez rapidement appelés à d'autres tâches, s'attribuant le qualificatif de "pompiers" de la direction du recouvrement.
La présentation ainsi faite de l'affectation des "enquêteurs" à d'autres tâches que celles du service de Mme [P], montre que ces affectations répondaient à des nécessités urgentes de fonctionnement de la direction du recouvrement, sans qu'elles constituent des actes de harcèlement moral à l'égard Mme [P], ces dispositions étant prises manifestement dans l'intérêt de la direction du recouvrement pour assurer les conditions nécessaires et indispensables à son fonctionnement.
Il ressort également des documents concernant la période 2009, que Mme [P] s'est opposée au déménagement de partie de ses services dans de nouveaux locaux situés à [Localité 3] ([Localité 2]). Il apparaît que ces dispositions ont été prises pour améliorer les conditions de travail des agents transférés, mais ne constituent pas en soit des actes de harcèlement, même si Mme [P] s'en est trouvée contrariée, n'étant pas démontré que cette délocalisation à faible distance est affectée le fonctionnement de son service, ni l'autorité de la responsable du service.
Au demeurant, chronologiquement les premiers documents médicaux faisant apparaître des problèmes de santé chez Mme [P] remontent à décembre 2009 (premier avis d'arrêt maladie daté du 14 décembre 2009).
Les troubles de santé qui se sont développés chez Mme [P], au cours de l'année 2010, peuvent difficilement être mis en relation avec les difficultés relationnelles qu'elle a connues avec deux stagiaires au cours de l'année 2007, et l'affectation au cours de l'année 2008, des agents enquêteurs du Service Relations avec les Cotisants, à d'autres tâches.
Comme le suggère l'appelante, les problèmes de santé de Mme [P] peuvent être mis en relation avec des difficultés familiales, dont la réalité n'est pas contestée par l'intéressée.
Après presque deux ans d'arrêts maladie, Mme [P] a repris son travail en mars 2012, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Il lui a alors été attribué un poste d'attaché de direction, sa classification et sa rémunération restant inchangées par rapport à ses fonctions précédentes de responsable du service relations avec les cotisants, ledit service ayant été confié à Mme [M] en raison de la longue absence de Mme [P].
A l'évidence alors que Mme [P] bénéficiait d'une mesure de mi-temps thérapeutique, il apparaissait difficile de lui confier d'emblée un poste de responsable de service, équivalent à celui qu'elle occupait précédemment, un tel poste nécessitant une présence constante pour assurer le management des équipes qui en dépendent hiérarchiquement.
Au demeurant Mme [P] ne fait pas état de tâches subalternes qui lui auraient été confiées, sa direction faisant état de larges délégations de signatures qui lui étaient confiées : signer les mises en demeure sans limitation de montant, signer les attestations de paiement et les attestations de marchés publics, signer les modifications de crédits et les ordres de remboursements jusqu'à 15 500 euros, accorder des sursis à poursuite, accorder des exonérations prévues par le code de la sécurité sociale, signer la correspondance générale du service, sauf celles destinées au cabinet du Préfet, à la Direction interrégionale, aux organismes nationaux, aux différents ministères.
Elle était autorisée à représenter la direction du recouvrement dans les réunions avec les partenaires et organiser pour le compte de la direction du recouvrement toutes les manifestations en relation avec les professionnels.
Elle pouvait procéder à la gestion du recouvrement en créant et mettant à jour les informations administratives, traiter toutes les opérations relatives à l'assiette des cotisations, établir les écritures de débits et de crédits, annuler les taxations d'office injustifiées, annuler les soldes de faibles montants, participer à des réunions techniques et de représentation du service, utiliser les transactions, signer les autorisations d'absence des agents placés sous son autorité, et en cas d'absence, sous l'autorité de tout cadre de la direction du recouvrement de niveau équivalent (pièce n° 23 de l'appelante).
Des réunions se sont tenues en juillet 2012 et janvier 2013 à la demande du syndicat UGTG auquel appartenait Mme [P], afin d'envisager un retour de cette dernière à un poste de responsabilité similaire au précédent dans le cadre d'un projet de réorganisation des services.
C'est ainsi qu'après l'aboutissement de ce projet, Mme [P] a pu être affectée, à compter du 1er février 2013 sur le poste de Responsable du Service Relations avec les Cotisants (pièce 22 de l'appelante).
Les pièces versées au débat montrent que le directeur général de la CGSS s'est personnellement impliqué, au cours des deux réunions suscitées, pour mettre en oeuvre la réaffectation de Mme [P] dans un emploi de responsable de service.
Il ressort de l'examen de la situation de Mme [P], que s'il existe une composante professionnelle dans l'origine des troubles psychiques (anxiété, stress) qu'elle a commencé à manifester fin 2009, cette composante réside dans la difficulté pour l'intéressée d'asseoir son autorité sur le personnel du service encaissement qui lui avait été confié, en particulier à l'égard de deux agents en stage de validation au sien de ce service.
On ne peut déceler d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son égard, ni de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la hiérarchie de Mme [P] ayant mis fin à la situation conflictuelle qu'elle connaissait avec les deux agents de son service, et le directeur général de la CGSS s'étant personnellement impliqué pour trouver, dans des délais raisonnables, une solution au problème de la réaffectation de Mme [P] à un poste de responsable de service après sa reprise en mi-temps thérapeutique.
En conséquence Mme [P] sera déboutée de sa demande d'indemnisation.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. » ;

ALORS, en premier lieu, QUE, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge doit exercer son office dans les conditions qui précèdent ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt que Mme [P] a connu des difficultés avec deux salariés placés sous sa responsabilité et sa direction, qu'elle a fait l'objet de comportements irrespectueux de la part de membres non identifiés du personnel, que son service et ses fonctions ont été réorganisés par la direction, que des ressources en personnel ont été retirées du service qu'elle dirigeait, qu'une partie de ce service et son personnel a été déménagé dans d'autres locaux que ceux auxquels elle était affectée, que Mme [P] a produit des documents médicaux faisant apparaître des problèmes de santé et qu'elle a perdu, au terme de son arrêt de travail pour maladie, son poste de responsable de service, malgré un avis d'aptitude préconisant un mi-temps thérapeutique ; que la cour d'appel en a conclu qu'il ne pouvait être décelé d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme [P] et décidé que celle-ci devait être déboutée de sa demande d'indemnisation ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle aurait dû apprécier si les faits établis permettaient de présumer ou non l'existence d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, en deuxième lieu, QUE, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge doit exercer son office dans les conditions qui précèdent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, après examen des pièces produites, que Mme [P] a connu des difficultés avec deux salariés placés sous sa responsabilité et sa direction, qu'elle a fait l'objet de comportements irrespectueux de la part de membres non identifiés du personnel, que son service et ses fonctions ont été réorganisés par la direction, que des ressources en personnel ont été retirées du service qu'elle dirigeait, qu'une partie de ce service et son personnel a été déménagé dans d'autres locaux que ceux auxquels elle était affectée, que Mme [P] a produit des documents médicaux faisant apparaître des problèmes de santé et qu'elle a perdu, au terme de son arrêt de travail pour maladie, son poste de responsable de service, malgré un avis d'aptitude préconisant un mi-temps thérapeutique ; qu'après l'examen des pièces attestant des deux premiers faits, invoqués par la salariée à l'appui de sa demande, la cour d'appel a immédiatement relaté la considération apportée par la hiérarchie à sa situation et les solutions que celle-ci prétend y avoir donné ; qu'après l'examen des documents médicaux, elle a, en outre, écarté toute relation entre l'état de santé de la salariée, les difficultés rencontrées avec des membres du personnel et le retrait de ressources du service, et a considéré, comme le lui a suggéré l'employeur, que les problèmes de santé de la salariée pouvaient être mis en relation avec des difficultés familiales ; qu'elle a, enfin, apporté une justification objective après l'examen de chacun des autres faits invoqués par la salariée tenant au pouvoir de direction de l'employeur ainsi qu'aux nécessités de l'activité de l'entreprise et de son organisation ; qu'au terme de sa motivation, la cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être décelé d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme [P] et décidé que celle-ci devait être déboutée de sa demande d'indemnisation ; qu'en statuant ainsi, en procédant à un examen et une analyse séparée de chacun des faits invoqués par la salariée qu'elle a pourtant considéré établis, sans jamais les apprécier dans leur ensemble pour savoir si l'existence d'un harcèlement moral pouvait être présumée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, en troisième lieu, QUE, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge doit exercer son office dans les conditions qui précèdent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, après examen des pièces produites, que Mme [P] a connu des difficultés avec deux salariés placés sous sa responsabilité et sa direction, qu'elle a fait l'objet de comportements irrespectueux de la part de membres non identifiés du personnel, que son service et ses fonctions ont été réorganisés par la direction, que des ressources en personnel ont été retirées du service qu'elle dirigeait, qu'une partie de ce service et son personnel a été déménagé dans d'autres locaux que ceux auxquels elle était affectée, que Mme [P] a produit des documents médicaux faisant apparaître des problèmes de santé et qu'elle a perdu, au terme de son arrêt de travail pour maladie, son poste de responsable de service, malgré un avis d'aptitude préconisant un mi-temps thérapeutique ; qu'elle a, pour la plupart de ces faits, apporté une justification objective tenant soit à la situation personnelle de la salariée soit au pouvoir de direction de l'employeur ainsi qu'aux nécessités de l'activité de l'entreprise et de son organisation ; qu'au terme de sa motivation, la cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être décelé d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme [P] et décidé que celle-ci devait être déboutée de sa demande d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en donnant une justification objective à certains des faits, invoqués par la salariée et considérés par la cour comme étant établis, sans avoir apprécié au préalable si ces derniers ne permettaient pas de présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, en quatrième lieu, QUE, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge doit exercer son office dans les conditions qui précèdent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, après examen des pièces produites, que Mme [P] a connu des difficultés avec deux salariés placés sous sa responsabilité et sa direction, qu'elle a fait l'objet de comportements irrespectueux de la part de membres non identifiés du personnel, que son service et ses fonctions ont été réorganisés par la direction, que des ressources en personnel ont été retirées du service qu'elle dirigeait, qu'une partie de ce service et son personnel a été déménagé dans d'autres locaux que ceux auxquels elle était affectée, que Mme [P] a produit des documents médicaux faisant apparaître des problèmes de santé et qu'elle a perdu, au terme de son arrêt de travail pour maladie, son poste de responsable de service, malgré un avis d'aptitude préconisant un mi-temps thérapeutique ; que, s'agissant des faits impliquant des membres du personnel, la cour d'appel a relaté la considération apportée par la hiérarchie à la situation de la salariée et les solutions que cette même hiérarchie prétend y avoir donné ; que, s'agissant des problèmes de santé de la salariée, elle a considéré que, comme le lui a suggéré l'employeur, ceux-ci pouvaient être mis en relation avec des difficultés familiales ; que, s'agissant des autres faits, elle a systématiquement apporté une justification objective tenant au pouvoir de direction de l'employeur et aux nécessités de l'activité de l'entreprise et de son organisation ; qu'au terme de sa motivation, la cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être décelé d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme [P] et décidé que celle-ci devait être déboutée de sa demande d'indemnisation ; qu'en statuant ainsi, notamment par un motif hypothétique, et en ne fournissant pas de justification objective pour tous les faits invoqués par la salariée et considérés par elle comme étant établis, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, en cinquième lieu, QUE, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge doit exercer son office dans les conditions qui précèdent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il ressortait des documents concernant la période 2009, que Mme [P] s'était opposée au déménagement d'une partie de ses services dans de nouveaux locaux situés à [Localité 3] et qu'il apparaît que ces dispositions ont été prises pour améliorer les conditions de travail des agents transférés, mais ne constituaient pas en soi des actes de harcèlement, même si Mme [P] s'en est trouvée contrariée, n'étant pas démontré que cette localisation à faible distance ait affecté le fonctionnement de son service, ni l'autorité de la responsable du service ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en faisant peser la charge de la preuve des faits de harcèlement sur la salariée, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, en sixième lieu, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, pour considérer qu'il ne pouvait être décelé d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme [P] et décider que celle-ci devait être déboutée de sa demande d'indemnisation, la cour d'appel a notamment retenu que, comme le lui avait suggéré l'employeur, les problèmes de santé de la salariée pouvaient être mis en relation avec des difficultés familiales, « dont la réalité n'est pas contestée par l'intéressée » (arrêt, p. 5) ; que cette constatation est incompatible avec les conclusions d'appel de la salariée, d'où il ressort expressément qu'était relevé l'absence de preuve par l'employeur de telles allégations (conclusions d'appel de Mme [P], pp. 16 et 17) ; qu'ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme [P] et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, en septième lieu, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, pour considérer qu'il ne pouvait être décelé d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme [P] et décider que celle-ci devait être déboutée de sa demande d'indemnisation, la cour d'appel a notamment retenu que la salariée ne faisait pas état de tâches subalternes qui lui auraient été confiées, sa direction faisant état de larges délégations de signatures qui lui étaient confiées ; que cette constatation est incompatible avec un échange de courriels entre Mme [J] et Mme [M], en date des 28 et 29 juin 2012 (dossier d'appel de Mme [P], pièce n° 30), et d'où il ressort que la salariée avait la charge de travaux de secrétariat ; qu'ainsi, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civile dans sa rédaction applicable ;

ALORS, en huitième lieu, QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Mme [P] faisait valoir dans ses écritures d'appel (conclusions, pp. 13 et 14) qu'à la reprise de son travail à mi-temps thérapeutique, après ses arrêts de travail pour maladie, elle n'avait pas retrouvé son poste de responsable de service mais un poste d'attachée de direction et que cette décision contrevenait à l'obligation pour l'employeur de faire retrouver au salarié déclaré apte par le médecin du travail son emploi ou un emploi similaire ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, en neuvième lieu, QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Mme [P] faisait valoir dans ses écritures d'appel (conclusions, pp. 15 et 16) qu'à la reprise de son travail à mi-temps thérapeutique, après ses arrêts de travail pour maladie, elle n'avait pas retrouvé son poste de responsable de service mais un poste d'attachée de direction et que cette décision contrevenait à son statut de salarié protégé qui faisait obstacle à toute modification unilatérale de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [P] de sa demande en reconnaissance d'un manquement de la CGSS de la Guadeloupe à son obligation de sécurité et de celle tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi en raison de ces agissements et pour le préjudice de perte de chance au travail ainsi qu'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Mme [P], initialement engagée par contrat à durée déterminée à compter du 7 décembre 1993, en qualité d'assistante de direction, affectée au secrétariat général a été promue à compter du 1er mars 1996 au poste de responsable de "cellule contrats marché".
Le 8 décembre 2009 Mme [P] saisissait le conseil de prud'hommes de Point à Pitre aux fins d'être indemnisée du harcèlement moral qu'elle subissait depuis 2008. L'affaire était renvoyée au conseil de prud'hommes de Basse-Terre dans le cadre des dispositions des articles 356 et suivants du code de procédure civile. La juridiction prud'homale faisait droit aux demandes de Mme [P].
Mme [P] a été promue à l'emploi de "Responsable de service" à compter du 1er octobre 2006. Il lui a été confié alors le poste responsable de service encaissement (Cf. organigramme du 7 août 2007).
Mme [P] fait état, pour la période 2007 et début 2008, d'une opposition systématique à toute collaboration de deux agents affectés à titre probatoire à son service, en l'occurrence Mmes [E] et [Y], lesquelles lui auraient dénié clairement les prérogatives que son poste de responsable de service lui conférait. Il en serait résulté une atmosphère hostile qui aurait conduit à l'isolement de Mme [P] au sein du service qu'elle était censée encadrer. Se sentant mise à l'écart Mme [P] aurait alerté sa direction, laquelle se serait contentée de constater les faits, sans prendre de mesure pour faire cesser les "violences" à son encontre.
Mme [P] ne produit aucun témoignage décrivant le comportement hostile qu'elle aurait subi.
Les seuls documents probants faisant ressortir les difficultés relationnelles rencontrées par Mme [P] avec les deux agents cités, émanent de sa propre direction.
En effet, suite à un courriel de Mme [P] en date du 3 mai 2007, le directeur du recouvrement, dans une note adressée à Mme [E], figurant en pièce 47 de l'intimée, reproche à cette dernière de ne pas répondre de façon claire à une demande de sa supérieure hiérarchique, Mme [P].
Estimant que la réponse apportée par l'agent, n'était pas le genre de réponse attendue d'un cadre auquel une tâche a été confiée, le directeur du recouvrement stigmatisait le comportement de Mme [E] en lui faisant savoir que ce comportement s'apparentait à un refus de prendre ses responsabilités.
Le directeur du recouvrement termine sa note en souhaitant que Mme [E] se réfère aux termes des différents entretiens qu'elle a eues avec lui, afin qu'elle prenne des initiatives afférentes à sa fonction pour faire avancer le service encaissement. Il est en outre rappelé à l'agent que son implication personnelle tant en ce qui concerne le fonctionnement du service qu'en ce qui a trait à la collaboration avec son supérieure hiérarchique (Mme [P]), sera déterminante pour la validation de l'affectation à son nouveau poste.
Ainsi la direction prend fait et cause pour la responsable du service, Mme [P], en rappelant à l'ordre l'un de ses agents.
Par la suite, dans une note en date du 23 octobre 2007, adressée au secrétaire général de la CGSS, le même directeur du recouvrement, au sujet de la validation de stage de Mmes [E] et [Y], relève que la situation du responsable de service (Mme [P]), n'était pas facile, "puisque dès son arrivée à son poste, en provenance d'une autre direction, elle a fait l'objet d'une véritable cabale (avec des affiches dans les couloirs) de la part de personnes non identifiées, elle n'a pas su avec ces cadres ayant une forte personnalité créer une relation de confiance".
Le directeur du recouvrement poursuivait l'exposé de ces constatations de la façon suivante :
"Une fois que cette relation a été détériorée, les événements qui se sont enchaînés par la suite portaient l'empreinte de torts réciproques des personnes concernées.
Quoi qu'il en soit, le responsable de service n'a pas de problème avec les autres cadres et agents de son service.
Mais parallèlement, en son absence, les cadres en stage de validation exercent leur fonction correctement, sans incident avec leurs supérieurs hiérarchiques ou avec les agents des groupes de travail".
Ainsi les supérieur hiérarchique a été sensibilisé aux difficultés que Mme [P] rencontrait dans l'exercice de ses fonctions de responsable de service, et a essayé de faire la part des choses objectivement, et en a conclu à une modification de l'organigramme de sa direction en procédant à des changements d'affectation avec effet au 1er janvier 2008, afin que les personnes concernées ne travaillent plus ensemble.
Enumérant trois solutions possibles pour arriver à cette fin, il privilégiait celle consistant à allier la nécessité de changer l'organigramme de sa direction avec la nécessité de répondre aux exigences auxquelles sont soumises les URSSAF concernant la Certification de Service, de la Qualité et de la Répartition, celles-ci devant appliquer des Standards de Pratiques Recommandées (SPR), en raison de leurs faibles performances et du contexte économique et social particulier qui en est l'origine.

Proposant d'organiser la Direction du Recouvrement afin qu'elle s'adapte à ces nouvelles exigences, il prescrivait, notamment, la création d'un nouveau service dont la mission essentielle serait l'amélioration permanente de la qualité des informations administratives et comptables fournies par les cotisants. Il était énuméré les différents éléments organisationnels composant ce service, le management de ce service étant confié à Mme [P].
Le directeur du recouvrement exprime le soucis de ménager Mme [P], puisqu'il ajoutait que l'affectation de celle-ci dans un autre service qui sera constitué partiellement par des groupes de travail qui étaient déjà placés sous son autorité, ne devrait pas apparaître comme une mise à l'écart en exécution d'une sanction, mais comme l'attribution d'une nouvelle mission résultant d'une réorganisation de la direction du recouvrement.
C'est ainsi que l'organigramme diffusé le 11 février 2008, faisait apparaître Mme [P] à la tête du Service Relations avec les Cotisants comprenant 30 collaborateurs sous l'autorité du chef de service.
Il convient de souligner que cette réorganisation intervient à la suite d'un rapport d'audit de 2006 qui avait mis en exergue de graves problèmes d'organisation et de fonctionnement au sein de la Direction du Recouvrement, et d'un rapport de 2007 faisant apparaître que les pratiques et les processus utilisés au sein de cette direction n'étaient pas strictement conformes aux standards professionnels.
Ainsi il y a lieu de constater que la hiérarchie a, de façon légitime, usé de son pouvoir de direction et d'organisation pour réorganiser les services au sien de la Direction du Recouvrement, en adoptant une solution permettant à la fois de mettre fin aux difficultés rencontrées par Mme [P] dans l'exercice de ses fonctions de responsable du service encaissement, et d'adapter l'organisation et le fonctionnement de l'institution aux standards professionnels tels qu'ils étaient exigés des URSSAF, cette réorganisation et nouvelle attribution de poste à Mme [P] ne pouvant être considérées comme constitutif de harcèlement moral, l'employeur ayant cherché ainsi à mettre fin aux difficultés relationnelles rencontrées par Mme [P] avec deux de ses collaboratrices.
Pour la période postérieure, 2008-2009, Mme [P] reproche à son employeur un retrait méthodique et permanent des ressources de son service, rendant difficile l'accomplissement de ses tâches, ce qui aurait entraîné une dégradation de ses conditions de travail provoquant au fil des années une souffrance psychologique dont l'employeur n'a jamais cru devoir se préoccuper.
Le seul document probant et précis versé au débat pour montrer le retrait de ressources à disposition du "service relations avec les cotisants" est l'attestation établie par M. [C] [R], selon laquelle les "enquêteurs", dont il faisait partie, qui constituaient une des composantes du service placé sous l'autorité de Mme [P] au sein duquel ils étaient chargés de gérer les NPAI et de promouvoir la dématérialisation, ont été assez rapidement appelés à d'autres tâches, s'attribuant le qualificatif de "pompiers" de la direction du recouvrement.
La présentation ainsi faite de l'affectation des "enquêteurs" à d'autres tâches que celles du service de Mme [P], montre que ces affectations répondaient à des nécessités urgentes de fonctionnement de la direction du recouvrement, sans qu'elles constituent des actes de harcèlement moral à l'égard Mme [P], ces dispositions étant prises manifestement dans l'intérêt de la direction du recouvrement pour assurer les conditions nécessaires et indispensables à son fonctionnement.
Il ressort également des documents concernant la période 2009, que Mme [P] s'est opposée au déménagement de partie de ses services dans de nouveaux locaux situés à [Localité 3] ([Localité 2]). Il apparaît que ces dispositions ont été prises pour améliorer les conditions de travail des agents transférés, mais ne constituent pas en soit des actes de harcèlement, même si Mme [P] s'en est trouvée contrariée, n'étant pas démontré que cette délocalisation à faible distance est affectée le fonctionnement de son service, ni l'autorité de la responsable du service.
Au demeurant, chronologiquement les premiers documents médicaux faisant apparaître des problèmes de santé chez Mme [P] remontent à décembre 2009 (premier avis d'arrêt maladie daté du 14 décembre 2009).
Les troubles de santé qui se sont développés chez Mme [P], au cours de l'année 2010, peuvent difficilement être mis en relation avec les difficultés relationnelles qu'elle a connues avec deux stagiaires au cours de l'année 2007, et l'affectation au cours de l'année 2008, des agents enquêteurs du Service Relations avec les Cotisants, à d'autres tâches.
Comme le suggère l'appelante, les problèmes de santé de Mme [P] peuvent être mis en relation avec des difficultés familiales, dont la réalité n'est pas contestée par l'intéressée.
Après presque deux ans d'arrêts maladie, Mme [P] a repris son travail en mars 2012, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Il lui a alors été attribué un poste d'attaché de direction, sa classification et sa rémunération restant inchangées par rapport à ses fonctions précédentes de responsable du service relations avec les cotisants, ledit service ayant été confié à Mme [M] en raison de la longue absence de Mme [P].
A l'évidence alors que Mme [P] bénéficiait d'une mesure de mi-temps thérapeutique, il apparaissait difficile de lui confier d'emblée un poste de responsable de service, équivalent à celui qu'elle occupait précédemment, un tel poste nécessitant une présence constante pour assurer le management des équipes qui en dépendent hiérarchiquement.
Au demeurant Mme [P] ne fait pas état de tâches subalternes qui lui auraient été confiées, sa direction faisant état de larges délégations de signatures qui lui étaient confiées : signer les mises en demeure sans limitation de montant, signer les attestations de paiement et les attestations de marchés publics, signer les modifications de crédits et les ordres de remboursements jusqu'à 15 500 euros, accorder des sursis à poursuite, accorder des exonérations prévues par le code de la sécurité sociale, signer la correspondance générale du service, sauf celles destinées au cabinet du Préfet, à la Direction interrégionale, aux organismes nationaux, aux différents ministères.
Elle était autorisée à représenter la direction du recouvrement dans les réunions avec les partenaires et organiser pour le compte de la direction du recouvrement toutes les manifestations en relation avec les professionnels.
Elle pouvait procéder à la gestion du recouvrement en créant et mettant à jour les informations administratives, traiter toutes les opérations relatives à l'assiette des cotisations, établir les écritures de débits et de crédits, annuler les taxations d'office injustifiées, annuler les soldes de faibles montants, participer à des réunions techniques et de représentation du service, utiliser les transactions, signer les autorisations d'absence des agents placés sous son autorité, et en cas d'absence, sous l'autorité de tout cadre de la direction du recouvrement de niveau équivalent (pièce n° 23 de l'appelante).
Des réunions se sont tenues en juillet 2012 et janvier 2013 à la demande du syndicat UGTG auquel appartenait Mme [P], afin d'envisager un retour de cette dernière à un poste de responsabilité similaire au précédent dans le cadre d'un projet de réorganisation des services.
C'est ainsi qu'après l'aboutissement de ce projet, Mme [P] a pu être affectée, à compter du 1er février 2013 sur le poste de Responsable du Service Relations avec les Cotisants (pièce 22 de l'appelante).
Les pièces versées au débat montrent que le directeur général de la CGSS s'est personnellement impliqué, au cours des deux réunions sus-citées, pour mettre en oeuvre la réaffectation de Mme [P] dans un emploi de responsable de service.
Il ressort de l'examen de la situation de Mme [P], que s'il existe une composante professionnelle dans l'origine des troubles psychiques (anxiété, stress) qu'elle a commencé à manifester fin 2009, cette composante réside dans la difficulté pour l'intéressée d'asseoir son autorité sur le personnel du service encaissement qui lui avait été confié, en particulier à l'égard de deux agents en stage de validation au sien de ce service.
On ne peut déceler d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son égard, ni de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la hiérarchie de Mme [P] ayant mis fin à la situation conflictuelle qu'elle connaissait avec les deux agents de son service, et le directeur général de la CGSS s'étant personnellement impliqué pour trouver, dans des délais raisonnables, une solution au problème de la réaffectation de Mme [P] à un poste de responsable de service après sa reprise en mi-temps thérapeutique.
En conséquence Mme [P] sera déboutée de sa demande d'indemnisation.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. » ;

ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique ou mentale des travailleurs ; que ne méconnaît pas cependant cette obligation l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un courriel du 3 mai 2007, Mme [P] a porté à la connaissance du directeur du recouvrement, son supérieur hiérarchique, certaines difficultés rencontrées avec un agent placé sous sa responsabilité, Mme [E], et que, dans une note du 23 octobre 2007, adressée au secrétaire général de la CGSS de la Guadeloupe, ce même directeur relevait que la situation de Mme [P] n'était pas facile puisque, dès son arrivée à son poste, elle a fait l'objet d'une véritable cabale (avec des affiches dans les couloirs) de la part de personnes non identifiées ; qu'elle a encore constaté que le directeur avait formulé des reproches à Mme [E] sur son attitude et sur son refus de prendre ses responsabilités, qu'il avait formulé, dans la note du 23 octobre 2007, sa volonté de réorganiser le service du recouvrement afin de séparer Mme [P], affecté à un nouveau poste dès le 1er janvier 2008, de Mmes [E] et [Y] et que l'organigramme diffusé le 11 février 2008 faisait apparaître Mme [P] à la tête du service relations avec les cotisants ; qu'elle a précisé qu'il en ressortait que le directeur avait pris fait et cause pour Mme [P] en rappelant à l'ordre l'un de ses agents, qu'il avait été sensibilisé aux difficultés que Mme [P] rencontrait dans l'exercice de ses fonctions de responsable de service et a modifié l'organigramme de sa direction avec des changements d'affectation afin que les personnes concernées ne travaillent plus ensemble et que leurs difficultés relationnelles prennent fin ; qu'elle en a notamment déduit que l'employeur n'avait pas commis de manquement à son obligation de sécurité, la hiérarchie de Mme [P] ayant mis fin à la situation conflictuelle qu'elle connaissait avec les deux agents de son service ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que, bien qu'informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, l'employeur n'avait pris aucune mesure immédiate propre à le faire cesser et sans qu'il résulte de ces mêmes constatations que l'employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-23.158
Date de la décision : 18/01/2023
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 18 jan. 2023, pourvoi n°18-23.158, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:18.23.158
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