CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10606 F
Pourvoi n° K 21-25.255
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
La société SPIE Batignolles Sud Est, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-25.255 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société European Synchrotron Radiation Facility (ESRF), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société European Synchrotron Radiation Facility a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société SPIE Batignolles Sud Est, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société European Synchrotron Radiation Facility, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation du pourvoi principal et celui du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Condamne la société SPIE Batignolles Sud Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société SPIE Batignolles Sud Est, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Spie Batignolles Sud Est (SBSE) fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes formées par la société European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) s'agissant des moins-values et des pénalités de retard, d'avoir dit que la société ESRF était fondée à retenir la somme de 1 519 437 euros HT au titre de pénalités de retard, et d'avoir condamné la société ESRF à payer à la société SBSE la somme de 45 681,90 euros HT seulement au titre du solde restant dû concernant le contrat de marché de travaux n°649325 signé le 25 octobre 2011, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mai 2014,
Alors que l'appelant à titre incident est tenu, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office ou sur demande de la partie contre laquelle sont formées les prétentions ultérieures, de présenter l'ensemble de ses prétentions sur le fond dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en déclarant recevables les prétentions de la société ESRF présentées pour la première fois dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives n° 2, notifiées après expiration du délai d'appel incident, la cour d'appel a violé l'article 910-4 du code de procédure civile, ensemble l'article 954 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société Spie Batignolles Sud Est (SBSE) fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir dit que la société European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) était fondée à retenir la somme de 1 519 437 euros HT au titre de pénalités de retard et d'avoir condamné la société ESRF à payer à la société SBSE la somme de 45 681,90 euros HT seulement, au titre du solde restant dû concernant le contrat de marché de travaux n° 649325 signé le 25 octobre 2011, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mai 2014,
1/ Alors d'une part que les juges du fond sont tenus de motiver leurs décisions de façon à permettre au juge de cassation d'exercer son contrôle sur les éléments de fait qu'ils retiennent à l'appui de la solution donnée au litige ; qu'en condamnant, dans le dispositif de sa décision, la société ESRF à payer à la société SBSE la somme de 45 681,90 euros HT outre intérêts au titre du solde du marché de travaux signé le 25 octobre 2011, sans préciser les éléments de fait permettant de procéder au calcul de la somme ainsi allouée à la société SBSE, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;
2/ Alors d'autre part, subsidiairement, qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments produits aux débats ; que l'article 21.5.2.5 du marché de travaux conclu le 25 octobre 2011 prévoyait : « En cas d'observations du titulaire, le Maître d'Ouvrage dispose d'un délai de 30 jours pour informer le Titulaire par écrit s'il les accepte ou non. Passé ce délai, l'ESRF est réputé avoir accepté ces observations » ; qu'en énonçant que cette clause contractuelle reprenait les termes de l'article 1793 du code civil (arrêt, p. 10, § 9), la cour d'appel a méconnu la règle susvisée et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;
3/ Alors de plus que dans ses conclusions d'appel, la société SBSE se prévalait à l'appui de ses prétentions, non pas de l'application des dispositions de la norme Afnor NF P 03 001 – à laquelle les parties reconnaissaient toutes deux n'avoir pas soumis leurs relations contractuelles – mais de l'article 21.5.2.5 du marché de travaux conclu le 25 octobre 2011, aux termes duquel : « En cas d'observations du titulaire, le Maître d'Ouvrage dispose d'un délai de 30 jours pour informer le Titulaire par écrit s'il les accepte ou non. Passé ce délai, l'ESRF est réputé avoir accepté ces observations » (conclusions n° 3, pp. 16-17) ; qu'en retenant que « la norme AFNOR à laquelle la société SBSE se réfère ne peut s'appliquer sur des travaux complémentaires non acceptés, qu'en l'espèce la société ESRF a contesté avoir commandé lesdits travaux » (arrêt, p. 10, § 9), pour en déduire que la forclusion du maître d'ouvrage à contester les sommes demandées par le titulaire du marché n'était pas encourue, la cour d'appel a dénaturé les prétentions de la société SBSE et méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4/ Alors en toute hypothèse qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée par la société SBSE (conclusions n° 3, pp. 15-17) si en application, non pas de la norme Afnor NF P 03 001, mais des stipulations contractuelles convenues entre les parties, le maître de l'ouvrage n'était pas forclos à contester les observations formulées par la société SBSE dans son courrier du 15 janvier 2014, faute pour lui de les avoir contestées dans le délai de 30 jours prévu à l'article 21.5.2.5 du marché de travaux en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;
5/ Alors enfin, plus subsidiairement, que dans ses conclusions d'appel, la société SBSE faisait valoir la société ESRF avait engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, notamment en laissant le maître d'oeuvre et le titulaire du lot n° 2 prendre du retard, causant ainsi les retards et désordres sur le fondement desquels la société ESRF sollicitait l'application de pénalités de retard à hauteur de la somme de 1 519 437 euros HT (conclusions n° 3, spéc. p. 26 in fine et p. 27) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen opérant des conclusions de la société SBSE, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société European Synchrotron Radiation Facility, demanderesse au pourvoi incident
La société ESRF fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société SBSE à lui payer la somme de 156 375,85 € HT correspondant au solde négatif révisé du montant des travaux exécutés par l'entreprise au titre de son marché, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du 13 décembre 2013 ;
ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de la société ESRF tendant à voir condamner la société SBSE à lui payer la somme de 156 375,85 € HT, que « l'analyse des travaux dont il est allégué qu'ils n'ont pas été effectués n'ayant pas été effectuée par l'expert et il n'appartient pas à la cour de se livrer à une expertise technique et comptable des pièces produites » (arrêt attaqué, p. 12), la cour d'appel a commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil.