CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10593 F
Pourvoi n° Z 21-15.884
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
1°/ la société Etablissements Moncassin, société anonyme,
2°/ la société La Survillière, société civile immobilière,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Z 21-15.884 contre l'arrêt rendu le 15 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant à la société Patrizia Immobilien Kapitalverwaltungsgesellschaft MBH, société de droit étranger, anciennement Patrizia Gewerbelnvest Kapitalverwaltungsgesellschaft mbH , dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne), défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations écrites de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés Etablissements Moncassin et de la SCI La Survillière, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Patrizia Immobilien Kapitalverwaltungsgesellschaft MBH, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Etablissements Moncassin et la SCI La Survillière aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Etablissements Moncassin et la société civile immobilière La Survillière ; les condamne, in solidum, à payer à la société Patrizia Immobilien Kapitalverwaltungsgesellschaft MBH la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés Etablissements Moncassin et la SCI La Survillière
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Etablissements Moncassin et la SCI La Survillière reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de toutes leurs demandes ;
1°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel a elle-même relevé que l'article 3-3 du bail à construction (« projet futur »), énonce que « pour le cas où le preneur souhaiterait réaliser un nouveau projet sur le terrain (le "projet futur''), le preneur en informera le bailleur et les parties se rencontreront afin de déterminer si le preneur est autorisé à réaliser ce projet futur » ; qu'elle a, ensuite, constaté que « la construction nouvelle litigieuse est constituée d'un bâtiment [ ], avec trois façades, accolé au bâtiment d'origine » et que « l'augmentation de la surface bâtie est [ ] de 17,5 % », ce dont il résultait qu'il s'agissait là d'un « projet futur », soumis à autorisation du bailleur ; qu'en décidant cependant que « la construction litigieuse n'entre pas dans les prévisions de l'article 3-3 du bail », la cour d'appel, qui a refusé de donner effet à cette stipulation claire et précise, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, dans leurs conclusions d'appel (p. 7), les bailleresses ont rappelé que le « projet de messagerie » mentionné au bail à construction avait « été définitivement réalisé par l'achèvement du bâtiment qui en était l'objet, constaté par procès-verbal du 23 mars 2016, et déclaré en bonne conformité le 20 mai suivant, le constat, entre les parties, de conformité de cet ouvrage par rapport au projet ayant fait l'objet au surplus d'un avenant quelques mois plus tard, le 4 novembre 2016 », pour en déduire que « la construction d'un nouvel ouvrage aux fins de surfaces supplémentaires, dans le prolongement de cet ouvrage, décidée unilatéralement par le preneur moyennant un permis de construire obtenu sept mois après l'achèvement dudit bâtiment initial prévu au bail à construction, constitue bien un nouveau projet au sens de l'article 3-3 alinéa 1 du bail à construction », lequel devait faire l'objet d'une autorisation de la part des bailleresses, « s'agissant de l'édification d'un nouvel ouvrage dans le prolongement du bâtiment initial emportant création substantielle de surfaces supplémentaires de messagerie » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions par lesquelles les bailleresses avaient rapporté la violation par la preneuse de l'article 3-3, alinéa 1, du bail à construction litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel a elle-même relevé que l'article 10-1 du bail prévoyait que « le preneur est autorisé à modifier son projet à condition que ces modifications n'entraînent pas une remise en cause dudit projet dans sa globalité, et s'oblige à en informer le bailleur », étant « précisé que toute modification imposée par l'administration est d'ores et déjà acceptée » ; qu'il s'évinçait de cette clause claire et précise que seul « le projet » du preneur à bail pouvait être modifié, sans autorisation préalable des bailleresses, ce qui s'opposait à la mise en oeuvre de cette clause une fois achevée la construction qui était l'objet dudit « projet » ; qu'en estimant cependant que « la construction litigieuse [ ] entre [ ] dans les prévisions [ ] de l'article 10-1 relatif à une modification du projet », et qu'ainsi « la société Patrizia était seulement tenue d'informer préalablement les bailleresses de son projet d'extension », après avoir pourtant constaté que la construction autorisée par le bail à construction avait « été achevée le 23 mars 2016 », ce dont se déduisait que l'article 10-1 du bail, relatif seulement à une modification du « projet », ne pouvait trouver à s'appliquer, la cour d'appel, qui a méconnu la loi des parties, a encore violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans leurs conclusions d'appel (p. 7), les sociétés bailleresses ont fait valoir que, « si une faculté d'extension a pu être envisagée dans les projets de rédaction du bail à construction, ce n'était qu'en contrepartie d'un supplément de loyer, mais la version définitive de celui-ci, signée par les parties et qui fait loi entre elles, ne fait plus aucune allusion à une telle faculté, faute d'accord entre les parties sur le principe et le montant de ce supplément de loyer » ; qu'en énonçant, après avoir rappelé les termes de l'article 10-5-1 du bail, qui visait seulement « les autorisations relatives à l'extension en cas de réalisation de celle-ci », que « l'hypothèse d'une extension est donc bien entrée dans le champ contractuel, les parties l'ayant envisagée sans la soumettre expressément à l'autorisation préalable des bailleresses », sans se prononcer sur les chefs de conclusions précitées, par lesquelles les bailleresses démontraient le contraire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)La société Etablissements Moncassin et la SCI La Survillière reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de toutes leurs demandes ;
ALORS QU'aux termes de l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; que la cour d'appel a énoncé que « le non-respect [par la preneuse de son] obligation contractuelle d'information, et non d'autorisation, préalable ne peut pas être sanctionné par la destruction de l'extension litigieuse sur le fondement de l'article 1143 ancien du code civil » ; qu'en statuant ainsi, cependant que, comme elle l'a elle-même constaté, la preneuse avait pris l'engagement de ne pas modifier son projet sans en informer préalablement les bailleresses, ce dont il résultait qu'elle avait construit l'extension en contravention à son engagement, de sorte que les bailleresses étaient en droit d'en demander la destruction, la cour d'appel a violé la disposition susvisée.