CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 décembre 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10857 F
Pourvoi n° E 21-21.570
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
La société CKLB, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-21.570 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [F] [W], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société CKLB, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CKLB aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société CKLB
La SCI CKLB fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation de Maître [F] [W] à lui verser la somme de 32 491 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2015, capitalisés ;
1° Alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut à une absence de motifs ; que dans ses écritures d'appel, la SCI CKLB faisait valoir qu'il existait une option fiscale plus intéressante et moins risquée que celles qui lui avaient été proposées par le notaire, consistant à ne pas soumettre les cessions à la TVA et à prévoir, en application de l'article 207 II de l'annexe 2 du Code général des impôts, la déduction par les acquéreurs de « la fraction de TVA ayant grevé initialement le bien à proportion du rapport entre le nombre d'années restant à courir pour le cédant et jusqu'au terme de la période de régularisation » (conclusions, p. 6) et, en contrepartie, le paiement de cette TVA par les acquéreurs, ce qui permettait de décharger le vendeur de ce paiement et de le prémunir de tout risque de redressement ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était déterminant, dans la mesure où son examen aurait dû la conduire à constater que le Notaire avait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de suggérer à son client la solution fiscalement la plus intéressante pour lui, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2° Alors que les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en jugeant qu'il ressortait sans ambiguïté du fax adressé par Maître [W] au cabinet Exedra le 10 mai 2012, du courrier adressé par ce cabinet à Maître [W] en retour le 14 mai 2012 et de la réponse adressée par le Notaire, par courrier électronique du 15 mai 2012, que « toutes les alternatives envisageables avaient été évoquées entre le notaire et l'expert-comptable du vendeur, y compris celle que la SCI CKLB reproche désormais au notaire de n'avoir pas appliquée aux actes de vente, à savoir la récupération auprès des acquéreurs du montant correspondant à la régularisation de la fraction de TVA déduite lui incombant »(arrêt, p. 5, § 3), cependant qu'il n'était aucunement fait référence dans ces échanges (pièces n° 4, 5 et 6 produites par l'exposante en appel) à l'option que l'exposante reprochait au Notaire de ne pas avoir mise en oeuvre, consistant à ne pas soumettre les cessions à la TVA et à refacturer aux acquéreurs le montant de la régularisation de TVA due par le vendeur moyennant le transfert, à leur bénéfice, du droit à déduction dont bénéficiait le vendeur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis desdits documents, en violation du principe susvisé ;
3° Alors que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en affirmant, pour débouter la SCI CKLB de sa demande en dommages et intérêts, qu'elle ne caractérisait pas suffisamment un manquement de Maître [W] à son devoir de conseil, quand il appartenait à cet officier public, légalement tenu à une telle obligation en sa qualité de Notaire rédacteur des actes de cession, de rapporter la preuve de ce qu'il l'avait exécutée, ce qui ne pouvait être déduit de la seule circonstance que la SCI CKLB était assistée par un expert-comptable avec lequel Maître [W] avait échangé au sujet des implications fiscales des ventes, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause) ;
4° Alors que le notaire, officier public, est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur les incidences fiscales ainsi que sur les risques de l'acte qu'il établit ; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si Maître [W] qui avait dressé les actes de vente concernant les immeubles litigieux, n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde et de conseil envers le vendeur en ne l'avertissant pas du fait que leur conclusion allait avoir pour effet de rendre exigible une régularisation de TVA de la part du vendeur et, en cas de non-paiement de celle-ci, de l'exposer à un risque de redressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause) ;
5° Alors, subsidiairement, qu'il incombe au notaire, tenu d'assurer l'efficacité des actes qu'il dresse, de s'assurer personnellement, avant leur conclusion, que le but recherché par les parties pourra être atteint, et en particulier de vérifier que le régime fiscal appliqué à la vente qu'il instrumente est adapté à l'opération litigieuse et produira les effets escomptés par les parties ; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si Maître [W] qui avait dressé les actes de vente concernant les immeubles litigieux, n'avait pas manqué à son devoir de conseil envers le vendeur en s'abstenant de vérifier si les conditions pour bénéficier de la dispense de taxation à laquelle il prétendait que la SCI CKLB était éligible étaient remplies, de sorte qu'en dépit du fait que l'opération ne soit pas soumise à la TVA, aucune régularisation de TVA ne serait due par le vendeur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause) ;
6° Alors que le juge ne peut statuer par de simples affirmations sans analyser, fut-ce sommairement, ni même mentionner, les éléments régulièrement versés aux débats au vu desquels il forme sa conviction ; que la cour d'appel a énoncé, s'agissant du choix opéré entre les différentes options fiscales envisagées ayant donné lieu à un redressement fiscal, que la SCI CKLB s'était « à l'évidence déterminée de manière éclairée et en considération des impératifs qui lui paraissaient alors nécessaires pour parvenir à la vente des lots dans les meilleures conditions pour chacune des parties » (arrêt, p. 5, § 5) ; qu'en statuant de la sorte, sans mentionner ni analyser les pièces sur lesquelles elle se fondait pour retenir que cette société avait fait le choix délibéré de ne pas soumettre les cessions à la TVA et de ne prévoir dans l'acte ni dispense de taxation, ni refacturation aux cessionnaires, dans la conscience que ce choix avait pour conséquence – en l'absence de toute régularisation par ses soins de la TVA devenue exigible par l'effet des cessions – de l'exposer à un inévitable risque de redressement, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
7° Alors que le notaire, professionnellement tenu d'informer et d'éclairer son client sur la portée et les effets des actes qu'il établit et, en particulier, sur leurs incidences fiscales, n'est pas dispensé de son devoir de conseil par la présence d'un autre conseiller au côté de son client ; qu'en jugeant que le Notaire n'avait pas manqué à son devoir de conseil et d'information dès lors que la SCI CKLB, qui était assistée par un expert-comptable ayant été « directement été impliqué dans l'analyse fiscale des actes », devait être regardée comme s'étant déterminée «de façon éclairée et en considération des impératifs qui lui paraissaient alors nécessaires pour parvenir à la vente des lots dans les meilleures conditions pour chacune des parties » (arrêt, p. 5), cependant que la présence d'un conseiller fiscal aux côtés de son client n'était en aucun cas de nature à décharger le Notaire de son devoir de conseil et d'information, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause) ;
8° Alors, enfin, que la caractérisation d'un manquement du Notaire à son devoir de conseil n'est pas subordonnée à la preuve du bien-fondé du redressement intervenu dans les suites de la signature de l'acte par celui-ci reçu ; qu'en retenant, par motifs propres, que la faute du Notaire ne pouvait être retenue dès lors que son analyse n'avait même pas été soumise à l'administration fiscale dans le cadre des observations faites par la SCI CKLB à la proposition de redressement, et, par motifs adoptés, qu' « à défaut d'être certain du bienfondé du redressement, aucune faute ne p[ouvait] être caractérisée à l'encontre du Notaire », cependant que le caractère bien ou mal-fondé du redressement prononcé, constitutif en lui-même d'un préjudice réparable, n'était pas de nature à influer sur la caractérisation du manquement du Notaire, consistant en une violation de son obligation d'information ou de son devoir de conseil, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause).