CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 novembre 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10836 F
Pourvoi n° S 21-14.336
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022
1°/ Mme [N] [M], épouse [G],
2°/ M. [Y] [G],
domiciliés tous deux The [Adresse 5] (Irlande),
ont formé le pourvoi n° S 21-14.336 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre, (tutelles)), dans le litige les opposant :
1°/ à l'association Grim, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [L] [K], domicilié [Adresse 3],
3°/ à Mme [X] [A], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à M. [W] [K], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations écrites de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. et Mme [G], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte du désistement partiel intervenu au profit de Mme [A] le 6 août 2021.
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [G]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les époux [G] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les exceptions de nullité du jugement entrepris et de l'ordonnance du 30 juin 2020 ;
Alors que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel et son exercice effectif exige que soit assuré l'accès de chacun, avec l'assistance d'un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ; que toute personne faisant l'objet d'une protection a le droit de comparaître devant son juge, de rencontrer et de préparer sa défense avec un avocat, dans un délai utile pour rendre effective la protection de ses droits à être défendu ; que la cour d'appel a retenu que l'absence de représentation du majeur protégé, [W] [K], dans la procédure de première instance, dans le cadre des auditions réalisées par le juge des tutelles, ne portait pas atteinte à ses droits, au motif que si [W] [K] pouvait exprimer des idées simples avec les personnes qui lui étaient familières, en revanche la communication verbale avec les autres personnes était quasi-impossible, que l'expert faisait mention d'écholalies qui étaient de nature à fausser la compréhension des propos et que le docteur [U] avait indiqué que le majeur protégé ne pouvait appréhender précisément les enjeux du dispositif de tutelle ; qu'en statuant ainsi, cependant que toute personne, surtout lorsqu'elle fait l'objet d'une protection, a droit à l'assistance d'un avocat dans les procédures le concernant, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire en violation des règles du procès équitable et des articles 5, 6 §1, 8, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 432 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Les époux [G] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 30 juin 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la mise sous tutelle de [W] [K] formée par madame [M] [G] et monsieur [G], maintenu la mesure de tutelle et maintenu l'association GRIM en qualité de tuteur ;
1°) Alors que la tutelle non familiale est subsidiaire et un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne peut être désigné qu'en l'absence de membre de la famille apte à exercer ces fonctions ; que pour apprécier si un membre de la famille peut être désigné comme tuteur, le juge doit se placer au jour où il statue ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de désigner monsieur [G] comme tuteur, que celui-ci avait soutenu les agissements de son épouse et sa violation du contrôle judiciaire, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 27), si au jour où elle statuait, monsieur [G], qui entretenait avec [W], depuis son plus jeune âge, une relation affective très forte et qui l'avait élevé comme son propre enfant, avait les qualités nécessaires pour être désignée comme tuteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 449 et 450 du code civil ;
2°) Alors que le juge désigne en qualité de tuteur un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, uniquement si aucun parent, allié ou personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables n'est en mesure d'assumer la curatelle ou la tutelle ; qu'en maintenant l'association GRIM dans les fonctions de tuteur, en lieu et place de monsieur [G], au motif que monsieur [G] voulait « soustraire » [W] à la MAS ou, plus généralement, à l'orientation prise par les autorités sanitaires et sociales pour un retour du jeune homme en Irlande, quand cette prétendue volonté prêtée à monsieur [G] n'était qu'une suspicion, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 449 et 450 du code civil;
3°) Alors que la tutelle non familiale est subsidiaire et un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne peut être désigné qu'en l'absence de membre de la famille apte à exercer ces fonctions ; que monsieur [G] faisait valoir qu'il ne pouvait lui être reproché de vouloir « soustraire » [W], la loi ne prévoyant que la « soustraction d'un mineur » et rappelait la reconnaissance par l'article 18 de la Convention pour le droit des personnes handicapées (CDPH) du droit pour tout handicapé de quitter n'importe quel pays, y compris le sien (concl. p. 13 à 15) ; qu'en affirmant, pour refuser d'accueillir la demande de monsieur [G] visant à être désigné en qualité de tuteur, que sa demande était motivée essentiellement par la volonté de soustraire [W] à la MAS sans s'expliquer, bien qu'elle y fût invitée, sur cette soustraction de « majeur protégé » et sur cette impossibilité, selon elle, pour un handicapé de quitter son pays, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 449 et 450 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Les époux [G] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 20 mai 2019 ayant rejeté la demande de monsieur [G] aux fins d'hébergement de [W] [K] ;
Alors que la personne protégée a un droit d'aller et venir qui constitue une liberté fondamentale et a le droit d'être hébergée par toute personne de son choix ; que madame [R] et monsieur [G] faisaient valoir que [W] était privé, de manière infondée, de la possibilité de sortir de la MAS ou d'être hébergé par la personne de son choix et que les justifications tenant aux prétendues menaces de soustraction, outre qu'elles étaient inopérantes s'agissant d'une personne majeure, ne pouvaient justifier les privations de liberté extrêmes et disproportionnées imposées à [W], ce d'autant plus que le directeur de la MAS avait lui-même adressé à la direction de l'association Grim un courrier ayant pour objet une « demande d'assouplissement des visites et sorties de Mr [W] [K] » ; que la cour d'appel s'est bornée, pour rejeter la demande de monsieur [G] aux fins d'hébergement de [W], à énoncer que le risque était conséquent qu'une autorisation de déplacement de [W] dans la maison de campagne du Bugey serve à le conduire en Irlande ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 15 et s.), si cette privation de liberté n'était pas disproportionnée au regard de la nature hypothétique des suspicions portées à l'encontre de Monsieur [G], de l'impossibilité de soustraire un « majeur » et des conditions sanitaires qui limitaient les déplacements internationaux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 18 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, 14 de la Convention internationale des droits de personnes handicapées, 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble de l'article 459-2 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Les époux [G] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 30 juin 2020 en ce qu'elle a rejeté la demande d'hébergement formée par monsieur [G] à l'égard de [W] [K] ;
Alors que la personne protégée a un droit d'aller et venir qui constitue une liberté fondamentale et a le droit d'être visitée et hébergée par tout tiers, parent ou non ; que les époux [G] faisaient valoir que [W] était privé, de manière infondée, de la possibilité de sortir de la MAS ou d'être hébergé par la personne de son choix et que les justifications tenant aux prétendues menaces de soustraction, outre qu'elles étaient inopérantes s'agissant d'une personne majeure, ne pouvaient justifier les privations de liberté extrêmes et disproportionnées imposées à [W], ce d'autant plus que le directeur de La MAS avait lui-même adressé à la direction de l'association Grim un courrier ayant pour objet une « demande d'assouplissement des visites et sorties de Mr [W] [K] » ; que la cour d'appel s'est bornée, pour rejeter la demande de monsieur [G] aux fins d'hébergement de [W], à énoncer que le risque était conséquent qu'une autorisation de déplacement de [W] dans la maison de campagne du Bugey serve à le conduire en Irlande ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 15 et s.), si cette privation de liberté n'était pas disproportionnée au regard de la nature hypothétique des suspicions portées à l'encontre de Monsieur [G], de l'impossibilité de soustraire un « majeur » et des conditions sanitaires qui limitaient les déplacements internationaux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 18 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, 14 de la Convention internationale des droits de personnes handicapées, 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme, ensemble de l'article 459-2 du code civil ;
Alors que les personnes handicapées ne peuvent être privées de leur liberté de façon illégale ou arbitraire ; que la privation de liberté d'une personne protégée ne peut être légalement justifiée que si elle intervient à la suite d'une procédure judiciaire adéquate et accessible et non en raison de son handicap ; qu'en reconnaissant que [W] [K] était privé de liberté mais que cette privation de liberté ne pouvait pas être considérée comme arbitraire dès lors qu'elle était consécutive à sa pathologie, la cour d'appel a méconnu l'article 14 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, ensemble l'article 5§4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
Les époux [G] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 30 juin 2020 en ce qu'elle a rejeté la demande de monsieur [G] aux fins d'hébergement de [W] [K] et la demande de madame [G] tendant à ce que son fils vienne la visiter en Irlande ;
Alors que madame [R] et monsieur [G], se fondant sur l'article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, faisaient valoir que la personne protégée devait pouvoir bénéficier de la meilleure interprétation de ses souhaits et préférences, que l'Etat avait l'obligation de mettre en oeuvre les aménagements raisonnables propres à assurer la jouissance de ses droits, que [W] était à même de communiquer en présence de personnes qui lui étaient familières, qu'il avait exprimé à de nombreuses reprises son souhait d'aller voir sa mère et sa soeur et qu'ils demandaient à la cour d'appel de juger que [W] avait droit à la mise en oeuvre des aménagements raisonnables permettant de rechercher ce que pourrait être ses souhaits et préférences et qu'il convenait de rechercher la mise en oeuvre de tels aménagements en recourant aux services d'un centre de ressource Autisme ; qu'en se bornant à énoncer que [W] [K] n'était pas en mesure d'exprimer une volonté personnelle, débarrassée des influences et suggestions de l'entourage, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 31 et s.), si [W] avait droit à la mise en oeuvre des aménagements raisonnables permettant de mettre en lumière ses souhaits et préférence et s'il n'était pas possible de recourir aux services d'un centre de Ressources Autisme pour mettre en oeuvre de tels aménagements, la cour d'appel a privé sa décision au regard des articles 2 et 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ensemble de l'article 459-2 du code civil.