LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 novembre 2022
Cassation partielle
Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 685 F-D
Pourvoi n° B 21-14.529
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 février 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022
M. [S] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-14.529 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [Y],
2°/ à Mme [X] [Y],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
3°/ à M. [B] [M], domicilié [Adresse 4],
4°/ à M. [R] [I], domicilié [Adresse 2],
5°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor, société coopérative de crédit à capital variable, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [Z], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 mai 2020), MM. [M] et [Y] ont, selon les termes d'une promesse de vente du 12 mars 2012, cédé au prix d'un euro, à MM. [I] et [Z] les parts des sociétés [M]-[Y] Immobilier (la société JLG) et Demeures de Bretagne (la société DDB) alors en plan de redressement et qui exerçaient une activité de marchand de biens et de gestion immobilière, ainsi que celles de diverses SCI propriétaires des murs abritant des agences du réseau, les cessionnaires s'engageant à se substituer aux cédants pour le règlement des sommes qui leur seraient réclamées dans la limite de 700 000 euros au plus tard le 19 mars 2012, faute de quoi ils seraient redevables d'une pénalité de 50 000 euros. Par jugement du 30 janvier 2013, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire des sociétés JLG et DDB.
2. Au cours de leur activité, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor (le Crédit agricole) avait consenti aux deux sociétés divers prêts, garantis par les cautionnements de MM. [M] et [Y]. Après avoir déclaré ses créances à la liquidation judiciaire des sociétés, et vainement mis M. [M] et M. [Y] en demeure d'honorer leurs engagements de caution, le Crédit agricole les a assignés en paiement des sommes dues. M. [M] et M. [Y] ont assigné en intervention forcée MM. [I] et [Z] afin d'obtenir leur garantie ainsi que le paiement de la pénalité contractuelle.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [Z] reproche à l'arrêt de confirmer le jugement du 8 novembre 2016 en ce qu'il l'a condamné solidairement avec M. [I] à garantir MM. [Y] et [M] de l'intégralité des condamnations prononcées contre eux à la requête de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor, et de le condamner solidairement avec M. [I] à payer à MM. [Y] et [M], ensemble, une somme de 50 000 euros au titre de la pénalité contractuelle, alors « qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu'en l'espèce, pour juger que MM. [Y] et [M] avaient pu légitimement croire à l'existence d'un mandat conféré par M. [Z] à M. [I] pour signer la promesse du 12 mars 2012 en son nom, sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas l'avoir vérifié, la cour d'appel a retenu que les cédants avaient entretenu des relations d'affaires suivies avec MM. [I] et [Z], que ces derniers avaient affiché un lien de parenté, et que M. [Z] s'était impliqué dans la gestion du groupe précédemment constitué par M. [I] et dans les négociations ayant abouti à la cession du groupe [M]-[Y] Immobilier ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les circonstances autorisant MM. [Y] et [M], qui agissaient à titre professionnel, à ne pas vérifier les pouvoirs de M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1985 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1985 du code civil :
4. Il résulte de ce texte qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.
5. Pour juger que les cédants ont pu légitimement croire à l'existence d'un mandat confié par M. [Z] à M. [I] dans des circonstances qui les autorisaient à ne pas en vérifier l'existence, l'arrêt relève que des relations d'affaire suivies existaient entre les parties, M. [Z] étant présenté comme le fils de M. [I], et tous deux ayant constitué une société Immostart dans le but de reprendre les mandats de gestion immobilière du groupe qu'ils envisageaient d'acquérir, que M. [Z] était totalement investi dans le projet, qu'il devait être le dirigeant des entités reprises, et qu'il produisait lui-même deux actes de cession de parts de SCI signées de sa main et datées du 12 mars 2012, ces cessions étant indispensables à la finalisation de la cession des parts des sociétés JLG et DDB, dont l'une des SCI était associée. L'arrêt en déduit qu'au regard du lien de parenté affiché entre MM. [I] et [Z], de l'implication de M. [Z] dans la gestion du groupe précédemment constitué par M. [I] et dans les négociations ayant abouti à la cession du groupe [M]-[Y] Immobilier, et de la régularisation corrélative par M. [Z] lui-même d'actes d'exécution de la promesse synallagmatique du 12 mars 2012, MM. [Y] et [M] ont pu légitimement croire à l'existence d'un mandat conféré par M. [Z] à M. [I] pour signer cette promesse en son nom, sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas l'avoir vérifié.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser des circonstances autorisant les cédants à ne pas vérifier les pouvoirs de M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne M. [Z] solidairement avec M. [I] à garantir MM. [M] et [Y] des condamnations prononcées contre ces derniers à la requête de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor, y compris en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il condamne M. [Z] solidairement avec M. [I] à payer à MM. [Y] et [M] une somme de 50 000 euros au titre de la pénalité contractuelle, et en ce qu'il condamne solidairement MM. [R] [I] et [S] [Z] [I] aux dépens de leur appel en intervention forcée et à payer la somme de 2 000 euros à M. [Y] et de 2 000 euros à M. [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. [M] et M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [Z].
M. [S] [Z] reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du 8 novembre 2016 en ce qu'il l'a condamné solidairement avec M. [I] à garantir MM. [Y] et [M] de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre à la requête de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Côtes d'Armor, et DE L'AVOIR condamné solidairement avec M. [I] à payer à MM. [Y] et [M], ensemble, une somme de 50 000 euros au titre de la pénalité contractuelle ;
ALORS QUE 1°), une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu'en l'espèce, pour juger que MM. [Y] et [M] avaient pu légitimement croire à l'existence d'un mandat conféré par M. [Z] à M. [I] pour signer la promesse du 12 mars 2012 en son nom, sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas l'avoir vérifié, la cour d'appel a retenu que les cédants avaient entretenu des relations d'affaires suivies avec MM. [I] et [Z], que ces derniers avaient affiché un lien de parenté, et que M. [Z] s'était impliqué dans la gestion du groupe précédemment constitué par M. [I] et dans les négociations ayant abouti à la cession du groupe [M]-[Y] Immobilier (arrêt, p. 13) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les circonstances autorisant MM. [Y] et [M], qui agissaient à titre professionnel, à ne pas vérifier les pouvoirs de M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1985 du code civil,
ALORS QUE 2°), une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime ; que cette croyance légitime s'apprécie au moment de la signature de l'acte litigieux ; que pour juger que MM. [Y] et [M] avaient pu légitimement croire à l'existence d'un mandat conféré par M. [Z] à M. [I] pour signer la promesse du 12 mars 2012 en son nom, sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas l'avoir vérifié, la cour d'appel a encore retenu que M. [Z] aurait lui-même régularisé certains actes d'acquisition de parts de SCI, en exécution de la promesse synallagmatique du 12 mars 2012 (arrêt, p. 13) ; qu'en statuant ainsi, en considération d'actes postérieurs à la signature de la promesse litigieuse, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1985 du code civil.