COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 novembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10680 F
Pourvoi n° E 21-21.685
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022
1°/ la société Compétences & vous, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 2], anciennement dénommée société H2O'Ptima,
2°/ la société MJ Synergie, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 1], en la personne de M. [N], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Compétences & vous,
ont formé le pourvoi n° E 21-21.685 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société VLD distribution, société à responsabilité limitée,
2°/ à la société Delphin France, société à responsabilité limitée,
ayant leur siège toutes deux [Adresse 3], [Localité 4],
3°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 3], [Localité 4],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Compétences & vous et de la société MJ Synergie, ès qualités, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés VLD distribution et Delphin France et de M. [P], et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Reprise d'instance
1. Il y a lieu de donner acte à la société MJ Synergie, prise en la personne de M. [N], de ce qu'elle reprend l'instance en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Compétences & vous.
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compétences & vous et la société MJ Synergie, en la personne de M. [N], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Compétence & vous aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Compétences & vous, anciennement dénommée H20'Ptima et la société MJ Synergie, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Compétences & vous.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LA SOCIETE COMPETENCES & VOUS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit que la société Delphin France et la société VLD distribution ont commis des actes de concurrence déloyale en débauchant les principaux collaborateurs de la société H20'ptima et en détournant la clientèle de cette dernière, D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Delphin France et la société VLD distribution à payer à la société H20'ptima la somme de 201 277 euros en réparation de la perte de marge brute causée par le débauchage massif et D'AVOIR débouté la société Compétence & vous de sa demande que soient condamnés in solidum M. [P], la société Delphin France et la société VLD distribution à lui payer la somme de 313 421,92 euros (et subsidiairement 201 277 euros) en réparation de la perte de marge brute causée par le débauchage massif et à tout le moins fautifs ;
1°) ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage massif du personnel d'une société, entraînant sa désorganisation ; que le débauchage massif est fautif indépendamment de toutes manoeuvres déloyales s'il a pour effet de désorganiser une entreprise concurrente ; qu'en jugeant que « le débauchage implique l'emploi de manoeuvres déloyales spécifiquement destinées à l'obtenir » (p. 10 de l'arrêt), la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) ALORS QU'EN constatant que de nombreux vendeurs avaient décidé de rejoindre la société VLD distribution en rompant ses contrats avec la société Compétences & vous (p. 11 de l'arrêt) sans rechercher, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de la société Compétences & vous (p. 23), si cela avait eu pour effet de désorganiser cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°) ALORS QUE le débauchage de vendeurs à domicile indépendants qui commercialisent les produits d'une entreprise est de nature à la désorganiser ; qu'en jugeant, pour justifier que le départ des vendeurs de la société Compétences & vous vers la société VLD distribution ne caractérisait pas un débauchage massif, que les « conseillers sont attachés au premier chef au produit dont ils assurent la promotion et la vente, plus qu'à la personne du concessionnaire dont ils sont les mandataires » (p. 11 de l'arrêt), la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
4°) ALORS QUE pour juger que les vendeurs étaient plus attachés au produit qu'au concessionnaire, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur les « attestations des conseillers versés aux débats par M. [P] et ses sociétés » (p. 11 de l'arrêt), quand de telles attestations émanant de vendeurs ayant rompu leur contrat avec la société Compétences & vous, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
5°) ALORS QUE la prise de contacts avec un concurrent direct en vue de la commercialisation de son produit ne caractérise pas la violation d'une clause de non-concurrence, sauf stipulation contraire prohibant une telle prise de contact ; qu'en jugeant le contraire pour justifier les actions de M. [P] et de la société VLD distribution ayant dénigré la société Compétences & vous et débauché une partie déterminante de sa force de vente (p. 10 de l'arrêt), la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
6°) ALORS QU'en jugeant que « la prise de contacts avec un concurrent direct en vue de la commercialisation de son produit constitue une violation manifeste constitue une violation manifeste de la "clause de non-concurrence pendant le contrat" stipulée au contrat de concession liant la société Delphin France à la société Biosph'Air » (p. 10 de l'arrêt), tout en constatant que la clause prévoyait que « pendant toute la durée du contrat, pour quelque cause que ce soit, et sauf inexécution par l'importateur de ses obligations, le concessionnaire s'interdit d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire du réseau Delphin sur le territoire où le concessionnaire, ses sous-concessionnaires, distributeurs, etc. auront commercialisé les produits Delphin » (p. 9 du contrat de concession ; prod. n° 4), la cour d'appel a dénaturé l'écrit clair et précis qui lui était soumis ;
7°) ALORS, subsidiairement, QUE les conventions qui n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ne nuisent point aux tiers et ne leur profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 ; qu'en se fondant sur la violation d'une clause de nonconcurrence liant la société Compétences & vous à la société Delphin France pour justifier les actions les actions de M. [P] et de la société VLD distribution ayant dénigré la société Compétences & vous et débauché une partie déterminante de sa force de vente, la cour d'appel a violé l'article 1165, devenu les articles 1199 et 1200, du code civil ;
8°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de la société Compétences & vous (p. 19), si la responsabilité des sociétés VLD distribution et Delphin France n'était pas engagée dès lors qu'elles avaient commis une faute ayant causé un préjudice à la société Compétences & vous, indépendamment de tout caractère déloyal ou massif du débauchage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
LA SOCIETE COMPETENCES & VOUS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Delphin France et la société VLD distribution ont commis des actes de concurrences déloyales en débauchant les principaux collaborateurs de la société H2O'ptima et en détournant la clientèle de cette dernière et D'AVOIR débouté la société Compétences & vous de sa demande que soient condamnés M. [P], la société Delphin France et la société VLD distribution à lui payer la somme de 70 081,92 euros en réparation de la perte de marge brute causée par le détournement de clientèle ;
1°) ALORS QUE le débauchage massif dans le but de détourner la clientèle caractérise une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de la société Compétences & vous (p. 27), si le débauchage massif des vendeurs de la société Compétences & vous n'avait pas pour objet de détourner sa clientèle au profit de la société VLD distribution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) ALORS QU'en jugeant que « si la société Compétences & Vous fait grief à M. [P] ainsi qu'à ses sociétés de l'avoir dénigrée directement auprès de ses clients sous couvert d'une enquête de satisfaction, il n'est cependant fourni aucun élément concret de nature à appuyer cette allégation » (p. 10), quand la société Compétences & vous produisait à l'appui de ses conclusions d'appel (p. 18) un courriel d'une cliente mentionnant que la société Delphin France l'avait appelée pour lui indiquer que la société Compétences & vous n'existait plus (pièce n°24 à l'appui des conclusions d'appel ; prod. n°5), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
LA SOCIETE COMPETENCES & VOUS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société H2O'ptima, aujourd'hui dénommée Compétences & vous, à l'encontre de M. [W] [P] ;
ALORS QU'un dirigeant peut commettre une faute séparable de ses fonctions même s'il agit dans les limites de ses attributions ; qu'en jugeant par motifs adoptés des premiers juges que la responsabilité personnelle de M. [P] ne saurait être engagée dès lors qu'il « a agi pour le compte de ses sociétés dans l'exercice de son mandat de gestion » (p. 17 du jugement entrepris), la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.