LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1144 F-D
Pourvoi n° K 21-16.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2022
M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], chez M. [N] [R], [Localité 3], a formé le pourvoi n° K 21-16.929 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Haute-Normandie, venant aux droits de la caisse du régime sociale des indépendants de Haute-Normandie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Haute-Normandie, venant aux droits de la caisse du régime sociale des indépendants de Haute-Normandie, et après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 mars 2021), la caisse du régime social des indépendants de Haute-Normandie, aux droits duquel vient l'URSSAF de Haute-Normandie (l'URSSAF), a notifié à M. [U] (le cotisant) une mise en demeure du 12 décembre 2011 pour avoir paiement des cotisations et majorations de retard afférentes à la régularisation de l'année 2010, puis lui a décerné, le 22 juillet 2016, une contrainte pour le recouvrement de cette créance.
2. Le cotisant a formé opposition à la contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le cotisant fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en son opposition à la contrainte émise le 22 juillet 2016 alors « 1°/ qu'une contrainte peut faire l'objet d'une opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale même si la dette de cotisation n'a pas été antérieurement contestée par la voie d'une réclamation préalable contre la mise en demeure auprès de la commission de recours amiable ; qu'en décidant que le cotisant, qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des cotisations qui font l'objet de la contrainte, la cour d'appel a violé les articles R. 133-3 et R. 133-5 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification.
5. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification.
6. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte.
7. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.
8. Pour déclarer irrecevable l'opposition, l'arrêt énonce qu'il résulte de l'article R. 142-1 que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des cotisations qui font l'objet de la contrainte et relève qu'en l'espèce, la mise en demeure régulièrement notifiée le 12 décembre 2011 n'a fait l'objet d'aucun recours devant la commission de recours amiable.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne l'URSSAF de Haute-Normandie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Haute-Normandie et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. [U]
M. [U] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré M. [U] irrecevable en son opposition à la contrainte émise le 22 juillet 2016 et signifiée le 5 septembre 2016 portant sur la somme de 46.177 €, représentant celle de 43.697 € de cotisations et celle de 2.480 € de majorations de retard au titre de la régularisation 2010 ;
1. ALORS QU'une contrainte peut faire l'objet d'une opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale même si la dette de cotisation n'a pas été antérieurement contestée par la voie d'une réclamation préalable contre la mise en demeure auprès de la commission de recours amiable ; qu'en décidant que le cotisant, qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des cotisations qui font l'objet de la contrainte, la cour d'appel a violé les articles R 133-3 et R 133-5 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS subsidiairement QU'à supposer que la saisine de la CRA soit requise, elle s'imposait à M. [U] à la condition qu'il ait été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'en s'abstenant de constater que cette exigence était satisfaite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 142-1 et R 142-1 du code de la sécurité sociale.