COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 novembre 2022
Rejet non spécialement motivé
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10639 F
Pourvoi n° S 21-16.889
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022
M. [U] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-16.889 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [W] [B], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes SCBP a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations écrites de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [E], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [B], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes SCBP, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation du pourvoi principal et le moyen de cassation du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes SCBP la charge de ses dépens et condamne M. [E] aux autres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes SCBP la somme de 3 000 euros et condamne la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes SCBP à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. [E].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré valable son engagement de caution et, en conséquence, de l'AVOIR condamné, en sa qualité de caution de la société CDN, à payer à la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 83.493,38 €, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, dans la limite de son engagement ;
1°) ALORS QU'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; qu'en retenant, pour juger valable l'engagement de caution de M. [E], que ce dernier ne pouvait se prévaloir d'une réticence dolosive ou de l'erreur dès lors qu'il lui appartenait d'établir qu'au jour de son engagement, et non à la date de la cession de parts sociales, la banque, par réticence dolosive, lui avait caché la réalité sur la situation du débiteur principal pour obtenir son concours, tandis que lui-même ignorait cette situation, quand la date de la cession de parts litigieuses, antérieure à l'engagement de caution et postérieure à l'état de cessation des paiements de la société CDN, avait nécessairement une incidence sur cet engagement et devait être prise en considération pour déterminer si le consentement n'avait pas été donné que par erreur ou surpris par dol, la cour d'appel a violé l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; qu'en retenant aussi que M. [E] avait connaissance de la situation particulièrement obérée de la société CDN, de sorte qu'il ne pouvait faire valoir, pour établir la réticence dolosive, que la banque connaissait l'état de cessation des paiements de cette société et qu'elle lui avait imposé l'engagement de caution, sans rechercher en quoi la banque, qui avait connaissance de la situation de cessation des paiements de la société CDN, n'avait exigé un cautionnement que dans le seul objectif de transférer le risque bancaire sur la caution, ce qui était de nature à constituer une réticence dolosive entachant de nullité l'engagement de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QUE même en l'absence de manquement à l'obligation d'information, le juge doit apprécier si les circonstances ne révèlent pas que le consentement de la caution a été déterminé par une erreur substantielle sur la solvabilité de l'entreprise cautionnée, qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ; qu'en retenant également que M. [E] ne démontrait pas quelle information, dont il n'aurait pas eu connaissance, avait la banque de la situation de la société à la date du cautionnement, les seules pièces versées par lui aux débats et antérieures à l'engagement faisant, au contraire, état des difficultés concrètes de la société, sans rechercher si, même en l'absence de manquement à l'obligation d'information, les circonstances ne révélaient pas que le consentement de M. [E] avait été déterminé par une erreur substantielle sur la solvabilité de l'entreprise, laquelle avait été l'objet, peu après, d'une liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE la nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ; qu'en ajoutant, par ailleurs, que si M. [E] se prévalait du non-respect du formalisme de l'article L. 341-3 ancien du code de la consommation en ce que la mention prévue par cet article contenait un mot rayé et un mot ajouté, le texte de cet article était reproduit dans son intégralité, et que, si un mot avait été rayé et un autre ajouté, il s'agissait de l'erreur commise par l'intéressé qui s'était trompé en recopiant un mot, d'où une rature, outre que ce mot avait été reporté dans sa forme exacte in fine, les deux parties ayant signé la modification apportée, de sorte qu'il n'existait aucune irrégularité rendant nul l'engagement de caution, sans rechercher si l'erreur, dans la mention manuscrite de l'engagement de caution de M. [E], qu'il avait corrigée par une rature, ne portait pas sur le terme « renonçant », soit sur l'étendue et la cause de son engagement, qui, par suite, était nul, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-3 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré valable son engagement de caution et, en conséquence, de l'AVOIR condamné, en sa qualité de caution de la société CDN, à payer à la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 83.493,38 €, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, dans la limite de son engagement ;
ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du pourvoi n° E 21-16.901, au titre de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 29 avril 2021, entraînera par voie de conséquence celle du présent arrêt, qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes SCBP.
La Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir dit qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'engagement de caution de M. [B] du 16 mai 2013 manifestement disproportionné à ses biens et revenus et de l'avoir en conséquence déboutée de toutes ses prétentions contre M. [B] ;
Alors 1°/ que l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par M. [B], caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la caution avait fait état, dans le bilan patrimonial, d'un bien d'une valeur d'environ 600 000 € détenu par une SCI (arrêt p. 6, dernier §) ; que pour déclarer le cautionnement disproportionné, la cour d'appel a énoncé que l'épouse de M. [B] était associée, au sein de cette SCI, à hauteur de 50 %, pour en déduire que le patrimoine de la caution était limité à 300 000 € et que la banque « ne pouvait que s'interroger sur les parts détenues par la caution » (p. 7, § 1) ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le bilan patrimonial ne précisait pas que la somme de 600 000 € correspondait à la valeur de l'ensemble du capital de la SCI et non à la seule fraction détenue par la caution (p. 6, dernier §), ce dont il résultait que ce document ne présentait aucune anomalie apparente conduisant la banque à vérifier les déclarations de la caution, la cour d'appel, a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, en sa rédaction applicable à l'espèce.
Alors 2°/ que pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges doivent tenir compte des revenus perçus par la caution ; que pour déclarer le cautionnement disproportionné, la cour d'appel a énoncé que le bilan patrimonial produit par la banque faisait état de revenus de la SCI qui sont la propriété de celle-ci, et non de la caution elle-même ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que la caution détenait 50 % des parts sociales de la SCI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au litige.