COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 octobre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10623 F
Pourvoi n° A 21-17.656
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 OCTOBRE 2022
La société [N] [D], société civile, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-17.656 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société VHP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société EKIP', dont le siège est [Adresse 3], en la personne de Mme [P] [O], prise en qualité de mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la société VHP,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations écrites de Me Soltner, avocat de la société [N] [D], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société VHP et de la société EKIP', en la personne de Mme [O], ès qualités, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [N] [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [N] [D] et la condamne à payer aux sociétés VHP et EKIP', en qualité de mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la société VHP, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour la société [N] [D].
IL EST FAIT EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmé le jugement entrepris ayant débouté la société [N] [D] de sa tierce-opposition et prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au profit de la société VHP.
AUX MOTIFS PROPRES QUE Selon les dispositions de l'article L. 620-1 du code de commerce, il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. La procédure de sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers. La société [N] [D] soutient que les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne sont pas réunies. Selon elle, il n'est pas justifié au vu des pièces produites que la société Brasserie Louis serait en difficulté financière et ne pourrait assurer la remontée de dividendes à la société VHP; de plus cette société aurait obtenu des sursis à paiement à la suite de sa contestation des redressements fiscaux prononcés à son encontre. En second lieu, selon elle, le tribunal ne pouvait justifier l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au motif que la société [N] [D] refuse d'exécuter la garantie d'actif et de passif. La société [N] [D] fait valoir à cet égard que l'ensemble des décisions prononcées excluent la possibilité pour la société VHP de se prévaloir d'une compensation entre le solde du crédit vendeur et une créance au titre de la garantie d'actif et de passif. Elle soutient en définitive que lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la société VHP se trouvait en réalité en état de cessation des paiements, par impossibilité d'exécuter le jugement du tribunal de commerce de Niort prononçant condamnation au titre du solde du crédit vendeur. Toutefois, la cour constate que le tribunal de commerce de Saintes a fait une exacte application des dispositions de l'article L.620-1 du code de commerce, et des conditions d'ouverture de la sauvegarde, en retenant que la société VHP se trouvait confrontée à des difficultés qu'elle n'était pas en mesure de surmonter, du fait du redressement fiscal de la société Brasserie Louis, compromettant les remontées de dividendes, du refus de la société [N] [D] de mettre en oeuvre la garantie de passif, et d'admettre le principe d'une compensation entre créances réciproques; étant observé à cet égard qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, le 4 avril 2019, le tribunal de commerce de Poitiers n'avait encore pas statué sur la demande en paiement formée par la société VHP à l'encontre de la société [N] [D], au titre des sommes résultant du contentieux fiscal de la société Brasserie Louis, et sur sa demande de compensation. Il s'en évince que nonobstant les décisions précédemment rendues à cet égard, le sort définitif de la créance invoquée par la société [N] [D], au titre du jugement du tribunal de commerce de Niort du 20 mai 2015, restait subordonné à une instance toujours pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance demeurait litigieuse et ne pouvait être incluse dans le passif exigible ; et que la cessation des paiements (distincte du simple refus de paiement) n'était pas caractérisée à la date du 4 avril 2019.Il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande subsidiaire formée par la société VHP en ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;
ET AUX MOTIFS ENCORE EVENTUELLEMENT ADOPTE (jugement entrepris du 3 septembre 2020) Sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde : Vu les articles R621-l, 1620-1 du Code de Commerce, Attendu que l'article 1620-1 définit l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ainsi « Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L.620-2 qui sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin .de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif » ; Attendu que la Cour de cassation dans son arrêt du 26 Juin 2017 (Cass. Com 26 Juin2017,06-20820, [Y]) est venu préciser les contours des difficultés que le débiteur « n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements », en particulier a précisé que ces difficultés doivent être appréciées au jour où il est procédé l'ouverture de la procédure et avoir persisté au jour où le juge statue, que la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même ; Attendu que l'origine des difficultés de la société VHP résulte d'un redressement fiscal notifié en décembre 2015 et en févier 2016 affectant la société BRASSERIE LOUIS, filiale à 100% de la société VHP ; Attendu que ce redressement fiscal remettait en cause le bon déroulement du « LBO », obérant la société BRASSERIE LOUIS et ainsi compromettant les remontées de dividende à sa maison mère, la société VHP ; Attendu qu'à cette difficulté s'est ajouté le refus par la SC [N] [D] d'accorder la garantie de passif alors que cette garantie est prévue au contrat de cession ; Attendu qu' un litige est né lorsque la société VHP a arrêté le remboursement du crédit-vendeur accordé par la SC [N] [D] en compensation de la garantie de passif ; Attendu que ces difficultés étaient bien réelles à la date du 18 mars 2019 date de dépôt de la requête par la société VHP, et à la date du 4 avril 2019 date du jugement d'ouverture ; Attendu que ces difficultés compromettent toujours la pérennité de la société VHP ; Attendu par ailleurs, qu'un autre arrêt de la cour de cassation du 8 mars 2011 (Cass. Com.. 8 mars 2011 , – FS - PBRI) a étendu les possibilités d'ouvrir une procédure de sauvegarde ; Attendu que cet arrêt rappelle que « la sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin, notamment, de permettre la poursuite de l'activité économique » que « l'ouverture de la procédure n'est pas subordonnée à l'absence d'une difficulté affectant cette activité économique » et qu'en conséquence « hors cas de fraude, l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu'il chercherait seulement à échapper ses obligations contractuelles, dès lors qu'il justifie, par ailleurs, de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements » ; Attendu que cette jurisprudence s'est appliquée dans le cas d'une holding créée pour acquérir des titres de société par un LBO en cours ; Attendu que la solvabilité de Monsieur [B] [I] qui s'est porté caution solidaire en garantie du crédit-vendeur accordé par la SC [N] [D] n'a pas à être appréciée ; Attendu que cette tierce opposition n'a été diligentée que dans le seul but de viser la caution protégée en matière de sauvegarde, sans démontrer l'état de cessation des paiements de la débitrice principale ; Attendu que l'objet de la tierce opposition ne doit concerner que les effets entre les parties à savoir les rapports entre les créanciers et le débiteur et non à l'égard des tiers, notamment les cautions ;
Sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire : Vu l'article L631-1 du Code de commerce ; Attendu que l'article 631-1 juge la cessation des paiements caractérisée lorsque le débiteur trouve dans « l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible » ; Attendu que le tribunal, saisi par le débiteur d'une demande d'ouverture de procédure de sauvegarde, doit examiner l'absence de cessation des paiements ; Attendu que lorsque la dette devient litigeuse, elle n'a pas à être pris en compte au titre du passif exigible (Cass. Com 27 avril 1993, 91-16470) ; Attendu que tel est le cas en l'espèce, qu'à la date du jugement d'ouverture de la sauvegarde à l'égard de la société VHP, la compensation des créances réciproques étaient litigeuses et le sont toujours entre la société VHP et la SC [N] [D] et ne devaient pas être pris en compte ;
1°) ALORS QUE selon l'article L 620-1 du code de commerce, « il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur, qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. » ; qu'une mesure de sauvegarde ne peut donc être ouverte à l'égard d'une entreprise qui au jour de la demande, se trouve, du fait de l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, en état de cessation de paiements ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêts et des pièces produites par la société [D] à l'appui de ses conclusions, que par jugement du 20 mai 2015, le tribunal de commerce de Niort a confirmé la validité des actes de cession du fonds « Brasserie Louis » entre les Sociétés SC [N] [D] et VHP , et condamné la Société VHP à payer à la Société SC [N] [D] la somme de 424.047,11 € au titre du solde du prix de la cession ayant fait l'objet d'un crédit vendeur ; que l'appel formé contre ce jugement a fait l'objet d'une péremption d'instance constatée par arrêt de la Cour d'appel de Poitiers du 13 novembre 2018 ; qu'à l'occasion de l'action exercée par M. [N] [D] contre Monsieur [H], caution du paiement du prix, la Société VHP est intervenue à cette instance pour solliciter la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif et obtenir la compensation des sommes dues avec le solde des sommes qu'elle devait au titre du crédit vendeur mais cette intervention a été déclarée irrecevable comme méconnaissant le principe de concentration des moyens et l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Niort du 20 mai 2015, devant lequel la société VHP avait introduit une action ayant exactement le même objet et la même cause ; Il s'ensuit qu'en l'état de décisions définitives et irrévocables ayant reconnu l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible de la société [N] [D] contre la société VHP à hauteur de 424.047,11 euros à la date du 4 avril 2019, la cour d'appel qui a regardée comme étant « litigieuse » cette créance aux motifs qu'à cette date, le tribunal de commerce de Bordeaux n'avait pas encore statué sur une troisième demande « toujours pendante devant les juges du fond » de la société VHP, et qui en a déduit que ladite créance « ne pouvait être incluse dans le passif exigible », a méconnu l'autorité de la chose jugée par les décisions ci-dessus visées et a violé l'article 1351 (devenu 1355) du code civil ;
2°) ALORS QU'en statuant de la sorte, lorsqu'il résulte de ses propres constatations qu'à la date de la demande d'ouverture d'un plan de sauvegarde, la société VHP était débitrice d'une dette de 424.047,11 euros qui était liquide, certaine et exigible comme résultant de décisions de justice irrévocables, peu important l'issue d'autres actions toujours pendantes qu'avait pu introduire la société VHP pour tenter de réduire ou de paralyser cette condamnation, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a violé les articles L 620-1, L 631-1 et L 641-1 du Code de commerce ;
3°) ALORS QU'en énonçant encore, par motifs adoptés du jugement du 3 septembre 2020, que la date litigieuse n'a pas à être prise en compte au titre du passif exigible et « que tel est le cas en l'espèce, dès lors qu'à la date du jugement d'ouverture de la sauvegarde l'égard de la société VHP, la compensation des créances réciproques étalent litigeuses et le sont toujours entre la société VHP et la SC [N] [D] et ne devaient pas être pris en compte », cependant qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt qu'à cette date, la dette de la société VHP de 424 027,11 résultait de décisions de justice définitives et irrévocables, de sorte que les contestations ou litiges que pouvait élever à son sujet la société VHP, qu'elles soient amiables ou judiciaires, ne pouvaient conduire à l'exclure du passif dans lequel le juge était tenu de la comptabiliser pour rechercher si la société VHP était en situation de cessation de paiement, la cour d'appel a violé de plus fort les textes susvisés ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES du jugement du 4 avril 2019 ; Attendu qu'il résulte des informations recueillies par le tribunal et des pièces produites, que l'EURL VHP ne se trouve pas en état de cessation des paiements ; Que toutefois, l'entreprise débitrice justifie de difficultés au sens de l'article L620-1 du code de commerce qu'elle n'est pas en mesure de surmonter ; Qu'il convient, dans ces conditions, d'ouvrir une procédure de sauvegarde à l'égard de l'EURL VHP ; Qu'il convient d'appliquer la procédure sans administrateur judiciaire prévue par les articles L .621-4 et R.621-1 1 du code de commerce, eu égard au montant du chiffre d'affaires hors taxe et au nombre de salariés de l'entreprise débitrice, existant au jour de la demande ;
4°) ALORS QUE toute décision doit comporter des motifs ; que le juge ne peut se fonder sur des informations recueillies hors la présence des parties, dont il n'indique ni l'origine ni la nature ni la teneur, et qui n'ont fait l'objet d'aucun débat contradictoire ; en sorte qu'en énonçant que l'absence d'état de cessation de paiement de la société VHP « résulte des informations recueillies par le tribunal et des pièces produites », sans indiquer l'origine et la nature des ces informations et de ces pièces, ni en faire aucune analyse, la cour d'appel a violé les articles 4, 12, 16 et 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'au surplus, en laissant sans réponse les conclusions de la société [N] [D] qui faisait (p. 13) valoir qu'au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la demande de constat d'une compensation légale avait déjà été tranchée, de sorte que la créance de la SC [N] [D] entrait nécessairement dans l'appréciation de l'état de cessation des paiements, et que la Société VHP étant débitrice d'une créance exigible d'un montant principal de 424.047,11 €, elle se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son actif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;