SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 octobre 2022
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10935 F
Pourvoi n° G 21-15.938
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022
La société Zacharie agencement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-15.938 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [Y], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Zacharie agencement, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Zacharie agencement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Zacharie agencement et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Cavrois, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452,456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Zacharie agencement
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Zacharie Agencement à payer à M. [Y] les sommes de 28.668,75 euros à titre de rappel de commissions des exercices 2012, 2014 et 2015 et de 2.866,87 euros à titre d'indemnité congés payés afférents et de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
1) ALORS QU'en l'absence de fixation des objectifs, il appartient au juge de fixer le montant de la rémunération variable en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause ; que pour condamner la société Zacharie Agencement à payer à M. [Y] les sommes de 22.935 euros à titre de rappel de commission pour l'année 2014 et de 5.733,75 euros au titre de l'année 2015, la cour d'appel a retenu « l'existence d'un usage en vertu duquel la société Zacharie Agencement a régulièrement versé des commissions à ses salariés, de 1999 à 2012, l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir de la prise en compte de l'exercice 2013 au titre duquel n'a pas été honoré » ; qu'en statuant ainsi, tandis que le seul principe du droit à commission ne peut suffire à justifier le montant des commissions qu'il appartient au juge de déterminer sur les périodes litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2) ALORS QU'en l'absence de fixation des objectifs, il appartient au juge de fixer le montant de la rémunération variable en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause ; que pour condamner la société Zacharie Agencement à payer à M. [Y] les sommes de 22.935euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2014 et de 5.733,75 euros au titre de l'année 2015, la cour d'appel a retenu que « l'existence d'un usage en vertu duquel la société Zacharie Agencement a régulièrement versé des commissions à ses salariés, de 1999 à 2012, l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir de la prise en compte de l'exercice 2013 au titre duquel il n'a pas été honoré » ; qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte, dans le calcul des commissions dues au titre des exercices 2014 et 2015, l'exercice 2013, exercice sans commission, ce qui n'était pas contesté par le salarié qui ne formulait aucune demande à ce titre, la cour d'appel, qui, ce faisant, n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; qu'en retenant, pour condamner la société Zacharie Agencement à payer à M. [Y] les sommes de 22.935 euros à titre de rappel de commission pour l'année 2014 et de 5.733,75 euros au titre de l'année 2015, que « le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un usage en vertu duquel la société Zacharie Agencement a régulièrement versé des commissions à ses salariés, de 1999 à 2012, l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir de la prise en compte de l'exercice 2013 au titre duquel cet usage n'a pas été honoré », quand la société Zacharie Agencement contestait, à titre subsidiaire, c'est-à-dire pour le cas où le principe de l'usage litigieux serait retenu, le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges qui avaient retenu la moyenne des commissions au titre des exercices 2010 à 2012 en excluant arbitrairement l'exercice 2013, pour lequel il n'était pas contesté par le salarié que 2013 était une année sans commission, la cour d'appel a donc méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que le licenciement notifié le 2 avril 2015 à M. [Y] par la société Zacharie Agencement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Zacharie Agencement à lui payer les sommes de 15.023,40 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1.502,34 euros bruts au titre des congés payés afférents, 32.550,70 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 52.582 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
1) ALORS QUE constitue une faute grave le fait pour un chargé d'affaires de fournir à son nouvel employeur à la suite d'un transfert de son contrat de travail, un document fabriqué destiné à lui faire croire que les critères d'une « rémunération extra-contractuelle » proposée par son ancien employeur dans un document établi pour le seul exercice 2001, auraient été contractualisés, et reconduits par son ancien employeur en 2001, en supprimant par un photomontage la mention « votre rémunération extra-contractuelle pour l'exercice 2001 » en vue d'obtenir un arriéré de commissions sur ce fondement ; qu'en l'espèce, en jugeant que le licenciement de M. [Y] pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse, aux motifs inopérants que « l'altération frauduleuse de la vérité, ni l'intention de tromper la vigilance de l'employeur n'était caractérisées, et il ne peut être reproché au salarié, qui a uniquement soutenu une interprétation qui lui est favorable de la relation contractuelle, d'avoir produit un faux » et que « M. [Y] a produit devant le conseil de prud'hommes la pi-ce n° 27, soit un courrier qui lui a été adressé le 28 mai 2001 par M. [Z], lui indiquant les critères de sa « rémunération extra-contractuelle pour l'exercice 2001 » », sans rechercher si une telle mention, apposée par son ancien employeur dans le document original et visant à réduire son champ d'application au seul exercice 2001, n'avait pas été supprimée à dessein par le salarié grâce au photomontage litigieux, dans le but de faire croire à son nouvel employeur que ces critères auraient été contractualisés et reconduits en 2008, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2) ALORS QUE constitue une faute grave le fait pour un chargé d'affaires de fournir à son nouvel employeur à la suite d'un transfert de son contrat de travail, un faux destiné à lui faire croire que les critères d'une « rémunération extra-contractuelle » proposée par son ancien employeur dans un document établi pour le seul exercice 2001, auraient été contractualisés, et reconduits par son ancien employeur en 2001, en supprimant par un photomontage la mention « votre rémunération extra-contractuelle pour l'exercice 2001 » en vue d'obtenir un arriéré de commissions sur ce fondement ; qu'en l'espèce, pour juger que le licenciement de M. [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a également retenu que « les débats révèlent que la manoeuvre déloyale que l'employeur impute à son salarié, est en réalité la revendication portant sur l'application des modalités de calcul du montant des commissions telles qu'elle résultent des critères de sa rémunération extra-contractuelle qui lui ont été notifiés par lettres pour les exercices 2000 et 2001 » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle a par ailleurs constaté que la société Zacharie Agencement reprochait à M. [Y] d'avoir réalisé un photomontage destiné à donner un prétendu fondement contractuel à sa demande paiement d'arriérés de commission et que « les commissions versées par la société Zacharie Agencement ne [relevaient] ni de l'application des termes du contrat de travail, malgré la référence à un avenant, ni de la convention collective », la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'il y a faux lorsqu'un document est créé de toute pièce ou altéré afin d'accréditer un fait imaginaire susceptible de produire des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, pour juger que le licenciement de M. [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « l'exploitation de documents destinés à M. [S] avec la référence au contrat de 2001 n'apparaît pas fautive dès lors qu'il est établi, par les courriers du 28 mai 2001 et du 3 avril 2001, adressés respectivement à M. [Y] et à M. [S], que ces deux salariés ont bénéficié, au titre de l'exercice 2001, des mêmes critères d'évaluation de leur rémunération extra-contractuelle, de sorte que la comparaison effectuée par M. [Y] avec son collègue n'est pas illégitime » ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que la société Zacharie Agencement reprochait à M. [Y] d'avoir tenté de lui faire croire, par la production d'un photomontage, qu'un contrat datant de 2001 aurait fixé les critères de sa rémunération alors que ce prétendu contrat n'existait pas, et que ce document constituait seulement « les critères d'une « rémunération extra-contractuelle pour l'exercice 2001 » », la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 441-1 du code pénal ;
4) ALORS QUE la faute grave n'implique pas l'intention de nuire ; que constitue une faute grave, et à tout le moins une faute réelle et sérieuse justifiant le licenciement, le fait pour le salarié, a fortiori d'un certain niveau, de confectionner un document pour les besoins d'une revendication salariale, à partir de plusieurs documents dont certains concernant la situation d'autres salariés et en occultant des mentions déterminantes ; qu'à supposer même que le salarié ne poursuive pas, ce faisant, le but de tromper son employeur ni n'ait l'intention de frauder, le procédé consistant en la confection et l'utilisation d'un document objectivement de nature à induire en erreur l'employeur, pour les besoins d'une revendication salariale, constitue ainsi une faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié, et à tout le moins une faute réelle et sérieuse ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, au motif inopérant que M. [Y] n'aurait pas à dessein cherché à tromper son employeur et n'aurait pas eu d'intention frauduleuse, sans rechercher si son comportement, consistant à créer de toute pièce un document objectivement de nature à induire en erreur son employeur, ne constituait pas en soi une faute grave et à tout le moins une faute réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
5) ALORS QUE s'il appartient à l'employeur de prouver qu'il s'est acquitté du paiement des salaires correspondant au travail fourni par le salarié, c'est à celui-ci d'établir le montant du salaire contractuellement dû ; qu'en l'espèce, pour juger que le licenciement pour faute grave de M. [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « le fait de rajouter ladite mention manuscrite sur des documents qui sont par nature partagés par les parties, s'agissant de courriers de notification ou de contrats rédigés par l'employeur, n'est pas susceptible de tromper la vigilance de ce dernier. En effet, l'employeur qui est censé avoir en sa possession ces documents, a nécessairement les moyens de vérifier le bien fondé des revendications de son salarié, ou de s'y opposer s'il les estime non fondées » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve du droit à commissions que réclamait le salarié, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige.