COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 octobre 2022
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10558 F
Pourvoi n° Z 21-12.664
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022
La société Euroland, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-12.664 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Viatelease, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société CNER - Conseil et négoce européen en restauration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations écrites de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Euroland, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société CNER - Conseil et négoce européen en restauration, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Viatelease, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Euroland aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Euroland et la condamne à payer à la société Viatelease et à la société CNER - Conseil et négoce européen en restauration la somme de 3 000 euros chacune ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour la société Euroland.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Euroland fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR annulé le contrat de vente de matériel qu'elle avait passé le 11 juillet 2016 avec la société Viatelease et le contrat de location conclu entre les sociétés Viatelease et CNER le 12 juillet 2016, D'AVOIR condamné la société Euroland à rembourser à la société Viatelease le prix des biens financés, soit la somme de 117 818,18 € TTC, majorée des intérêts au taux légal, et D'AVOIR condamné la société Euroland à procéder à la reprise de ses deux copieurs, à ses frais, dans les locaux de la société CNER ;
1. ALORS QUE dès lors que le prix est fixé librement par les parties, le vendeur n'est pas tenu d'indiquer à l'acheteur la valeur du bien cédé, ni même que le prix est supérieur à cette valeur ; qu'en énonçant que la société Euroland avait « omis d'informer la société Viatelease que la facture émise le 11 juillet 2016 pour le montant [de 117 818,18 € TTC] comportait, à hauteur de 55 437,50 €, le prix du rachat du matériel dont disposait la société CNER », quand « l'engagement de la société Viatelease [était] effectivement conditionné par la valeur de revente des matériels loués en cas de défaillance des locataires (arrêt, p. 8, § 6 ; dans le même sens, jugement, p. 7), reprochant ainsi à la société Euroland de ne pas avoir informé sa cocontractante de la valeur du matériel cédé, à tout le moins du fait que le prix convenu était supérieur à cette valeur, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du code civil ;
2. ALORS, subsidiairement, QUE dès lors que le prix est fixé librement par les parties, le vendeur n'est pas tenu d'indiquer spontanément à l'acheteur la valeur du bien cédé, ni même que le prix est supérieur à cette valeur ; qu'en énonçant que la société Euroland avait « omis d'informer la société Viatelease que la facture émise le 11 juillet 2016 pour le montant [de 117 818,18 € TTC] comportait, à hauteur de 55 437,50 €, le prix du rachat du matériel dont disposait la société CNER », quand « l'engagement de la société Viatelease [était] effectivement conditionné par la valeur de revente des matériels loués en cas de défaillance des locataires (arrêt, p. 8, § 6 ; dans le même sens, jugement, p. 7), reprochant ainsi à la société Euroland de ne pas avoir informé sa cocontractante de la valeur du matériel cédé, à tout le moins du fait que le prix convenu était supérieur à cette valeur, cependant que la société Euroland soulignait que la société Viatelease ne l'avait pas interrogée sur cette valeur (conclusions, p. 11), la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du code civil ;
3. ALORS, plus subsidiairement, QUE dès lors que le prix est fixé librement par les parties, le vendeur n'est pas tenu d'indiquer spontanément à l'acheteur la valeur du bien cédé, ni même que le prix est supérieur à cette valeur ; qu'en énonçant que la société Euroland avait « omis d'informer la société Viatelease que la facture émise le 11 juillet 2016 pour le montant [de 117 818,18 € TTC] comportait, à hauteur de 55 437,50 €, le prix du rachat du matériel dont disposait la société CNER », quand « l'engagement de la société Viatelease [était] effectivement conditionné par la valeur de revente des matériels loués en cas de défaillance des locataires (arrêt, p. 8, § 6 ; dans le même sens, jugement, p. 7), reprochant ainsi à la société Euroland de ne pas avoir informé sa cocontractante de la valeur du matériel qu'elle lui vendait, à tout le moins du fait que le prix convenu était supérieur à cette valeur, sans rechercher si, comme le soulignait la société Euroland (conclusions, p. 11), la société Viatelease ne l'avait aucunement interrogée sur cette valeur (conclusions, p. 11), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble de l'article 1591 du code civil ;
4. ALORS QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en énonçant que la société Euroland avait « omis d'informer la société Viatelease que la facture émise le 11 juillet 2016 pour le montant [de 117 818,18 € TTC] comportait, à hauteur de 55 437,50 €, le prix du rachat du matériel dont disposait la société CNER », quand « l'engagement de la société Viatelease [était] effectivement conditionné par la valeur de revente des matériels loués en cas de défaillance des locataires (arrêt, p. 8, § 6 ; dans le même sens, jugement, p. 7), reprochant ainsi à la société Euroland de ne pas avoir informé sa cocontractante de la valeur du matériel qu'elle lui vendait, à tout le moins du fait que le prix convenu était supérieur à cette valeur, sans rechercher si, comme le soulignait la société Euroland (conclusions, p. 9 et 10), la société Viatelease disposait en son sein du personnel compétent pour déterminer la valeur du matériel qu'elle lui vendait, de sorte qu'elle n'avait pas pu l'ignorer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble de l'article 1591 du code civil ;
5. ALORS, en tout état de cause, QUE la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer ; que le vendeur n'est pas tenu d'indiquer à l'acheteur l'usage qu'il entend faire de tout ou partie du prix ; qu'en reprochant à la société Euroland d'avoir « omis d'informer la société Viatelease que la facture émise le 11 juillet 2016 pour le montant [de 117 818,18 € TTC] comportait, à hauteur de 55 437,50 €, le prix du rachat du matériel dont disposait la société CNER » (arrêt, p. 8, § 6 ; dans le même sens, jugement, p. 7), cependant que cette facture indiquait que la somme de 117 818,18 € TTC correspondait au prix d'acquisition de deux copieurs, et que la société Euroland n'était aucunement tenue d'informer, spontanément qui plus est, la société Viatelease qu'elle entendait, par ailleurs, verser à la société CNER la somme permettant à celle-ci de rompre le contrat de location financière dans lequel elle était encore engagée avec un tiers, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1582 du même code ;
6. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que la société Euroland était mal fondée à soutenir qu'il appartenait à la société Viatelease de s'informer « sur l'existence d'une opération de solde compte tenu de l'usage très répandu de cette pratique », aux motifs que « la société Viatelease a[vait] acquis le matériel au vu d'une facture ayant pour unique objet les « deux copieurs develop ineo+308E » (arrêt, p. 8, antépénultième §), cependant que la société Euroland n'avait pas l'obligation de mentionner, sur la facture constatant la vente de matériel par la société Euroland à la société Viatelease, l'existence d'un éventuel accord avec la société CNER pour aider celle-ci à « solder » le contrat de location financière dans lequel elle était jusqu'alors engagée avec un tiers, la cour d'appel a violé l'article 1582 du code civil, ensemble l'article L. 441-3 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;
7. ALORS QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ; que la société Euroland soutenait qu'elle n'avait pas informé la société Viatelease de l'existence de l'accord passé avec la société CNER pour aider celle-ci à « solder » le contrat de location financière dans lequel elle était jusqu'alors engagée, car cette opération est très banale dans le secteur de la location de photocopieurs et qu'elle n'avait pas été interrogée sur ce point par la société Viatelease (conclusions, p. 12, sept derniers §) ; qu'elle en déduisait que son silence sur cette circonstance ne résultait pas d'une intention dolosive ; qu'en ne caractérisant pas une telle intention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)La société Euroland fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR annulé le contrat de location passé entre les sociétés Viatelease et CNER le 12 juillet 2016, D'AVOIR condamné la société Euroland à rembourser à la société Viatelease le prix des biens financés, soit la somme de 117 818,18 € TTC, majorée des intérêts au taux légal, et D'AVOIR condamné la société Euroland à procéder à la reprise de ses deux copieurs, à ses frais, dans les locaux de la société CNER ;
1. ALORS QUE les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et l'anéantissement de l'un quelconque des contrats interdépendants entraîne la caducité des autres ; que dès lors, en énonçant que « la nullité du contrat d'achat du matériel conclu entre la société Viatelease et la société Euroland conduit à annuler le contrat de location financière conclu entre la société Viatelease et la société CNER, puisque la société Viatelease n'a pas pu consentir une location financière sur un matériel ne lui appartenant pas » (arrêt, p. 9, § 1), au lieu de prononcer la caducité du contrat de location, les juges du fond ont violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2. ALORS, en tout état de cause, QUE le bail de la chose d'autrui n'est pas nul, mais inopposable au propriétaire ; qu'il produit en principe ses effets dans les rapports entre le bailleur et le preneur ; que dès lors, en en annulant le contrat de location financière conclu entre la société Viatelease et la société CNER, aux motifs que « la société Viatelease n'a pas pu consentir une location financière sur un matériel ne lui appartenant pas » (arrêt, p. 9, § 1), les juges du fond ont violé l'article 1713 du code civil ;
3. ALORS QUE les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et l'anéantissement de l'un quelconque des contrats interdépendants entraîne la caducité des autres ; que, par motifs très éventuellement adoptés, en conséquence de l'annulation du contrat de vente passé entre les sociétés Euroland et Viatelease, la cour d'appel a annulé le contrat de location financière conclu entre les sociétés Viatelease et CNER « pour défaut de cause » (jugement, p. 7, antépénultième §) ; qu'en statuant de la sorte, au lieu de déclarer caduque cette convention de location, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1134 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4. ALORS, en tout état de cause, QUE l'existence de la cause s'apprécie au moment de la formation du contrat ; que, par motifs très éventuellement adoptés, en conséquence de l'annulation du contrat de vente passé entre les sociétés Euroland et Viatelease, la cour d'appel a annulé le contrat de location financière conclu entre les sociétés Viatelease et CNER « pour défaut de cause » (jugement, p. 7, antépénultième §) ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1591 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
La société Euroland fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 octobre 2018 en ce qu'il avait condamné la société CNER à verser la somme de 55 437,50 € à la société Euroland et, statuant de nouveau de ce chef, D'AVOIR débouté la société Euroland de sa demande de condamnation de la société CNER au paiement de la somme de 55 437,50 € ;
ALORS QU'en relevant d'office que la société Euroland ne justifiait pas avoir versé à la société CNER la somme de 55 437,50 € dont elle réclamait le remboursement, remboursement qui lui avait été accordé en première instance, et ne prouvait donc pas détenir une créance à ce titre contre la société CNER, sans qu'il ressorte de la procédure que les parties aient été invitées à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences du contradictoire, partant, a violé les article 16 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.