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28/09/2022 | FRANCE | N°21-12349

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 21-12349


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

M. RICOUR, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 1055 F-D

Pourvoi n° H 21-12.349

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société Dist

ribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-12.349 contre l'arrêt rendu le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

M. RICOUR, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 1055 F-D

Pourvoi n° H 21-12.349

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-12.349 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [D] [C], domiciliée [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Distribution Casino France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], de Mme [C], après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Ricour, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Laplume, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 décembre 2020), M. et Mme [C] (les cogérants) ont régularisé le 10 janvier 2003 avec la société Distribution Casino France (la société), un contrat de cogérance non salariée par lequel ils se sont vus confier la gestion et l'exploitation d'un magasin Petit Casino à [Localité 4].

2. Un nouveau contrat de cogérance non salariée a été signé entre les cogérants et la société le 12 juin 2012, prévoyant la gestion d'un magasin sous l'enseigne Petit Casino, [Adresse 5]. En cours d'exécution du contrat, le magasin a été exploité sous l'enseigne Leader Price Express.

3. Le 24 juin 2016, la société a notifié aux cogérants la rupture de leur contrat en raison de la fermeture définitive du magasin qu'ils exploitaient et de leur refus de trois propositions de reclassement dans d'autres succursales.

4. Le 19 juillet 2016, les cogérants ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner payer à payer à M. [C] la somme de 1 412,25 euros à titre de remboursement des charges locatives prélevées sur le bulletin de commission de juin 2016, alors « que l'article 29 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" du 18 juillet 1963 prévoit que Le logement est assuré gratuitement à tous les gérants mandataires non-salariés et ne peut venir sous aucune forme en déduction du minimum garanti ou du montant des commissions. À défaut de logement gratuit, les gérants mandataires non-salariés recevront une indemnité compensatrice et forfaitaire négociée paritairement. Cette indemnité n'est toutefois pas due lorsque les gérants mandataires non-salariés renoncent expressément au logement mis à leur disposition pour des motifs qui leur sont personnels. Les charges et taxes incombant normalement aux propriétaires sont supportées par les sociétés qu'elles soient ou non propriétaires des locaux" ; que ce texte n'interdit pas le paiement par les gérants mandataires de charges et taxes autres que celles incombant normalement aux propriétaires, telles les charges locatives comprenant notamment des frais d'électricité, de chauffage ou la taxe d'habitation ; qu'il n'interdit pas davantage que ces charges locatives soient mises à la charge des gérants mandataires par le moyen d'une retenue sur commission ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 29 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" :

7. Il résulte de ce texte que le logement est assuré gratuitement à tous les gérants mandataires non salariés et ne peut venir sous aucune forme en déduction du minimum garanti ou du montant des commissions et que les charges et taxes incombant normalement aux propriétaires sont supportées par les sociétés qu'elles soient ou non propriétaires des locaux.

8. Pour condamner la société à payer à M. [C] une somme à titre de remboursement des charges locatives prélevées sur le bulletin de commission de juin 2016, l'arrêt retient que le contrat de gérance non salariée conclu entre les parties n'est pas conforme à l'article 29, s'agissant notamment de la charge des taxes afférentes puisqu'il ne reprend pas la même formule mais prévoit les frais d'éclairage, de chauffage et de consommation d'eau dudit logement, ainsi que toutes les taxes afférentes dont notamment la taxe d'habitation, seront intégralement à la charge des cogérants mandataires non salariés, que dès lors que les charges et taxes prises en charge sont celles incombant aux propriétaires et qu'il est stipulé la gratuité du logement, outre l'interdiction de déduction sur les commissions, la société Distribution Casino France n'était pas fondée à prévoir de prétendues charges locatives récupérables et encore moins à procéder à une retenue sur commission.

9. En statuant ainsi, alors que l'article 29 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 interdit seulement que les charges incombant normalement au propriétaire soient mises à la charge des gérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Distribution Casino France à payer à M. [C] la somme de 1 412,25 euros à titre de remboursement des charges locatives prélevées sur le bulletin de commission de juin 2016, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Van Ruymbeke, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président et conseiller rapporteur empêché, en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Distribution Casino France fait grief à la décision attaquée d'AVOIR requalifié le contrat de co-gérance en contrats individuels de travail entre d'une part la SAS Distribution Casino France et M. [Y] [C], et d'autre part la SAS Distribution Casino France et Mme [D] [C], à compter de février 2015, d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à payer à M. [Y] [C] et à Mme [D] [C], chacun 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail, 34 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à payer à M. [Y] [C] la somme de 1336,95 € à titre de remboursement des retraits abusifs effectués sur les commissions outre 133,69 € à titre de congés payés afférents ;

1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce dans leurs conclusions d'appel du 29 novembre 2018, visées par la cour d'appel, les époux [C] demandaient la requalification de leur contrat de cogérance mandataire non-salariée depuis l'origine des relations contractuelles, et non pas à compter d'un changement d'enseigne en février 2015 ; qu'ils ne faisaient pas valoir qu'il s'en était suivi une modification de leur mandat et une perte de la maîtrise de leurs conditions de travail justifiant la requalification à compter de cette date ; qu'en retenant que la requalification en contrats de travail devait être prononcée à compter de février 2015 parce que, à l'occasion du changement d'enseigne, « les époux [C] ont perdu dans les faits la maîtrise de leurs conditions de travail par une immixtion de leur mandante dans la gestion de leur commerce » et que « dans les faits, les époux [C] ont perdu, à compter de février 2015, la maîtrise de leurs conditions de travail puisque les modalités d'exploitation du magasin et de leur rémunération ont été unilatéralement et significativement modifiées par leur mandant, sans qu'ils ne puissent s'y opposer et poursuivre la gérance aux conditions contractuellement définies de sorte qu'ils ont été de facto amenés à partir de cette date à travailler dans un autre type de succursale que celle confiée en gérance à des conditions différentes imposées par la société Distribution Casino France » (arrêt pages 11 et 12), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant en l'espèce d'office qu'à l'occasion du changement d'enseigne en 2015, « les époux [C] ont perdu dans les faits la maîtrise de leurs conditions de travail par une immixtion de leur mandante dans la gestion de leur commerce » et que « dans les faits, les époux [C] ont perdu, à compter de février 2015, la maîtrise de leurs conditions de travail puisque les modalités d'exploitation du magasin et de leur rémunération ont été unilatéralement et significativement modifiées par leur mandant, sans qu'ils ne puissent s'y opposer et poursuivre la gérance aux conditions contractuellement définies de sorte qu'ils ont été de facto amenés à partir de cette date à travailler dans un autre type de succursale que celle confiée en gérance à des conditions différentes imposées par la société Distribution Casino France » (arrêt pages 11 et 12), la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à faire valoir leurs observations sur les modifications qui auraient été induites par le changement d'enseigne et leurs conséquences sur la qualification des relations contractuelles entre les époux [C] et la société Distribution Casino France, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QU'est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a prononcé la requalification du contrat de gérance non salariée en contrats de travail à compter de février 2015, époque du changement d'enseigne, en affirmant qu'« il est établi que les époux [C] ont perdu dans les faits la maîtrise de leurs conditions de travail par une immixtion de leur mandante dans la gestion de leur commerce » ; que cependant la cour d'appel n'a pas caractérisé l'impossibilité pour les époux [C] de fixer leurs conditions de travail ni l'existence d'un lien de subordination, mais a seulement affirmé que le changement unilatéral d'enseigne s'était accompagné d'une baisse significative du nombre de références produits pouvant être commandées avec un impact sur la fréquentation du magasin et le chiffre d'affaires, ce qui aurait emporté une modification unilatérale et significative de l'économie du contrat s'agissant notamment d'une de ses stipulations essentielles relatives au commissionnement des gérants non-salariés, qui est fonction du chiffre d'affaires et dès lors, dépendant directement de l'assortiment de produits du magasin, ajoutant que la requalification était justifiée du fait d'un tel changement significatif des conditions économiques d'exploitation du magasin par une modification unilatérale de positionnement de gamme du magasin confié en gérance, une perte de maîtrise des conditions de travail ayant été subie « puisque les modalités d'exploitation du magasin et de leur rémunération ont été unilatéralement et significativement modifiées par leur mandant, sans qu'ils ne puissent s'y opposer et poursuivre la gérance aux conditions contractuellement définies de sorte qu'ils ont été de facto amenés à partir de cette date à travailler dans un autre type de succursale que celle confiée en gérance à des conditions différentes imposées par la société Distribution Casino France » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a confondu la possibilité pour les gérants de fixer les conditions de leur travail et les modalités économiques et commerciales de l'exploitation de la succursale, a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail ;

4) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a tout au plus visé un échange de courriels entre les parties dont il ressortait selon elle que la société Distribution Casino France ne contestait pas la « réduction de l'assortiment du magasin » du fait de la baisse du nombre de références produits pouvant être commandés depuis le changement d'enseigne ; qu'elle n'a cependant visé aucune pièce pour justifier la réalité d'un impact sur les modalités d'exploitation du magasin et sur la rémunération des gérants pourtant reprochés à la société Distribution Casino France pour requalifier la relation contractuelle en contrats de travail ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société Distribution Casino France fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à payer à M. [Y] [C] et à Mme [D] [C], chacun, 64 297 € à titre d'heures supplémentaires, 6 429,70 € à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

1) ALORS QUE selon l'article L. 7322-1 du code du travail, l'entreprise propriétaire de la succursale de commerce de détail alimentaire n'est responsable de l'application, au profit des gérants non-salariés d'une telle succursale, des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail, que lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que « s'il est jugé pour la période antérieure à février 2015 que la société Distribution Casino France n'a pas imposé les conditions de travail, de sorte que le lien de subordination juridique caractérisant l'existence d'un contrat de travail n'était pas jusqu'à cette date caractérisé, ses demandes adressées aux gérants non-salariés, concernant les horaires d'ouverture et de fermeture des succursales, de se conformer aux coutumes locales ainsi que cela ressort des contrats de co-gérance non salariée et la diffusion par ses soins des horaires d'ouverture des commerces sur son site internet permettent de caractériser une vérification du respect de l'amplitude horaire dans le cadre du service organisé de succursales qu'elle dirige de sorte qu'il apparait que le respect de l'amplitude horaire était soumis à son accord » ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne suffisant pas à caractériser que les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, concernant particulièrement les temps de travail, avaient été soumises à l'accord de la société Distribution Casino France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7322-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE l'article L. 7322-1 du code du travail, tel qu'interprété par la jurisprudence de la chambre sociale, en ce qu'il impose à l'entreprise propriétaire de la succursale, nonobstant l'interdiction statuaire pesant sur elle de contrôler le temps de travail des gérants non-salariés, de justifier des horaires effectivement réalisés par ceux-ci, aux seuls prétextes qu'elle leur adresse des demandes concernant les horaires d'ouverture et de fermeture des succursales, de se conformer aux coutumes locales et qu'elle assure la diffusion des horaires d'ouverture du commerce sur son site internet, porte atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et au principe d'égalité devant la justice qui sont garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'interprétation donnée à cet article par la Cour de cassation, qui découlera de la transmission de la QPC formulée sur ce point (n° G 21-10.257), entrainera l'annulation de l'arrêt attaqué ;

3) ALORS à tout le moins QU'en vertu du principe de l'égalité des armes, qui constitue un élément du droit au procès équitable, chaque partie au procès doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires ; que l'article L. 7322-2 du code du travail interdit à la société propriétaire de la succursale de déterminer et de contrôler les heures de travail effectuées par ses gérants mandataires non-salariés ; qu'en faisant application à la société Casino de l'article L. 3171-4 du code du travail et en imposant ainsi à cette société qu'elle fournisse des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par ces gérants non-salariés, horaires qu'il lui est pourtant interdit de fixer et de contrôler, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

4) ALORS subsidiairement QUE l'application de l'article L. 3171-4 du code du travail repose sur le postulat qu'un employeur a l'obligation de décompter et de contrôler le temps de travail de ses salariés ; qu'une telle obligation est exclue de la part de l'entreprise propriétaire de la succursale à l'égard du temps de travail des gérants non-salariés par l'article L 7322-2 du code du travail qui prévoit qu'« Est gérant non-salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité » ; qu'en faisant application des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail aux cogérants non-salariés, puis en reprochant à la société Casino de ne pas justifier des heures de travail effectivement réalisées par ses cogérants quand il était précisément interdit à la société Casino de contrôler la durée du travail des cogérants, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-4 et L. 7322-2 du code du travail.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société Distribution Casino France fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à payer à M. [Y] [C] la somme de 1412,25 € à titre de remboursement des charges locatives prélevées sur le bulletin de commission de juin 2016 ;

ALORS QUE l'article 29 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" du 18 juillet 1963 prévoit que « Le logement est assuré gratuitement à tous les gérants mandataires non-salariés et ne peut venir sous aucune forme en déduction du minimum garanti ou du montant des commissions. À défaut de logement gratuit, les gérants mandataires non-salariés recevront une indemnité compensatrice et forfaitaire négociée paritairement. Cette indemnité n'est toutefois pas due lorsque les gérants mandataires non-salariés renoncent expressément au logement mis à leur disposition pour des motifs qui leur sont personnels. Les charges et taxes incombant normalement aux propriétaires sont supportées par les sociétés qu'elles soient ou non propriétaires des locaux » ; que ce texte n'interdit pas le paiement par les gérants mandataires de charges et taxes autres que celles incombant normalement aux propriétaires, telles les charges locatives comprenant notamment des frais d'électricité, de chauffage ou la taxe d'habitation ; qu'il n'interdit pas davantage que ces charges locatives soient mises à la charge des gérants mandataires par le moyen d'une retenue sur commission ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société Distribution Casino France fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à payer à M. [Y] [C] et à Mme [D] [C], chacun 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les époux [C] sollicitaient la condamnation de la société Distribution Casino France à payer des dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat en faisant seulement valoir que « selon l'article L. 1222-1 du code du travail, « le contrat de travail est exécuté de bonne foi » » sans invoquer le changement d'enseigne et ses conséquences (conclusions adverses page 24) ; que cependant, la cour d'appel a fondé la condamnation au paiement de dommages et intérêts sur le fait que la société Distribution Casino France avait « imposé unilatéralement un changement de gamme dans la succursale confiée par le passage à une enseigne de Hard Discount avec d'importantes conséquences sur la clientèle, l'assortiment du magasin, le chiffre d'affaires et les conditions d'exploitation » et que « cette modification unilatérale et abusive a créé un préjudice financier et moral conséquent à chacun des consorts [C] justement évalué à 10 000 euros » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en condamnant la société Distribution Casino France à payer des dommages et intérêts au motif soulevé d'office qu'elle avait « imposé unilatéralement un changement de gamme dans la succursale confiée par le passage à une enseigne de Hard Discount avec d'importantes conséquences sur la clientèle, l'assortiment du magasin, le chiffre d'affaires et les conditions d'exploitation » et que « cette modification unilatérale et abusive a créé un préjudice financier et moral conséquent à chacun des consorts [C] justement évalué à 10 000 euros », sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur le caractère fautif du changement d'enseigne et ses conséquences dommageables pour les mandataires, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-12349
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°21-12349


Composition du Tribunal
Président : M. Ricour (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12349
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