LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. PION, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 1045 F-D
Pourvoi n° J 20-22.283
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
M. [V] [K], domicilié [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° J 20-22.283 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 4], pris en son établissement de La Poste dot colis Sud-Est, sis [Adresse 1], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pion, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pion, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 413-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 septembre 2020), M. [K], engagé par la société La Poste en qualité d'agent de traitement des colis à compter du 1er janvier 1991, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 2 janvier 2015.
2. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour inaptitude et absence de possibilités de reclassement notifié le 2 janvier 2015 repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires, alors « qu'il résulte de l'article 5.2.3.3 de la réglementation des ressources humaines de ''La Poste'' relative à la gestion de l'aptitude médicale avec réserves et de l'inaptitude dans sa rédaction applicable à compter du 1er juin 2011 qu'en cas d'inaptitude résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, après que la commission pluridisciplinaire ait déterminé les propositions de reclassement possibles conformes à l'état de santé du salarié, la commission consultative paritaire doit être saisie pour avis, sur ces propositions et plus généralement sur les possibilités de reclassement du salarié ; que cet avis doit donc être recueilli avant l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que cette réglementation avait été respectée et que le licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement était justifié, la cour d'appel a relevé que la commission consultative paritaire s'était réunie le 8 décembre 2014 et qu'elle aurait fait le constat de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait constaté que le salarié déclaré inapte à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail avait été convoqué le 5 novembre 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le seul avis émis par la commission consultative paritaire avait été recueilli après l'engagement de la procédure de licenciement, a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel, qui a constaté que la commission consultative paritaire avait été convoquée pour constater l'absence de proposition de reclassement, pour une réunion du 19 août 2014, puis le 20 août 2014 pour une réunion du 3 septembre, puis à nouveau le 21 novembre 2014 pour une réunion le 8 décembre, n'encourt pas le grief du moyen.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater que l'employeur détenait au jour de la rupture du contrat de travail une créance de 13 379,03 euros au titre du maintien de salaire indûment versé à compter de la date de consolidation soit le 11 mars 2011, de dire que la compensation opérée sur le solde de tout compte selon reçu du 11 février 2015 à hauteur de cette somme est licite et de dire que cet arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, alors « qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en constatant que la société ''La Poste'' détenait au jour de la rupture du contrat de travail une créance de 13 379, 03 € au titre du maintien de salaire prétendument indu à compter de la date de consolidation soit le 11 mars 2011, cependant que le salarié invoquait et produisait aux débats un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 novembre 2013 ayant fixé la date de consolidation du salarié au 31 décembre 2011, la cour d'appel a dénaturé par omission ce jugement en violation du principe en vertu duquel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
7. Pour dire que la compensation opérée par l'employeur sur le solde de tout compte selon reçu du 11 février 2015 à hauteur de 13 379,03 euros est licite, l'arrêt retient que le salarié, victime d'un accident du travail le 22 avril 2009, a bénéficié d'une prise en charge intégrale par la sécurité sociale, que la caisse primaire d'assurance maladie a fixé la consolidation au 11 mars 2011, que le salarié dûment informé de cette décision n'a pas avisé l'employeur, qui a continué, dans le cadre de la subrogation, à lui verser intégralement son salaire alors qu'il ne bénéficiait plus du maintien intégral de sa rémunération. L'arrêt en déduit qu'est née une créance de 13 379,03 euros exclusivement générée par un trop perçu.
18. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur le jugement du 28 novembre 2013, versé aux débats, qui fixait la date de consolidation au 31 décembre 2011, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que le licenciement pour inaptitude et absence de possibilités de reclassement notifié le 2 janvier 2015 repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute M. [K] de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires, l'arrêt rendu le 8 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [V] [K] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que son licenciement pour inaptitude et absence de possibilités de reclassement notifié le 2 janvier 2015 repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article 5.2.3.3 de la réglementation des ressources humaines de « La Poste » relative à la gestion de l'aptitude médicale avec réserves et de l'inaptitude dans sa rédaction applicable à compter du 1er juin 2011 qu'en cas d'inaptitude résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, après que la commission pluridisciplinaire ait déterminé les propositions de reclassement possibles conformes à l'état de santé du salarié, la commission consultative paritaire doit être saisie pour avis, sur ces propositions et plus généralement sur les possibilités de reclassement du salarié ; que cet avis doit donc être recueilli avant l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que cette réglementation avait été respectée et que le licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement était justifié, la cour d'appel a relevé que la Commission consultative Paritaire s'était réunie le 8 décembre 2014 et qu'elle aurait fait le constat de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait constaté que le salarié déclaré inapte à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail avait été convoqué le 5 novembre 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le seul avis émis par la Commission consultative paritaire avait été recueilli après l'engagement de la procédure de licenciement, a violé le texte susvisé ;
2) ALORS QU'au demeurant, il résulte des termes clairs et précis du compte-rendu de la Commission Consultative Paritaire du 8 décembre 2014 que cette commission n'a pas été consultée sur les possibilités de reclassement du salarié mais sur le projet de « licenciement pour inaptitude constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle le reclassement dans le groupe s'est révélé impossible » ; qu'en retenant le contraire pour dire que les dispositions particulières applicables aux salariés de La Poste avaient été respectées, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document et partant le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3) ALORS QUE lorsqu'un salarié victime d'un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit rechercher et lui proposer un emploi approprié à ses capacités, au besoin en mettant en oeuvre des mesures telles que mutation, transformation de poste ou aménagement du temps de travail ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié justifié, la cour d'appel a énoncé en substance que l'employeur avait recherché en interne et au sein du groupe auquel il appartient les postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail et que ces préconisations réduisaient considérablement la capacité de travail du salarié ; qu'en statuant ainsi, sans préciser si les recherches effectuées par la société La Poste avaient impliqué la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. [V] [K] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la société « La Poste » détenait au jour de la rupture du contrat de travail une créance de 13 379,03 € au titre du maintien de salaire indûment versé à compter de la date de consolidation soit le 11 mars 2011, d'avoir dit que la compensation opérée sur le solde de tout compte selon reçu du 11 février 2015 à hauteur de 13 379,03€ est licite et d'avoir dit que cet arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
1) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige ;
qu'en l'espèce, la société La Poste revendiquait elle-même dans ses écritures d'appel avoir opéré une retenue d'un montant de 13 891,76 € sur les sommes mentionnées sur le solde de tout compte ; qu'en jugeant que la compensation opérée par l'employeur à hauteur de 13 379,03€ sur le solde de tout compte était licite, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en constatant que la société « La Poste » détenait au jour de la rupture du contrat de travail une créance de 13 379, 03 € au titre du maintien de salaire prétendument indu à compter de la date de consolidation soit le 11 mars 2011, cependant que le salarié invoquait et produisait aux débats un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 novembre 2013 (pièce n°52 de son bordereau de pièces) ayant fixé la date de consolidation du salarié au 31 décembre 2011, la cour d'appel a dénaturé par omission ce jugement en violation du principe en vertu duquel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
3) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se déduit pas du silence ou de l'absence de contestation de son titulaire ; qu'en l'espèce, pour dire que la société La Poste détenait au jour de la rupture du contrat de travail une créance de 13 379,03 € au titre du maintien de salaire soi-disant indûment versé à compter de la date de consolidation et dire que la compensation opérée sur le solde de tout compte selon reçu du 11 février 2015 à hauteur de 13 379,03€ était licite, la cour d'appel a énoncé que l'employeur avait informé le salarié de la compensation opérée sans que le salarié ne conteste ni le montant dû ni le principe ; qu'en statuant ainsi, quand le silence gardé par le salarié lors de la remise de son solde de tout compte ne pouvait valoir renonciation à contester la compensation opérée, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
4) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant licite la compensation opérée sur les sommes mentionnées sur le solde de tout compte, sans répondre aux écritures d'appel du salarié (page 12) qui faisaient valoir, relevés bancaires à l'appui (pièce n°11 de son bordereau de pièces) qu'en toute hypothèse, la retenue opérée de fait par l'employeur sur les sommes mentionnées sur le solde de tout compte excédait la créance au titre du maintien de salaire prétendument indu, l'employeur n'ayant jamais versé au salarié l'intégralité de la différence entre les deux montants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.