CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10482 F
Pourvoi n° Z 20-23.677
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [H] [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 juin 2021.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [G] [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 mai 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022
Mme [D] [C], divorcée [F], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Z 20-23.677 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [V] [C], divorcée [E], domiciliée [Adresse 1],
3°/ à Mme [L] [C], épouse [U], domiciliée [Adresse 6],
4°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 5],
5°/ à M. [G] [C], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [D] [C], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de MM. [Z], [H] et [G] [C] et de Mmes [V] et [L] [C], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [D] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme [D] [C]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'exposante fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR révoqué la donation-partage en date du 29 mai 2007 accordée par sa mère, Mme [O] [C], et en conséquence, d'AVOIR dit qu'elle devait rapporter à la succession de Mme [O] [C] la somme de 23.000 € reçue au titre de cette donation avec charges non satisfaites ;
1°) ALORS QUE la donation entre vifs avec charges ne peut être révoquée que s'il est démontré que ces charges n'ont pas été exécutées ; qu'en l'espèce, Mme [O] [C] a consenti à sa fille une donation d'un montant de 23.000 € avec charge de construire dans un délai de dix mois une maison pour l'y loger et veiller sur elle sa vie durant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté elle-même qu'il résultait « des écritures des parties, concordantes sur ce point, que du 1er avril 2008 au mois de décembre de la même année, Mme [D] [C] a accueilli sa mère à son domicile, dans la maisonnette construite à cet effet sur son terrain », et qu'après son départ en EHPAD, du fait de la dégradation de son état de santé (arrêt p. 7, § 2) -, « Mme [D] [C] a toujours été très présente auprès de sa mère » (arrêt p. 7, § 4) et que Mme [D] [C] et son compagnon ont été les seuls membres de la famille à lui rendre visite, et ce, au moins trois fois par semaine (arrêt p. 7, § 5), la cour d'appel ne pouvait révoquer la donation en retenant une importante inexécution des charges de la part de Mme [D] [C], quand il ressortait de ses constatations le respect par la donataire des obligations de construction de logement, et celle « de veiller sur elle sa vie durant » qui s'était poursuivie après l'intégration de sa mère en EHPAD, pour des raisons médicales ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 953, 954 et 1103 du code civil ;
2°) ALORS QUE le contrat tient lieu de loi entre les parties et s'impose aussi bien à ces dernières qu'au juge à qui il incombe d'apprécier l'inexécution des charges d'une donation au regard du but de la libéralité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir une inexécution des charges de la donation par Mme [D] [C] au motif qu'elle ne justifiait par aucun élément médical l'entrée de sa mère dans un établissement spécialisé en janvier 2009, quand il est constant et constaté qu'elle avait construit le studio où sa mère avait logé entre avril et décembre 2008, puis veillé sur elle sa vie durant, et même après son entrée en Ephad, en janvier 2009, ce que ne contredisaient pas les termes de l'acte de donation qui stipulait que la donation de 23.000 € par préciput et hors part successorale constituait une compensation « forfaitaire et définitive, quelle que soit la durée de cette obligation » et que « si pour une raison imprévisible, médicale ou autre, la donatrice devait être logée ailleurs, ou en cas de décès de la donatrice, aucun recours ne sera possible de la part ni des copartageants de Madame [F] ni de Mme [F] elle-même » ; qu'en l'état, en révoquant la donation, la cour d'appel a violé les articles 953, 954 et 1103 du code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Mme [D] [C] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande subsidiaire en restitution de la somme de 23.000 € ;
1°) ALORS QUE la révocation de la donation pour inexécution des charges dont elle est assortie opère rétroactivement de sorte que les parties doivent être replacées dans l'état où elles se seraient trouvées si la donation n'avait pas eu lieu ; qu'en l'espèce, après avoir révoqué la donation du 29 mai 2007 la cour d'appel a débouté la donataire de sa demande en restitution de la somme de 23.000 € correspondant au montant des dépenses réalisées pour construire la maisonnette destinée à sa mère en exécution de ladite donation e en retenant ce motif inopérant « que les travaux qu'elle a pu réaliser sur son bien ont enrichi son patrimoine » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand ce motif était impropre à priver Mme [D] [C] de son droit au remboursement des dépenses qu'elle avait effectuées en exécution de la donation révoquée, la cour d'appel a violé l'article 954 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge, qui révoque une donation, ne peut refuser de faire droit à la demande de la donataire en remboursement des dépenses qu'elle a déboursées pour exécuter la charge de ladite donation révoquée au prétexte d'une insuffisance des preuves qui lui sont fournies sur le montant de ladite créance; qu'en l'espèce, après avoir prononcé la révocation de la donation de Mme [O] [C] à sa fille, et avoir elle-même constaté que les parties s'accordaient sur la réalité de l'exécution de la charge de la donation par la construction de la maisonnette par la donataire qui y a accueillie la donatrice jusqu'en décembre 2008, elle ne pouvait la débouter de sa demande en paiement de la somme de 23 000 € correspondant au coût de ladite construction au prétexte qu'elle ne communiquait aucune pièce lui permettant de vérifier le montant des travaux entrepris car en se déterminant ainsi, la cour d'appel a commis un déni de justice dès lors qu'il lui appartenait d'évaluer ou de faire évaluer et de chiffrer elle-même la charge financière que Mme [D] [C] avait dû supporter en exécution de la donation révoquée ; que, ce faisant, elle a violé l'article 4 du code civil ;
3°) ALORS AUSSI QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait débouter l'exposante de sa demande concernant sa créance de 23 000 €, au prétexte que les travaux réalisés ont enrichi son patrimoine et qu'elle ne communiquait aucune pièce permettant à la cour de vérifier la réalité des travaux allégués, de leur date et de leur montant quand ni la réalité des travaux réalisés en exécution de la donation du 29 mai 2007, que la cour d'appel a révoquée, ni le montant de la créance réclamée n'était contesté dans son montant, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté qu'il résultait des écritures des parties concordantes sur ce point que, selon la charge de la donation litigieuse, Mme [C] a fait construire une maisonnette sur son terrain à effet d'y loger sa mère (p 5 alinéa 9) ne pouvait, sans se contredire, débouter Mme [D] [C] de sa demande en remboursement de la somme de 23.000€ au titre de la charge représentée par la construction d'un bâtiment en exécution de la donation révoquée au prétexte qu'il n'était pas permis « à la cour de vérifier la réalité des travaux allégués, ni la date de ceux-ci» (p 6 alinéa 2) car en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Mme [D] [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle a commis un recel successoral portant sur la somme de 116.370,57 € et, en conséquence, d'AVOIR dit qu'à raison de ce recel, elle ne peut prétendre à aucune part sur cette somme ;
1°) ALORS QUE le recel successoral ne peut être retenu à l'encontre d'un héritier qu'à condition de caractériser des faits matériels manifestant l'intention frauduleuse de porter atteinte à l'égalité du partage ; que pour dire que Mme [D] [C] a commis un recel successoral sur la somme de 116.370,57 €, la cour d'appel s'est bornée à affirmer d'une part que « la nature des achats effectués avec la carte bancaire, le nombre de retrait en espèce et l'état de santé dégradé de [O] [C] établissent qu'elle ne peut être à l'origine des mouvements de fonds opérés sur son compte » (arrêt p. 7, § 3) et, d'autre part, qu' « il est d'évidence qu'à cette époque [entre avril et décembre 2008], gérant sa mère au quotidien, [Mme [D] [C]] disposait de sa carte bancaire et avait accès à son compte » (arrêt p. 7, § 4), qu'après son entrée en Ehpad, Mme [D] [C] était « très présente auprès de sa mère » (arrêt p. 7, § 4) et qu'il se déduisait de la révocation de la procuration du 29 août 2007 que Mme [O] [C] nourrissait des soupçons à l'égard de sa fille (arrêt p. 7, § 6), pour en déduire qu'il y a lieu de lui imputer l'ensemble des mouvements litigieux relevés par les consorts [C] de 2007 à 2014, quand ces affirmations étaient impropres à caractériser les faits matériels imputables à Mme [D] [C] ni à manifester son intention de porter atteinte aux droits de ses cohéritiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 778 et 843 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'héritier qui s'estime lésé par un recel successoral doit rapporter la preuve de l'existence de faits matériels manifestant l'intention frauduleuse d'un cohéritier de porter atteinte à l'égalité du partage, ce que le juge doit constater ; qu'en jugeant Mme [D] [C] coupable de recel successoral à hauteur de 116.370,57 € sur la base de simples suppositions et suspicions des consorts [C] qui se sont bornés à surligner sur les extraits de comptes de Mme [O] [C] les dépenses en litige, sans produire la moindre pièce au débat contradictoire démontrant que Mme [D] [C] était à leur initiative et surtout, qu'elle en avait bénéficié à titre personnel, et ce, dans l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage de la succession ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a déchargé les consorts [C] de la charge de preuve, a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge est lié par l'objet du litige tel que fixé par les prétentions et les moyens des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « les retraits et paiements par carte bancaire litigieux s'élèvent à la somme de 116.370,57 € », qu'elle a imputés à Mme [D] [C] au prétexte qu'elle « disposait de sa carte bancaire et avait accès à son compte », quand il ressortait des conclusions des parties que le débat sur le recel successoral pour un montant total de 116.370,57 € portait non seulement sur des retraits ou des paiements par carte bancaire, mais également sur des mouvements issus de virements et de chèques sur lesquels Mme [D] [C] apportait toute justification, de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel d'examiner dans le détail les mouvements litigieux ; qu'en ne le faisant pas, et qu'en limitant artificiellement le débat aux seuls paiements et retraits par carte bleue, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;