LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 21-87.417 F-D
N° 01016
21 JUIN 2022
ODVS
NON LIEU À RENVOI
Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 JUIN 2022
M. [H] [T] a présenté, par mémoire spécial reçu le 1er avril 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 24 novembre 2021, qui, pour escroquerie et complicité de détournement de biens publics, l'a condamné, notamment, à cinq ans d'interdiction de la profession d'avocat ou de conseil juridique, avec exécution provisoire.
Des observations complémentaires ont été produites.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [H] [T], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 471 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas de garanties particulières préalables à la décision des juridictions correctionnelles d'assortir de l'exécution provisoire la peine complémentaire d'interdiction d'exercer la profession avocat, quand le législateur a lui-même reconnu que le particularisme de l'interdiction d'exercice de cette profession justifiait la mise en place de règles spécifiques, l'article 138, 12°, du même code soumettant à des règles dérogatoires le prononcé d'une interdiction d'exercer la profession d'avocat dans le cadre d'un contrôle judiciaire, méconnaissent-elles le principe de nécessité des peines, le principe de la présomption d'innocence, les droits de la défense et le principe d'égalité devant la loi et devant la justice, tels qu'ils sont protégés par les articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et sont-elles entachées d'incompétence négative ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
5. En premier lieu, la faculté accordée à la juridiction de jugement d'assortir de l'exécution provisoire la peine complémentaire d'interdiction professionnelle, telle celle d'exercer la profession d'avocat, répond à l'objectif d'intérêt général de prévention de la récidive et assure une juste conciliation entre, d'une part, les principes et droits invoqués par le demandeur, d'autre part, les objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de bonne administration de la justice.
6. En second lieu, ces mêmes principes et droits ne s'opposent pas à l'application à tout justiciable de traitements différents à des stades distincts de la procédure, selon qu'il est placé sous contrôle judiciaire à raison d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à une infraction, ou selon qu'il a fait l'objet d'une décision, même non définitive, rendue par une juridiction de jugement, les personnes placées dans la même situation à un même stade de la procédure étant traitées de la même manière.
PAR CES MOTIFS , la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-deux.