CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10306 F
Pourvoi n° M 21-18.172
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022
La société Les Aubins, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-18.172 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ au Conseil départemental du Val d'Oise,
2°/ au département du Val d'Oise, pris en la personne du président de son conseil départemental.
domiciliés tous deux [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Les Aubins, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du Conseil départemental du Val d'Oise et du département du Val d'Oise, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse , greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Aubins aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Les Aubins
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Les Aubins fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à constater l'absence de caducité de la promesse de vente du 22 mars 2000 et la prorogation du délai de réalisation de la vente jusqu'à la complète réalisation des engagements du conseil général du Val d'Oise, promettant, ainsi que de la demande tendant à voir ordonner que le paiement du prix soit fixé au jour de la régularisation de l'acte authentique.
1°) ALORS QUE les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; qu'en l'espèce, la société Les Aubins démontrait que la délivrance du bien prévue par la promesse impliquait la réalisation préalable par le promettant d'un bassin de rétention indispensable à la constructibilité du terrain et à sa viabilisation ; qu'en se bornant, pour juger que le conseil général du Val d'Oise n'était pas tenu de construire un bassin de rétention, à relever que les prestations dues par le conseil général étaient stipulées à l'annexe 8 de la promesse de vente, laquelle ne prévoyait pas la réalisation d'un bassin de rétention, quand elle avait elle-même constaté que la loi sur l'eau adoptée en 2004 avait engendré, pour le promettant, l'obligation de créer un bassin de rétention des eaux pluviales, de sorte que cette obligation constituait une suite que la loi donnait à son obligation de délivrance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1135 du code civil, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
2°) ET ALORS, en toute hypothèse, QUE la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée ; qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'elle soit admise, que la novation ait été exprimée en des termes formels ; qu'en l'espèce, la société Les Aubins faisait valoir qu'il ressortait de diverses délibérations du conseil général du Val d'Oise que celui-ci s'était engagé à réaliser le bassin de rétention et de la demande de permis de construire déposée par la société Les Aubins, comme du dossier de demande d'exploiter au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'Environnement (ICPE) déposé devant le Préfet que la société Les Aubins avait acté cet engagement pris par le conseil général du Val d'Oise de réaliser ledit bassin ; qu'en se contentant, pour écarter la novation, de retenir que la novation ne s'opérait, en application des dispositions de l'ancien article 1271 du code civil que de trois manières et qu'aucune de ces trois situations ne s'était produite en l'espèce, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la commune intention des parties de substituer aux engagements figurant à la promesse une convention impliquant l'obligation, pour le promettant, de réaliser le bassin de rétention, ne ressortait pas de cet ensemble d'éléments démontrant que les deux parties tenaient pour acquis l'engagement du conseil général du Val d'Oise de réaliser le bassin de rétention préalablement à la cession du tènement 3, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1271 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS ENCORE QUE lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun ; qu'en l'espèce, la société Les Aubins démontrait que la clause permettant au bénéficiaire de différer la vente en cas de non réalisation des travaux dont la réalisation était désignée comme « condition essentielle et déterminante » de l'engagement du bénéficiaire n'avait de sens que si elle imposait que l'exécution des obligations à la charge du promettant précède le consentement -et le paiement corrélatif- donné par le bénéficiaire dès lors que « la stipulation octroyant un pouvoir de différer serait (…) privée de sens et d'effet si elle autorisait de fait le Conseil général, dans l'hypothèse où il déciderait de n'amorcer aucun travaux d'aménagement, à renvoyer ainsi aux calendes grecques, sans aucune limite dans le temps, et sur sa seule et despotique volonté, la possibilité pour le bénéficiaire d'exploiter le tènement acquis définitivement et alors même que ce dernier aurait été contraint de se libérer de l'intégralité du prix de la vente en une fois » (conclusions p. 11 antépénultième alinéa) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le sens et l'intérêt que pouvait conserver la clause si l'on considérait, comme elle l'a fait, que le promettant n'était tenu de s'acquitter de ses obligations qu'une fois le prix versé ou consigné, sous la seule sanction de permettre au bénéficiaire de différer la vente définitive en cas de non réalisation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1156 et 1157 du même code, en leurs rédactions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS ENFIN QU'en retenant, pour écarter le moyen par lequel la société Les Aubins démontrait qu'en jugeant que le promettant n'était tenu de s'acquitter de ses obligations qu'une fois le prix consigné, la clause permettant au bénéficiaire de différer la vente en cas de non réalisation des travaux se trouvait privée de tout effet, que la clause imposant la consignation ne s'analysait pas en une obligation de payer le montant du prix de vente avant l'exécution des travaux par le promettant, quand la consignation, comme le paiement, correspondent au versement effectif de l'entière somme par le bénéficiaire de la promesse, de sorte qu'il n'avait plus aucun intérêt à différer la vente en cas de non réalisation des travaux, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)La société Les Aubins fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à déclarer non écrite la clause imposant la consignation du prix exigible concomitamment à la levée d'option, à constater que l'option a été régulièrement levée par le bénéficiaire et la vente parfaite et à condamner le conseil général du Val d'Oise au paiement de la somme de 793.139 euros à la société LesAubins en réparation du préjudice fiscal ;
ALORS QU'est potestative la clause autorisant le promettant à différer les travaux dont la réalisation était désignée comme « condition essentielle et déterminante » de l'engagement du bénéficiaire tout en contraignant ce dernier à consigner l'intégralité du prix de vente dès lors que le promettant peut à son seul gré, différer indéfiniment la vente après avoir contraint le bénéficiaire à consigner le prix de vente ; qu'en retenant, pour refuser de déclarer non écrite la clause de consignation du prix de vente, qu'une telle clause était usuelle dans les promesses de vente, sans rechercher, comme il lui était demandé, si elle n'avait pas pour conséquence de placer la vente dans le seul pouvoir du conseil général du Val d'Oise qui pouvait, à son seul gré, empêcher la vente en différant indéfiniment les travaux sans être contraint par un quelconque délai, le bénéficiaire ne disposant plus, en réaction, que du pouvoir de retarder la conclusion définitive de la vente dont il avait intégralement consigné le prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1174 du code civil en sa rédaction applicable au litige.