CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mai 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10371 F
Pourvoi n° J 20-22.421
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MAI 2022
Mme [H] [S], domiciliée [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire de la succession de [R] [I], décédé, a formé le pourvoi n° J 20-22.421 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [D],
2°/ à Mme [F] [D],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [D], après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [S], ès qualités de mandataire de la succession de [R] [I], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S], ès qualités, et la condamne à payer à M. et Mme [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [S], ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré l'action introduite par Mme [H] [S] à l'encontre de M. [G] [D] et de Mme [F] [D] irrecevable ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelante fonde sa demande principale exclusivement sur les dispositions de l'article 209 bis de l'ancien code de la famille et de l'aide sociale, en vigueur depuis la loi du 28 décembre 1971 jusqu'au 23 décembre 2000, selon lequel : Les personnes physiques propriétaires, administrateurs ou employés des établissements visés aux articles 95 et 203 du présent code ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par des personnes hébergées dans le ou les établissements qu'elles exploitent ou dans lesquels elles sont employées que dans les conditions fixées à l'article 909 du code civil ; que l'article 911 dudit code est, en outre, applicable aux libéralités en cause ; qu'elle vise ainsi la cession de bons du Trésor souscrits par M. [I] au profit de M. [D] ou de son épouse, tandis qu'il était résident de la Résidence du Languedoc, gérée par la Mutualité Gardoise employeur de M. [D] ; que le visa de ce texte suppose, de la part de la demanderesse, la reconnaissance qu'une libéralité a bien été consentie à M. [D] ; que celui-ci revendique de son côté un don manuel émanant de M. [I] et bénéficie d'une présomption en ce sens, dès lors qu'il a été détenteur des titres au porteur ensuite remis à son épouse et qu'un tel don, constitué par la transmission matérielle du bien avec une intention libérale, échappe à tout formalisme ; que cette présomption est confirmée par l'attestation de Mme [V] [W], également pensionnaire de la maison de retraite « Résidence du Languedoc" » à qui M. [R] [I] avait dit avoir donné des bons au porteur à M. [D] en témoignage de son affection ; qu'elle l'est également par les autres attestations produites par les intimés, les auditions auxquelles ont procédé les services de gendarmerie, le certificat médical du médecin traitant de M. [I] cité dans le procès-verbal de synthèse de l'enquête, dont il ressort que M. [I] a toujours conservé sa lucidité et toutes ses facultés mentales jusqu'à son décès, et qui ont conduit les gendarmes à conclure qu'aucun élément ne permettait d'étayer l'hypothèse selon laquelle M. [D] aurait abusé de la générosité ou de la faiblesse de M. [I] ; que le vice susceptible d'affecter cette donation, constituée par l'incapacité de M. [D] de recevoir à titre gratuit de la part d'une personne hébergée dans un établissement accueillant des personnes âgées où il était employé, est sanctionné par une nullité relative alors soumise à la prescription quinquennale de l'ancien article 1304 du code civil ; que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité se situe au jour de la libéralité, faite du vivant de M. [I] ; que la date n'en étant pas connue avec précision, il y a toutefois lieu de le reporter au jour de son décès, soit le 28 mars 2000 ;
Que l'action n'en est pas moins née du vivant de M. [I] et a été recueillie par ses légataires, parmi lesquels Mme [S], qui l'exerce non pas comme un tiers en son nom propre mais en qualité d'ayant droit du défunt dans les limites de la prescription en cours ; que l'appelante invoque un report du point de départ ou une suspension de la prescription, au visa de l'actuel article 2234 du code civil, au motif qu'elle n'a pu connaître l'encaissement des bons au porteur par les époux [D] que grâce aux suites données à l'ordonnance du 15 mars 2016 ; que, cependant, il ne peut y avoir aucun autre report du point de départ de la prescription puisque M. [I] n'ignorait pas la donation dont il était l'auteur ; que l'article 2234 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, n'est d'autre part pas en soi applicable en la cause ; qu'enfin, le délai apporté par M. et Mme [D] à encaisser les bons et le silence gardé à leur sujet après le décès de M. [I] ne peuvent constituer des causes de suspension de la prescription ; que, parmi les diligences dont se prévaut Mme [S], seule sa constitution de partie civile du 4 janvier 2004 peut avoir un effet interruptif utile de la prescription, mais elle n'a été suivie d'aucun autre acte de cette nature dans les cinq ans qui ont suivi l'ordonnance de non-lieu du 11 mai 2009 : la procédure relative aux titres Fructibon ne concerne pas les bons du Trésor, et tant l'interrogation de la CNP Assurance par lettre du 17 août 2015, la lettre de ITV du 13 janvier 2016 ou la requête au juge du tribunal d'Alès et l'ordonnance du 15 mars 2016, au demeurant unilatéraux et inopérants en la forme, sont tardifs ; qu'en conséquence, l'assignation à l'encontre des époux [D] n'ayant été délivrée que le 11 janvier 2017, c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré l'action de Mme [S] irrecevable comme prescrite et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la recevabilité de l'action, l'article 1304 du code civil dispose que les actions en nullité d'une convention se prescrivent par cinq ans ; qu'il est constant que Mme [S] agit en sa qualité d'héritière de M. [I], donateur des bons anonymes litigieux ; qu'à ce titre elle ne saurait être considérée comme un tiers à la convention ; qu'à considérer que son droit prend naissance au plus tard à la date de décès du de cujus et non à celle de la donation le point de départ du délai de prescription est de 5 ans à compter du 28/03/2000 et avait expiré à la date de l'action diligentée par la demanderesse ; qu'il y a lieu dans ces conditions de déclarer l'action introduite par Mme [S] prescrite et irrecevable ;
1) ALORS QUE la prescription de l'action en nullité pour incapacité ne commence à courir qu'à compter du jour où l'incapacité a cessé ; qu'en conséquence, la prescription de l'action en nullité d'une libéralité pour incapacité de recevoir des membres du personnel d'un établissement d'assistance aux personnes âgées ne commence à courir contre l'auteur de la libéralité qu'à compter du moment où celui-ci a quitté cet établissement ; qu'en retenant, pour dire prescrite l'action en nullité de Mme [S], que « le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité se situ[ait] au jour de la libéralité, faite du vivant de M. [I] », tandis que la prescription n'aurait pu commencer à courir contre lui qu'à compter de son départ de la maison de retraite employant M. [D], la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2) ALORS QUE la prescription de l'action en nullité d'une libéralité pour incapacité de recevoir ne commence à courir, contre les héritiers du donateur, qu'à compter du jour du décès de ce dernier ; que, pour écarter tout report du point de départ de la prescription à l'encontre de Mme [S] du fait qu'elle n'avait pu connaître l'encaissement des bons au porteur par les époux [D] que grâce aux suites données à l'ordonnance du 15 mars 2016, la cour d'appel a retenu qu' « il ne [pouvait] y avoir aucun autre report du point de départ de la prescription puisque M. [I] n'ignorait pas la donation dont il était l'auteur » ; qu'en statuant ainsi, quand l'action des héritiers en nullité d'une donation pour incapacité de recevoir est une action autonome de celle de leur auteur, la cour d'appel a méconnu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
3) ALORS QUE la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure ; qu'en conséquence, la prescription de l'action en nullité d'une donation en raison de l'incapacité de recevoir du donataire ne commence à courir, à l'encontre de l'héritier, qu'à compter du jour où il a connaissance de l'identité du donataire ; qu'en l'espèce, pour écarter tout report du point de départ de la prescription à l'encontre de Mme [S] du fait qu'elle n'avait pu connaître l'encaissement des bons au porteur par les époux [D] que grâce aux suites données à l'ordonnance du 15 mars 2016, la cour d'appel a retenu qu' « il ne [pouvait] y avoir aucun autre report du point de départ de la prescription puisque M. [I] n'ignorait pas la donation dont il était l'auteur » ; qu'en statuant ainsi, quand Mme [S] ne pouvait agir en nullité de la donation pour incapacité de recevoir de M. [D] qu'à compter du jour où elle avait eu connaissance du fait qu'il était le donataire, la cour d'appel a violé l'article 2251 ancien du code civil ;
4) ALORS QUE la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure ; qu'en conséquence, la prescription de l'action en nullité d'une donation en raison de l'incapacité de recevoir du donataire ne commence à courir, à l'encontre de l'héritier, qu'à compter du jour où il a connaissance de l'identité du donataire ; qu'en l'espèce, pour écarter tout report du point de départ de la prescription à l'encontre de Mme [S] du fait qu'elle n'avait pu connaître l'encaissement des bons au porteur par les époux [D] que grâce aux suites données à l'ordonnance du 15 mars 2016, la cour d'appel a retenu qu' « il ne [pouvait] y avoir aucun autre report du point de départ de la prescription puisque M. [I] n'ignorait pas la donation dont il était l'auteur » ; qu'en statuant ainsi, quand Mme [S] ne pouvait agir en nullité de la donation pour incapacité de recevoir de M. [D] qu'à compter du jour où elle avait eu connaissance du fait qu'il était le donataire, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil ;
5) ALORS QUE les dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile s'appliquent aux instances introduites après son entrée en vigueur ; que, pour écarter tout report du point de départ de la prescription à l'encontre de Mme [S] du fait qu'elle n'avait pu connaître l'encaissement des bons au porteur par les époux [D] que grâce aux suites données à l'ordonnance du 15 mars 2016, la cour d'appel a dit que « l'article 2234 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, n'est d'autre part pas en soi applicable en la cause » ; qu'en statuant ainsi, quand l'instance avait été introduite par une assignation en date du 11 janvier 2017 et donc postérieurement au 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 2 du code civil.