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18/05/2022 | FRANCE | N°20-13.927

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 18 mai 2022, 20-13.927


SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10441 F

Pourvoi n° B 20-13.927

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 octobre 2020.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________

________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société MAF Agrobo...

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10441 F

Pourvoi n° B 20-13.927

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 octobre 2020.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société MAF Agrobotic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 20-13.927 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [G] [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société MAF Agrobotic, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MAF Agrobotic aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MAF Agrobotic et la condamne à payer à la SCP Bouzidi et Bouhanna la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société MAF Agrobotic

PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR, jugeant recevables les demandes de la salariée, dit et jugé que Mme [T] a été victime de harcèlement moral au sein de la SAS MAF Agrobotic, et que son inaptitude trouve son origine dans ce harcèlement moral, d'AVOIR dit et jugé que le licenciement de Mme [T] prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement est nul, d'AVOIR condamné la SAS MAF Agrobotic à payer à Mme [T] les sommes de 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, 3 955,24 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, 361,76 € à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement, 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté la SAS MAF Agrobotic de ses demandes et condamné la SAS MAF Agrobotic aux entiers dépens,

AUX MOTIFS QUE « Sur la prescription : Mme [G] [T] fait valoir (…) que son action n'est pas prescrite, car le dernier acte de harcèlement moral perpétré à son encontre est du 22 avril 2011, date à laquelle elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement qui n'a pas abouti. De plus, la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court à compter de la réalisation du dommage, or en matière de harcèlement ce dommage se prolonge dans le temps après que les actes ne soient perpétrés. La salariée a tenté de mettre fin à ses jours en début d'année 2010 consécutivement au harcèlement subi. Mme [G] [T] fait également valoir que son action en contestation du licenciement prononce le 24 janvier 2014 n'est pas prescrite, car elle a saisi le conseil de prud'hommes dans le délai de deux ans à compter de la notification de ce licenciement, c'est-à-dire par requête du 8 janvier 2016.
La société MAF Agrobotic (…) estime que la contestation du harcèlement moral est prescrite puisque la salariée a arrêté de travailler le 1er octobre 2010 et que l'action se prescrit par cinq ans, la saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue le 8 janvier 2016.
(…)
Sur la recevabilité de l'action, la cour juge que Mme [T] n'est pas prescrite en ses demandes tendant à contester le licenciement pour inaptitude prononcé le 24 janvier 2014 puisqu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de moins de deux ans après la rupture par requête du 8 janvier 2016. S'agissant de la demande tendant à voir reconnaitre l'existence d'un harcèlement, sur laquelle se fondent à la fois une demande indemnitaire distincte et une demande pour nullité du licenciement, la cour rappelle que celle-ci est soumise à la prescription quinquennale de droit commun fixée à l'article 2224 du code civil, dont le délai court à partir du dernier acte constitutif d'un agissement relevant du harcèlement moral. Si, comme le soutient la SAS MAF Agrobotic, il ne peut être considéré que la manifestation de symptômes psychologiques postérieurs au départ physique de la salariée de l'entreprise, y compris la tentative suicide invoquée, puisse constituer l'un de ces agissements alors qu'ils n'en sont que la conséquence, il en va différemment de la convocation de la salariée à un premier entretien préalable au licenciement du 22 avril 2011 dans le cadre d'une procédure de licenciement que l'employeur n'a pas menée à son terme, élément invoque par Mme [T] comme participant à l'ensemble de faits faisant présumer l'existence du harcèlement. Ce fait étant survenu moins de cinq ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, la cour estime par infirmation du jugement entrepris que les demandes formulées par Mme [T] au titre du harcèlement moral, de la nullité du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes ne sont pas prescrites et sont donc recevables.
Sur le harcèlement moral : En application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l'article L 1152-1 du code du travail, le salarie établit, conformément à l'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, Mme [G] [T] soutient que son licenciement est nul car son inaptitude trouverait son origine dans un harcèlement moral qu'elle a subi sur son lieu de travail, et présente à la cour les éléments de fait suivants : - une surcharge de travail, une pression constante de la hiérarchie, - la tenue à son égard de propos par le dirigeant sur un ton irrespectueux et de remarques désobligeantes, - des propos agressifs, voire violents, et des critiques de la part de sa collègue Mme [O], - un contrôle initié par l'employeur afin de faire procéder à un contrôle médical de la salariée en milieu d'après-midi le jour du réveillon de Noël, - des erreurs sur son bulletin de paie du mois de janvier 2011, - l'inertie de l'employeur face à sa réclamation concernant des rappels de salaire, le paiement d'heures supplémentaires et la délivrance d'une attestation de salaire net imposable, - l'engagement d'une procédure de licenciement le 22 avril 2011, non menée jusqu'à son terme, - la préméditation de son licenciement comme il en résulterait de la réunion des délégués du personnel du 27 janvier 2011. S'agissant de la surcharge de travail, Mme [G] [T] produit plusieurs attestations de ses collègues en ce sens, que la cour analyse au chapitre du travail dissimule auquel il convient de se référer ci-après, et qui établissent effectivement cette surcharge non prise en considération par l'employeur. il ressort également des différentes attestations de salariés de l'entreprise à savoir de M. [J], délégué du personnel et délégué syndical dans l'entreprise, de Mme [H], responsable de communication, de Mme [N], assistante de paie, de M. [C], câbleur électricien, de M. [Z], gardien, que Mme [T] subissait depuis le début de l'année 2010 une pression constante de sa hiérarchie en particulier M. [F], qu'elle avait un bureau surcharge de dossiers et était sans cesse relancée sur des dossiers qu'elle finissait par emporter chez elle pour travailler le soir et le week-end. M. [J] a recueilli les propos de Mme [T] sur le comportement irrespectueux de M. [F] et la pression permanente qu'elle subissait. Mme [N] atteste avoir été le témoin direct de deux conversations téléphoniques entre Mme [T] et M. [F] au cours desquelles "le ton de M. [F] est monté plus que nécessaire. Je n'avais jamais vu un tel manque de respect en 22 ans de travail". M. [C] précise que, le 1er octobre 2010 (date de l'accident du travail déclaré) Mme [T] lui "a dit qu'elle s'était fait agresser par Mme [O] et M. [F]. Elle n'arrivait pas à se calmer et est partie de l'entreprise complètement terrorisée". Mme [H] rapporte les conditions dans lesquelles, alors que Mme [T] suivait une formation sur un nouveau logiciel après une absence pour maladie de trois jours, "M. [D] [F] l'a convoquée et lui a crié dessus, lui interdisant en raison de ses responsabilités d'être absente quel qu'en soit le motif. Il a aussi exigé d'elle qu'elle recrute un homme et surtout pas une femme au service de paie en lui disant que les femmes ne génèrent que des problèmes et qu'il y en avait déjà assez clans la société" ; ce témoin ajoute que Mme [T] "s'est entendue dire sur un ton agressif qu'elle ne devait plus porter de talons, car cela lui cassait les oreilles". Mme [H] termine son témoignage par le fait que, lorsque Mme [T] lui disait que le fait de supprimer des conges sur certains salaries était illégal, M. [E] [F] lui rétorquait que "la loi c'est lui" en vociférant. Les propos agressifs et critiques tenus par Mme [O], assistante comptable, à l'égard de Mme [T], sont également rapportés en termes circonstanciés par ces témoins, en particulier Mme [H]. Le contrôle initié par l'employeur afin de faire procéder à un contrôle médical de la salariée en milieu d'après-midi le jour du réveillon de Noël n'est quant à lui pas discuté dans sa matérialité par la SAS MAF Agrobotic, ledit contrôle ayant confirmé le caractère justifié de l'arrêt de travail. L'engagement d'une procédure de licenciement le 22 avril 2011, non menée jusqu'à son terme, n'est pas davantage discute par l'employeur. il est également établi que lors de la réunion des délégués du personnel du 27 janvier 2011, M. [M] représentant la direction a indiqué que Mme [T] ne reviendrait pas dans l'entreprise. Les vaines réclamations de Mme [T] pour obtenir régularisation des erreurs sur ses salaires sont elles aussi établies, par les mails produits aux débats. Quant à la dégradation de santé invoque par Mme [T], celle-ci est justifiée par les pièces médicales produites relatives à trois hospitalisations pour décompensation anxio-dépressive sur trouble dépressif persistant, tout d'abord du 24 mai au 7 juillet 2011, puis du 31 octobre au 18 novembre 2011, puis du 21 novembre au 21 décembre 2012. Il est ajouté que la présente cour, dans un arrêt du 4 septembre 2015 opposant Mme [T] à la CPAM, a considéré que l'arrêt de travail du 1er octobre 2010 résultait d'un accident du travail à la suite de propos humiliants tenus à son égard par Mme [O] ayant provoqué un choc émotionnel. Par ailleurs, dans son arrêt du 8 février 2019, la présente cour a retenu la faute inexcusable de l'employeur en précisant que celui-ci n'a pas respecté son obligation de sécurité en ne prenant pas de dispositions pour mettre un terme à des situations de travail génératrices de propos déplacés en lien avec une situation de surcharge de travail et en adoptant une gestion irrespectueuse du relationnel humain au sein de l'entreprise. La cour estime que ces faits, pris dans leur ensemble, font présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [T].
De son côté, la société MAF Agrobotic conteste tout harcèlement moral, en indiquant qu'une plainte pénale pour harcèlement moral avait été déposée par Mme [G] [T] à l'encontre de Messieurs [Y] et [D] [F], et que cette plainte a été classée sans suite. Cependant un tel classement sans suite n'interdit pas à la cour d'apprécier les faits différemment sur le plan civil. Par ailleurs, force est de constater que la SAS MAF Agrobotic ne produit aucun élément de nature à objectiver la situation décrite par Mme [T] par des éléments étrangers à tout harcèlement.
La cour considère donc par infirmation du jugement entrepris que Mme [T] a été victime de harcèlement moral au sein de l'entreprise, que ce harcèlement a conduit à son inaptitude de sorte que le licenciement prononcé sur ce fondement est nul par application des dispositions de l'article 1153-1 du code du travail. Le préjudice subi par Mme [T] à raison du harcèlement moral sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts. Par ailleurs, Mme [T] est bien fondée à obtenir, au titre de la nullité de la rupture du contrat de travail, des dommages-intérêts qui seront fixes à la somme de 40 000 €, la cour prenant en considération dans l'évaluation du préjudice le fait que Mme [T] avait acquis 4 ans et 10 mois d'ancienneté, était âgée de 35 ans lors du licenciement, percevait en dernier lieu un salaire de 3 185,03 € bruts, n'a pas retrouvé d'emploi et est actuellement en invalidité, percevant une rente de 854,80 €. Elle est également fondée à percevoir la somme de 3 955,24 € bruts à titre de complément d'indemnité de préavis et 361,76 € au titre du complément d'indemnité spéciale de licenciement, au regard de la nullité du licenciement prononce et de l'origine professionnelle de l'inaptitude, étant précisé que les calculs exposes par Mme [T] à l'employeur dès son courrier du 22 février 2014 ne sont pas critiques par celui-ci »,

1- ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que lorsque survient un litige relatif à un prétendu harcèlement moral, le juge ne peut donc prendre en compte que des faits survenus dans les cinq années précédant la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en prenant pourtant en compte des faits survenus plus de cinq ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les articles L. 1154-1 du code du travail et 2224 du code civil.

2- ET ALORS QU'un fait unique ne peut être constitutif de harcèlement moral ; que pour juger que l'action de la salariée n'était pas prescrite, la cour d'appel a encore jugé qu'un fait datait de moins de cinq ans avant la saisine du conseil des prud'hommes, à savoir l'engagement d'une procédure de licenciement que l'employeur n'avait pas menée à son terme ; qu'en se fondant ainsi sur un fait unique non prescrit, qui était impropre à caractériser des agissements répétés de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR condamné la SAS MAF Agrobotic à payer à Mme [T] les sommes de 18 236,74 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté la SAS MAF Agrobotic de ses demandes et condamné la SAS MAF Agrobotic aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le travail dissimulé : Mme [G] [T] fait valoir qu'elle travaillait en qualité de responsable des ressources humaines et devait gérer les 11 sociétés du groupe soit un effectif total oscillant entre 350 et 450 salaries, de sorte qu'elle effectuait un volume d'heures de travail conséquent. Elle produit de nombreuses attestations dans le sens de l'accomplissement de très nombreuses heures supplémentaires. Elle précise que le système de badgeuse comporte une fonctionnalité particulière dite "d'écrêtage" consistant à faire disparaitre toute trace de l'enregistrement du travail du salarié d'une journée sur l'autre au-delà des heures journalières reportées. Or sur les bulletins de paie de la salariée ont été éludés les heures mentionnées la rubrique "écrêtage", ce qui manifeste l'intention de l'employeur de dissimuler les heures supplémentaires effectuées. Elle produit des décomptes selon lesquelles sa durée hebdomadaire de travail dépassait systématiquement les 42 heures contractuelles.
La société MAF Agrobotic conteste l'accomplissement d'une quelconque heure supplémentaire non rémunérée et fait observer que Mme [G] [T] n'a jamais présenté la moindre réclamation à ce titre.
Sur ce, aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarie ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectue n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarie, il appartient cependant é ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. En application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimule par dissimulation d'emploi salarie le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail intérieur à celui réellement accompli. Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. En l'espèce, la cour relève que l'avenant au contrat de travail de Mme [T] en date du 19 octobre 2009 fixe la durée du travail de Mme [T] à 42 h hebdomadaires assorties d'une rémunération forfaitaire de 2 600 €, et que Mme [T] ne remet pas en cause dans ses écritures la régularité d'un tel forfait ; sans formuler une quelconque demande de rappel de salaire, elle soutient en revanche qu'elle réalisait systématiquement plus de 42 h hebdomadaires et produit, pour étayer sa demande relative au travail dissimulé, les éléments suivants : - un document intitule "état de feuilles d'heures de présence" dont Mme [T] indique qu'il s'agit de son relevé de badgeage, mentionnant les samedis badges et donc travailles ainsi que la rubrique relative à l'écrêtage c'est-à-dire la mention du nombre d'heures non prises en compte en tant que travail effectif, car excédant l'horaire théorique contractuel à effectuer par la salariée, - un tableau récapitulatif correspondant aux mentions figurant sur ces feuilles d'heures de présence, mettant en évidence la réalisation de très nombreuses heures au-delà de 42 heures hebdomadaires et l'existence de samedi travaillés, - les bulletins de salaire ne faisant mention d'aucun horaire travaillé en regard d'un salaire forfaitaire sous la dénomination "appointements", et d'une mention en bas de page d'un "forfait 1927 heures" ne correspondent à aucune stipulation contractuelle, - l'attestation de M. [J], délégué du personnel et délégué syndical dans l'entreprise évoquant la "charge monumentale de travail" de Mme [T], un nombre d'heures passées au travail ayant contribué à la dégradation de son état de santé et l'empêchant même de s'alimenter correctement le midi, - l'attestation de M. [Z], gardien des locaux de l'entreprise indiquant qu'il voyait arriver la salariée très tôt le matin vers six ou sept heures et partir très tard le soir régulièrement à 22 ou 23 heures, ou encore avoir vu Mme [T] venir travailler les samedis pour faire face à la surcharge de travail, - l'attestation de Mme [H], responsable de communication avoir constaté que la salariée arrivée très tôt le matin, partait très tard le soir est reste de nombreuses fois sans pause déjeuner, rentrait chez elle avec du travail ou venait le samedi. Ces éléments étayent suffisamment la thèse de la salariée selon laquelle elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et il appartient à l'employeur de justifier par des éléments objectifs de la durée du travail effectif de Mme [T]. Or sur ce point la SAS MAF Agrobotic se contente de contester l'existence de toute heure supplémentaire non rémunérée sans s'expliquer sur le système d'écrêtage et surtout sans justifier des horaires réellement accomplis. En conséquence la cour considère, par infirmation du jugement entrepris, non seulement que la salariée établie l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées, mais encore que l'élément intentionnel de l'employeur relatif au travail dissimulé ressort d'une part du mécanisme mis en place afin de permettre l'absence de prise en compte d'une partie du temps de travail de la salariée par le système de l'écrêtage, mais encore de la connaissance qu'il avait de l'importante surcharge de travail de Mme [T] dont témoigne de nombreux salaries de l'entreprise. Mme [T] est donc bien fondée à obtenir la somme de 18 236,74 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé »,

ALORS QU'en vertu de l'article L. 8221-5 du code du travail, le travail dissimulé n'est caractérisé que si l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que « l'élément intentionnel de l'employeur relatif au travail dissimulé » ressortait, d'une part, du mécanisme mis en place afin de permettre l'absence de prise en compte d'une partie du temps de travail de la salariée par le système de l'écrêtage, d'autre part, de la connaissance qu'il avait de l'importante surcharge de travail de Mme [T] dont témoignaient de nombreux salaries de l'entreprise ; qu'en statuant par de tels motifs ne caractérisant pas l'intention de l'employeur de porter sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-13.927
Date de la décision : 18/05/2022
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°20-13.927 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 18 mai. 2022, pourvoi n°20-13.927, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.13.927
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