COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10255 F
Pourvoi n° J 20-16.073
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 AVRIL 2022
1°/ la société Le Glacier de Julie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1],
2°/ la société Les Glaciers des 2 soeurs, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° J 20-16.073 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant à la société Adorea, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés Le Glacier de Julie et Les Glaciers des 2 soeurs, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Adorea, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Le Glacier de Julie et Les Glaciers des 2 soeurs aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Le Glacier de Julie et Les Glaciers des 2 soeurs et les condamne à payer à la société Adorea la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Le Glacier de Julie et Les Glaciers des 2 soeurs.
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes présentées par les sociétés Le Glacier de Julie et le Glacier des deux soeurs ;
aux motifs propres que « Le contrat de cession fonds de commerce prévoit que le vendeur s'engage : « À s'interdire expressément la faculté d'exploiter, diriger, directement ou indirectement, aucun fonds de commerce similaire en tout ou partie à celui vendu, de s'intéresser même à titre d'associé ou de commanditaire un fonds de commerce de même nature pendant une durée de deux années à compter de l'entrée en jouissance et dans un rayon de 750 m à vol d'oiseau de chacun des fonds cédés, sous peine de dommages-intérêts envers le cessionnaire ou les successeurs sans préjudice du droit qu'ils auraient de faire cesser cette contravention ». Il n'est pas démontré que la société ADOREA n'aurait pas respecté cette clause comme l'a relevé à juste titre le juge des référés. Les sociétés appelantes ne peuvent donc invoquer une violation de la garantie d'éviction par le cédant.
Le contrat de cession indiquait que l'enseigne « GELATI NINO » reste la propriété du Cédant et fera l'objet d'un contrat. Les sociétés LE GLACIER DE JULIE et GLACIER DES 2 SOEURS ne peuvent donc se prévaloir d'une garantie d'éviction au titre de cette enseigne. Ces sociétés ne justifient d'un trouble manifestement illicite visant à la fermeture des établissements de la société ADOREA situés [Adresse 5], [Localité 2] et [Adresse 6], [Localité 3]. Les demandes présentées par les sociétés LE GLACIER DE JULIE et LE GLACIER DES 2 SOEURS sont rejetées et l'ordonnance est confirmée à ce titre » ;
et aux motifs éventuellement adoptés que « la société Adorea, venderesse des fonds de commerce, demeure tenue de s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé, l'obligation légale de garantie d'éviction du fait personnel du vendeur étant d'ordre public, étant rappelé que le succès de la prétention de l'acquéreur après expiration de la garantie conventionnelle devait être subordonné à une démonstration plus précise de la nocivité de la concurrence développée par le vendeur, que celle qui découlerait d'une concurrence exercée pendant la durée de la clause de non-concurrence ; qu'il est constant que l'ordonnance de référé est une décision provisoire qui ne confère au juge saisi que le pouvoir d'ordonner immédiatement des mesures qui ne tranchent pas le fond ; qu'en l'espèce les mesures sollicitées par la société Le Glacier de Julie SARL et la société Le Glacier des deux soeurs, à savoir la fermeture de deux fonds de commerce et la cessation de spots publicitaires, ne sauraient être ordonnées sans aborder le fond du litige et sans statuer sur une nocivité plus importante que celle prévue dans la clause de non-rétablissement de la concurrence développée par le vendeur, faute de rapporter les éléments permettant d'établir l'évidence d'une nocivité accrue » ;
alors 1/ qu'après expiration de la clause de non-concurrence prévue par l'acte de cession de fonds de commerce, le cédant demeure tenu de son obligation légale de garantie du fait personnel qui, d'ordre public, lui interdit de se livrer à tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé ; qu'au cas présent, les exposantes faisaient valoir que la société Adorea, de qui elles ont acquis leurs fonds de commerce de glacier, avait ouvert, après l'expiration de la clause de non-concurrence contenue aux actes de cession, deux établissements exerçant la même activité à proximité immédiate des fonds cédés et soutenaient qu'en agissant ainsi, elle avait méconnu la garantie légale du fait personnel, due par tout vendeur à son acheteur et à laquelle il ne peut être dérogé ; que pour confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes présentées par les exposantes, la cour d'appel a dit qu'il n'était pas démontré que la société Adorea ne se serait pas conformée à la clause de non-concurrence et qu'en conséquence, les exposantes ne pouvaient invoquer une violation de la garantie d'éviction par le cédant ; qu'en déduisant ainsi l'absence de violation de la garantie d'éviction du seul respect, par la société Adorea, de la clause de non-concurrence, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à exclure une méconnaissance de la garantie légale d'éviction, violant ainsi les articles 1625, 1626 et 1628 du code civil ;
alors 2/ que les exposantes soutenaient que la société Adorea avait méconnu la garantie légale d'éviction qui leur est due en ouvrant et exploitant, après l'expiration de la clause de non-concurrence contenue dans les actes de cession, deux nouveaux établissements de glacier à proximité immédiate des fonds de commerce qu'elle leur a cédés ; que les exposantes ne contestaient pas que l'enseigne « Gelati Nino » était la propriété de la société Adorea et ne lui reprochaient donc pas de l'utiliser dans l'exploitation de ces nouveaux établissements ; que pour confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes présentées par les exposantes, la cour d'appel a dit que le contrat de cession indiquait que l'enseigne « Gelati Nino » était demeurée la propriété du cédant et que par conséquent, les exposantes ne pouvaient se prévaloir d'une garantie d'éviction au titre de cette enseigne ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
alors 3/ qu'il est au pouvoir du juge des référés de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse ; que pour rejeter les demandes des exposantes, le juge de première instance a énoncé que l'ordonnance de référé est une décision provisoire qui ne confère au juge saisi que le pouvoir d'ordonner immédiatement des mesures qui ne tranchent pas le fond et que les mesures sollicitées par les exposantes, à savoir la fermeture de deux fonds de commerce et la cessation de spots publicitaires, ne sauraient être ordonnées sans aborder le fond du litige ; que dans l'hypothèse où elle aurait adopté ces motifs, la cour d'appel, en statuant ainsi, a violé l'article 873 du code de procédure civile ;
alors 4/ qu'après expiration de la clause de non-concurrence prévue par l'acte de cession de fonds de commerce, le cédant demeure tenu de son obligation légale de garantie du fait personnel qui, d'ordre public, lui interdit de se livrer à tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé ; qu'ainsi, le cédant, une fois libéré de la clause de non-concurrence, ne peut installer et exploiter un fonds de commerce à proximité immédiate du fonds cédé et exerçant la même activité, sans que le cessionnaire soit tenu de démontrer que sa clientèle a été effectivement captée par le cédant, ni d'établir l'étendue du préjudice qui en est résulté ; que pour rejeter les demandes des exposantes, le premier juge a énoncé que ces dernières n'établissaient pas l'évidence d'une nocivité accrue des agissements reprochés à la société Adorea, plus importante que celle prévue dans la clause de non-concurrence ; qu'à supposer ces motifs adoptés, la cour d'appel, en statuant ainsi, a violé les articles 1625, 1626 et 1628 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;
alors 5/ que le seul fait, pour le cédant, une fois libéré de la clause de non-concurrence, d'installer et exploiter un fonds de commerce à proximité immédiate du fonds cédé et exerçant la même activité constitue une violation évidente de la garantie du fait personnel et donc un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser, sans que le cessionnaire soit tenu de démontrer que sa clientèle a été effectivement captée par le cédant, ni d'établir l'étendue du préjudice qui en est résulté ; que pour rejeter les demandes des exposantes, le premier juge a énoncé que ces dernières n'établissaient pas l'évidence d'une nocivité accrue des agissements reprochés à la société Adorea, plus importante que celle prévue dans la clause de non-concurrence ; qu'à supposer ces motifs adoptés, la cour d'appel, en statuant ainsi, a violé les articles 1625, 1626 et 1628 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;
alors 6/ que les exposantes soutenaient en cause d'appel que leurs fonds de commerce situés à proximité immédiate des établissements nouvellement exploités par la société Adorea avaient subi d'importantes pertes de chiffre d'affaires depuis l'ouverture de ces derniers en avril 2018 ; qu'elles faisaient valoir, pièces à l'appui, que la société Le Glacier des deux soeurs avait enregistré une perte de chiffre d'affaires de 41 % en 2018 par rapport à l'année 2017 et la société Le Glacier de Julie une perte de 13,5 % pour la saison estivale 2018 et rapportaient ainsi la preuve, tant de l'existence du détournement de clientèle que du préjudice causé ; que pour écarter les demandes des exposantes, le premier juge a énoncé, sans autre forme de motivation et sans s'expliquer sur les éléments de preuve offerts aux débats par les exposantes, que la preuve d'une nocivité accrue de l'ouverture des nouveaux établissements de la société Adorea n'était pas rapportée et que le succès des prétentions des exposantes était subordonné à une démonstration plus précise de la nocivité de la concurrence développée par le vendeur, que celle qui découlerait d'une concurrence exercée pendant la durée de la clause de non-concurrence ; que dans l'hypothèse où elle aurait adopté ces motifs, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.