CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10221 F
Pourvoi n° G 20-12.070
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
1°/ M. [H] [K],
2°/ Mme [F] [O], épouse [K],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° G 20-12.070 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [V] [S],
2°/ à Mme [N] [C],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Balat, avocat de M. et Mme [K], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [S] et M. [C], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, M. Besson, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [K] et les condamne à payer à Mme [S] et M. [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [S] et M. [C]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir homologué le rapport d'expertise du 21 septembre 2015 et d'avoir débouté M. et Mme [K] de leur demande tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise ;
AUX MOTIFS QU' il résulte du rapport d'expertise établi contradictoirement le 21 septembre 2015 que « les terres éboulées sont en provenance de la partie supérieure du talus situé sur le lot 88 qui comporte des sols altérés peu compacts décohésionnés par la présence de racines d'arbustes, situés en tête de talus. La progression dans le temps de l'altération en climat tropical humide, le décohésionnement créé par l'expansion des racines, l'augmentation de la masse volumique par l'augmentation de la teneur en eau en période pluvieuse, la forte pente du talus (supérieur à 50º en partie haute dans des sols peu cohérents) ont conduit au déséquilibre et à la chute de loupes superficielles vers le bas du talus » ; que l'expert relève aussi, en bordure immédiate du haut du talus, sur le lot 88, la présence d'une haie d'arbustes et arbres, tulipiers du Gabon, à système racinaire important dont l'extension est connue pour provoquer des dégâts considérables et qui a participé à la décompression des terres du haut du talus et à l'infiltration des eaux et indique que la présence de ces arbres en bordure de talus constitue un élément défavorable pour la stabilité du haut du talus, les sols superficiels étant très érodables ; que la cour constate que l'expert a déjà pris en compte les déblaiements réalisés par M. [C], dénoncés de nouveau par les intimés, concernant les terres éboulées en bas de talus et le résultat du curage des éléments restés en équilibre instable dans le talus, considérant qu'elles n'ont pas eu d'influence sur la stabilité du talus ; que c'est, en conséquence, à juste titre que le premier juge a dit qu'au vu des conclusions de l'expert, la responsabilité des époux [K] quant aux désordres constatés est pleinement engagée en leur qualité de propriétaire du haut du talus, aucune faute ne pouvant être attribuée aux appelants, au visa des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du code civil ; qu'il s'en déduit que, contrairement à l'appréciation du premier juge, l'ensemble des travaux relatifs aux dommages causés au fonds voisin par l'effondrement de terrain doit être mis à la charge des époux [K] qui ne justifient pas d'une cause exonératoire de responsabilité ; que l'expert a préconisé au titre des travaux d'urgence la suppression des arbustes situés en tête de talus sur le lot 88 ([K]) et la mise en place pour la sécurité d'une barrière grillagée en partie arrière du lot 89 ([C]) et au titre des travaux définitifs le nettoyage du talus avec une purge des éléments instables avant la mise en place sur la surface du talus et sur un linéaire de 30 m environ d'une protection de surface de type gunitage, le haut du gunitage devant prévoir une cunette de récupération des eaux de ruissellement ; que par ordonnance du 11 avril 2016, le juge de la mise en état a, avant-dire droit, ordonné la réalisation de travaux urgents et définitifs préconisés par l'expert suite à de nouveaux éboulements survenus au mois au cours des mois de février et mars 2016 ; que par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a validé le permis de terrassement accordé aux appelants pour évacuer un volume de terre qui dépassait les 60 m³, aux fins de stabilisation du talus litigieux, et annulé la décision du 10 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'urbanisme de la Polynésie française avait prononcé la caducité des autorisations de travaux accordés les 30 août et 25 septembre 2017 aux appelants, qui étaient soumis à l'obtention d'une autorisation de travaux immobiliers ; qu'en l'absence d'évolution du litige, les intimés, responsables des désordres depuis l'origine, seront déboutés de leur demande dénuée de tout fondement de nouvelle expertise, d'autant qu'ils ont été déboutés de cette même demande par ordonnance de référé parfaitement motivée du 29 mai 2017, et par ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 Juillet 2018 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel déposées le 6 juin 2019 (p. 11 in fine), M. et Mme [K] faisaient valoir à l'appui de leur demande tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise, que, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise judiciaire intervenu le 21 septembre 2015, les consorts [C]-[S] avaient continué leurs opérations d'extraction de terre, ce qui avait entraîné « une profonde transformation des lieux » justifiant à elle seule une nouvelle mesure d'instruction ; que les époux [K] produisaient aux débats un constat d'huissier du 15 février 2017 qui attestait de cette évolution ; qu'en homologuant pourtant purement et simplement le rapport d'expertise judiciaire du 21 septembre 2015, et en s'abstenant d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction, motif pris d'une « absence d'évolution du litige » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), sans répondre aux conclusions d'appel susvisées qui démontraient l'existence d'une telle évolution, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie Française ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' en déboutant M. et Mme [K] de leur demande tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle mesure d'expertise, au motif qu'ils avaient « été déboutés de cette même demande par ordonnance de référé parfaitement motivée du 29 mai 2017, et par ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 Juillet 2018 » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), cependant qu'aucune de ces deux décisions n'avait autorité de chose jugée au principal, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article 284 du code de procédure civile de la Polynésie française.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les époux [K] responsables de l'éboulement du talus et d'avoir dit que les époux [K] devraient supporter l'intégralité du coût des travaux engagés par les consorts [C]-[S] ;
AUX MOTIFS QU' il résulte du rapport d'expertise établi contradictoirement le 21 septembre 2015 que « les terres éboulées sont en provenance de la partie supérieure du talus situé sur le lot 88 qui comporte des sols altérés peu compacts décohésionnés par la présence de racines d'arbustes, situés en tête de talus. La progression dans le temps de l'altération en climat tropical humide, le décohésionnement créé par l'expansion des racines, l'augmentation de la masse volumique par l'augmentation de la teneur en eau en période pluvieuse, la forte pente du talus (supérieur à 50º en partie haute dans des sols peu cohérents) ont conduit au déséquilibre et à la chute de loupes superficielles vers le bas du talus » ; que l'expert relève aussi, en bordure immédiate du haut du talus, sur le lot 88, la présence d'une haie d'arbustes et arbres, tulipiers du Gabon, à système racinaire important dont l'extension est connue pour provoquer des dégâts considérables et qui a participé à la décompression des terres du haut du talus et à l'infiltration des eaux et indique que la présence de ces arbres en bordure de talus constitue un élément défavorable pour la stabilité du haut du talus, les sols superficiels étant très érodables ; que la cour constate que l'expert a déjà pris en compte les déblaiements réalisés par M. [C], dénoncés de nouveau par les intimés, concernant les terres éboulées en bas de talus et le résultat du curage des éléments restés en équilibre instable dans le talus, considérant qu'elles n'ont pas eu d'influence sur la stabilité du talus ; que c'est, en conséquence, à juste titre que le premier juge a dit qu'au vu des conclusions de l'expert, la responsabilité des époux [K] quant aux désordres constatés est pleinement engagée en leur qualité de propriétaire du haut du talus, aucune faute ne pouvant être attribuée aux appelants, au visa des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du code civil ; qu'il s'en déduit que, contrairement à l'appréciation du premier juge, l'ensemble des travaux relatifs aux dommages causés au fonds voisin par l'effondrement de terrain doit être mis à la charge des époux [K] qui ne justifient pas d'une cause exonératoire de responsabilité ;
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel déposées le 6 juin 2019 (p. 5 à 7), M. et Mme [K] faisaient valoir que les travaux d'extraction de terre auxquels avaient procédé les consorts [C]-[S] avaient provoqué une modification des lieux, le talus initialement rattaché au fonds de ces derniers ayant progressivement migré sur le fonds voisin ; que la cour d'appel était ainsi invitée à identifier le véritable gardien du talus litigieux, au regard de la propriété de la chose et de la garde effective de cette chose ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. et Mme [K] à payer aux consorts [C]-[S] la somme de 5.959.769 FCP en réparation de leur préjudice direct financier, ainsi que la somme de 1.000.000 FCP au titre de leur préjudice moral, d'avoir enjoint aux époux [K] d'autoriser la réalisation des travaux préconisés, y compris en ce qu'ils prennent place sur la tête de talus situé sur leur propriété, et ce sous astreinte de 300.000 FCP par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et d'avoir fait défense aux époux [K] de troubler la réalisation de ces travaux, sous astreinte de 300.000 FCP par infraction constatée par tout moyen ;
AUX MOTIFS QUE l'expert a préconisé au titre des travaux d'urgence la suppression des arbustes situés en tête de talus sur le lot 88 ([K]) et la mise en place pour la sécurité d'une barrière grillagée en partie arrière du lot 89 ([C]) et au titre des travaux définitifs le nettoyage du talus avec une purge des éléments instables avant la mise en place sur la surface du talus et sur un linéaire de 30 m environ d'une protection de surface de type gunitage, le haut du gunitage devant prévoir une cunette de récupération des eaux de ruissellement ; que par ordonnance du 11 avril 2016, le juge de la mise en état a, avant-dire droit, ordonné la réalisation de travaux urgents et définitifs préconisés par l'expert suite à de nouveaux éboulements survenus au mois au cours des mois de février et mars 2016 ; que par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a validé le permis de terrassement accordé aux appelants pour évacuer un volume de terre qui dépassait les 60 m³, aux fins de stabilisation du talus litigieux, et annulé la décision du 10 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'urbanisme de la Polynésie française avait prononcé la caducité des autorisations de travaux accordés les 30 août et 25 septembre 2017 aux appelants, qui étaient soumis à l'obtention d'une autorisation de travaux immobiliers ; qu'en l'absence d'évolution du litige, les intimés, responsables des désordres depuis l'origine, seront déboutés de leur demande dénuée de tout fondement de nouvelle expertise, d'autant qu'ils ont été déboutés de cette même demande par ordonnance de référé parfaitement motivée du 29 mai 2017, et par ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 Juillet 2018 ; que par l'ordonnance précitée du 11 avril 2016, dont les intimés n'ont pas interjeté appel, les appelants ont été autorisés à faire réaliser les travaux urgents et définitifs préconisés par l'expert M. [X], à leurs frais avancés, ce qu'ils ont tenté de faire après consultation de la société de gunitage, Techniservices, du Laboratoire des Travaux Publics de Polynésie le 13 Mars 2017, et de M. [R], expert géomètre, qui, dans son rapport sur « l'évolution du talus entre les lots 89 et 88 du lotissement Te Maru Ata » conclut que la tête du talus, située sur la propriété des époux [K] a reculé lors des éboulements vers l'intérieur de leur plate-forme, démarches nécessaires aux fins d'actualiser techniquement le rapport d'expertise de 2015 qui n'intégrait pas les éboulements ultérieurs, du fait du refus des intimés de réaliser ces travaux depuis 2015 ; que dès lors, il sera fait droit à la demande des appelants à titre de la réparation de leur préjudice financier direct résultant des frais engagés et justifiés par factures versées aux débats et non contestées par les intimés, relatives à la sécurisation du talus, à l'exception des frais d'avocat (hors présente procédure) à hauteur de la somme de 5.959.769 FCP ; que les autres demandes relatives au préjudice financier indirect et à la perte de jouissance par les appelants de leur terrain seront rejetées, n'étant pas justifiées ; que les consorts [C]-[S] ont incontestablement subi un préjudice moral certain du fait du comportement hostile et incompréhensible des époux [K] qui s'acharnent contre eux, depuis des années, par de multiples démarches et plaintes sans fondement auprès de l'association du lotissement, du procureur de la république ou du service de l'urbanisme, portant atteinte à leur honneur et à leur réputation ; que la cour constate que les appelants ont été obligés de dépenser des sommes importantes qui se sont révélées improductives du fait de l'hostilité et de l'obstruction systématique des époux [K], qui, de plus, par leur inaction, mettent en danger leurs voisins qui subissent la menace d'un éboulement depuis plus de trois ans ; qu'ils seront condamnés à leur payer la somme de 1.000.000 FCP à titre de dommages-intérêts pour la réparation de leur préjudice moral ; qu'il sera enjoint aux époux [K] d'autoriser la réalisation des travaux préconisés, y compris en ce qu'ils prennent place sur la tête de talus situé sur leur propriété, et ce sous astreinte de 300.000 FCP par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et il leur sera fait défense de troubler la réalisation de ces travaux, sous astreinte de 300.000 FCP par infraction constatée par tout moyen ;
ALORS QUE les parties fixent les limites du litige ; qu'en affirmant que les époux [K] n'avaient pas relevé appel de l'ordonnance du 11 avril 2016 (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 3), cependant que, dans le dispositif de leurs conclusions déposées le 6 juin 2019 (p. 18 al. 2), les époux [K] sollicitaient expressément l'infirmation de l'ordonnance du 11 avril 2016 en toutes ses dispositions, la cour d'appel, qui a méconnu les limites du litige, a violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française qu'en se bornant à affirmer que la responsabilité des époux [K] quant aux désordres constatés était pleinement engagée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil « en leur qualité de propriétaire du haut du talus » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5), sans répondre aux conclusions d'appel des intéressés contestant avoir la garde de la chose, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française.