La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2022 | FRANCE | N°20-16.173

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 30 mars 2022, 20-16.173


COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2022




Rejet non spécialement motivé


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10247 F

Pourvoi n° T 20-16.173




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMI

QUE, DU 30 MARS 2022

M. [T] [B], domicilié [Adresse 2] (Polynésie Française), a formé le pourvoi n° T 20-16.173 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel d...

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2022




Rejet non spécialement motivé


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10247 F

Pourvoi n° T 20-16.173




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 MARS 2022

M. [T] [B], domicilié [Adresse 2] (Polynésie Française), a formé le pourvoi n° T 20-16.173 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque de Tahiti, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [B], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Banque de Tahiti, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à la société Banque de Tahiti la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [B].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté toutes les demandes de Monsieur [B] tendant à faire constater que la Banque de Tahiti avait failli à son obligation générale d'information et de conseil et de vérification, de vigilance et de déclaration de soupçons, de contrôle de la conformité des opérations dans le fonctionnement de son compte de dépôt et le traitement des onze ordres de transferts internationaux opérés au profit de la société IMC et de la voir condamner à lui payer la somme de 149.378.545 FCP, à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts de droit à compter de la demande en justice et de l'AVOIR condamné au titre des frais irrépétibles et dépens ;

Aux motifs propres que, sur le fond M. [B] reproche à la Banque de Tahiti divers manquements à ses obligations, qu'il convient d'examiner successivement ;
1- Sur le manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil relativement à la convention de « joint-venture » et au produit financier «IMC» M [B] a souscrit auprès de la Banque de Tahiti une convention dite «Liberté» en date du 13 février 1998, adossant en complément de ses comptes de dépôt un compte d'épargne productif d'intérêts ; il reproche à la Banque de Tahiti de ne pas l'avoir dissuadé, par une information et un conseil appropriés, de déplacer son épargne constituée auprès de cet établissement bancaire sur le produit financier «IMC» ; il soutient avoir consulté la Banque de Tahiti «en 1998», en la personne de sa conseillère habituelle, pour lui soumettre le projet de placement qui lui était proposé par la Société International Marketing Corporation ; son interlocuteur aurait vu dans le produit «IMC» « en meilleur placement que ceux offerts par la Banque de Tahiti » ; en l'espèce, il apparaît que la circonstance de fait que M. [B] invoque, selon laquelle il aurait sollicité un conseil sur les placements à l'origine de l'escroquerie dont il a été victime, circonstance contestée par la Banque de Tahiti, n'est établie par aucun des éléments du dossier ; au surplus, les premiers juges ont, à juste titre, relevé que M. [B] a effectué des placements financiers qui n'étaient pas commercialisés par la Banque de Tahiti, et considéré qu'aucune obligation pré-contractuelle n'était donc à la charge de cette dernière, ajoutant qu'il n'appartenait pas à l'organisme bancaire de se renseigner sur les risques encourus par les placements financiers envisagés par son client auprès d'autres organismes, dès lors que ce dernier aurait pu alors lui reprocher une immixtion dans la gestion de ses affaires ; il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté ;
2- Sur le manquement de la banque à ses obligations en matière d'ordre de virement M. [B] a procédé à plusieurs transferts de fonds de novembre 1999 à juillet 2003, matérialisés par des ordres de virements émis à destination de la Barclays Bank ; il soutient que la banque a manqué à ses obligations contractuelles à son égard en exécutant ces ordres de virements alors que ceux-ci ont été réalisés par un tiers dépourvu de mandat et qu'ils présentaient des anomalies apparentes ; ainsi que l'ont rappelé à juste titre les premiers juges, il appartient au banquier auquel un ordre est adressé de s'assurer qu'il émane bien du titulaire du compte à débiter, et qu'il ne comporte aucune anomalie ; il appartient à M. [B] de démontrer le caractère faux des ordres de virements litigieux et il appartient alors au banquier dépositaire, pour se libérer, de rapporter la preuve que ces ordres de virements ne sont pas des faux mais qu'ils ont bien été initiés par le client ; en l'espèce, M. [B] explique que Mme [E], qui se présentait comme courtier d'une société d'investissement de la place, a elle-même rempli les 11 ordres de virements effectués en faveur de la société IMC, via la Barclays Bank, qu'il avait préalablement signés «en blanc» ; il résulte de ces explications que M. [B] a bien signé chacun des ordres de transfert, ce qui est confirmé par les éléments du dossier, la signature figurant au bas des ordres de virements étant identique à celle apposée sur la convention de compte dite «Liberté» ; ces ordres de transfert, bien que n'ayant pas été, selon ses dires, matériellement renseignés par ses soins, ont néanmoins été réalisés conformément à sa volonté ; M. [B] n'a d'ailleurs jamais contesté ces virements auprès de la Banque de Tahiti ; quelque soient les anomalies relevées par M. [B], dont aucune n'apparaît comme constituant une anomalie majeure qui aurait dû alerter la banque, les ordres de virement ne peuvent être qualifiés d'irréguliers et ne font que refléter la volonté de M. [B] ; ainsi que l'ont retenu les premiers juges, M. [B] ne peut donc soutenir que les ordres de virements bancaires étaient des faux et qu'il n'a pas adhéré aux opérations de transfert des fonds, d'autant qu'ils se sont étalés sur quelques années, de 1999 à 2003 ; peu importe dans ces conditions que Mme [E] n'ait pas reçu mandat de remettre lesdits ordres à la Banque de Tahiti (alors qu'elle avait nécessairement reçu mandat de les remplir) et que M. [B] ne se soit pas présenté physiquement au guichet de cette banque, comme il le soutient sans toutefois en rapporter la preuve ; en effet, une vérification d'identité du porteur de l'ordre n'aurait pu que conduire à confirmer que M. [B] était bien ce donneur d'ordre, étant ici de surcroît précisé que les vérifications effectuées lorsque le porteur n'est pas le titulaire du compte concernent uniquement le cas du pouvoir donné à un tiers de faire fonctionner le compte ; en l'espèce, Mme [E] n'a jamais eu pouvoir sur le compte de M. [B] ; elle était seulement porteuse d'un ordre de virement signé du titulaire du compte ; si, comme M. [B] le soutient, Mme [E] s'est présentée à lui comme étant «accréditée» par la banque, aucun lien entre cette personne et le personnel de la Banque de Tahiti n'est établi, permettant d'envisager que la seconde ait pu participer aux manoeuvres de la première ; encore une fois, M. [B] n'a jamais signalé à sa banque une opération non autorisée et ne conteste toujours pas avoir autorisé les paiements ; de même, les circonstances selon lesquelles les ordres de virement ne comportent pas de visa d'authentification de signature, de sceau Trafin, d'indication du motif économique du transfert, ou encore que M. [B] n'a jamais pu obtenir les bordereaux de gestion des transferts étrangers en dépit des procédures amiables et contentieuses qu'il a initiées à cette fin, sont sans aucune incidence puisque M. [B] a consenti à ces transferts ; il s'ensuit que ce moyen n'est pas fondé ;
3- Sur le manquement de la banque à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment : M. [B] soutient que la Banque de Tahiti a omis d'effectuer des déclarations de soupçon auprès de Tracfin et de s'associer à la lutte contre le blanchiment, et, plus généralement, qu'elle a manqué au devoir de vigilance du banquier teneur de compte ; en matière de lutte contre le blanchiment, les dispositions applicables en Polynésie française à l'époque des faits litigieux étaient celles issues de la loi n° 90-164 du 12 juillet 1992 (arrêté de promulgation n° 502 DRCL du 29 mai 1991), codifiée par une ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000, et les dispositions des articles L. 561-1 à L. 564-3 du code monétaire et financier dans leur rédaction alors en vigueur applicables en Polynésie française en vertu des dispositions de l'article L. 755-13 de ce même code ; en l'espèce, la cour retient que les ordres de virement provenaient du compte de M. [B], client dont l'identité n'était pas douteuse et qui n'était pas susceptible de se livrer à des opérations illégales, pour être au demeurant transférés sur un compte à la Barclay's Bank de Londres, établissement et ville non signalés comme suspects ou susceptibles de l'être ; l'origine des fonds investis n'avait ainsi rien de suspect et aucune déclaration n'avait à être effectuée de ce chef, ce qui aurait été le cas dans l'hypothèse d'opérations inhabituelles ; mais les opérations réalisées par M. [B] ne se présentaient pas dans des conditions inhabituelles de complexité et n'apparaissaient pas ne pas avoir de justification économique ou d'objet licite, ce qui aurait impliqué que l'établissement bancaire se renseigne auprès du client sur l'origine ou la destination des fonds, l'objet de la transaction et l'identité du bénéficiaire ; en effet, ces opérations apparaissaient cohérentes avec la connaissance que la Banque de Tahiti avait de son client, et ce d'autant plus qu'il faut rappeler que M. [B] affirme lui-même avoir informé sa banque des placements qu'il effectuait ainsi à l'étranger ; au surplus et encore une fois, à supposer ces vérifications effectuées, M. [B] n'aurait alors pu que confirmer la régularité des opérations auxquelles il avait consenti ; dans ces conditions, aucune faute de la banque ne sera retenue dans la mise en oeuvre des obligations légales et réglementaires de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme auxquelles elle est assujettie, pas plus qu'au regard de son devoir de vigilance dans le fonctionnement du compte bancaire de M. [B] ; par ailleurs, M. [B] ne rapporte pas la preuve que la Banque de Tahiti ait eu connaissance des opérations illicites de la Société International Marketing Corporation à la date des virements litigieux ; quant au grief soulevé par M. [B] relatif à l'absence de formation et d'information régulière des personnels appelés à participer à la lutte contre le blanchiment prévu à l'article L. 651-33 du code monétaire et financier, issu de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, ce texte, postérieur aux transferts financiers en cause, ne peut être utilement invoqué ; au surplus, il est en l'espèce dépourvu de pertinence dès lors que, encore une fois, même en supposant qu'il s'agisse d'obligations opposables à la Banque de Tahiti à la date des faits, ce qui n'est pas le cas, et la défaillance de cette dernière, qui n'est pas établie, aucun élément ne rendait l'opération en apparence suspecte ou même anormale et ne justifiait la mise en oeuvre d'opérations de vérifications ou de surveillance spécifiques, d'autant que l'appelant a bénéficié de rapatriement de fonds le 16 février 2001 à hauteur de 11.680.270 FCP et le 22 mars 2002 pour un montant de 17.821.028 FCP correspondant aux contrats 99.07.112 et 20006203-0170, et en était visiblement satisfait à cette date ; il s'ensuit que l'ensemble des moyens invoqués doit être rejeté ; en définitive, les arguments articulés contre la banque sont sans lien avec le préjudice subi par M. [B] qui résulte uniquement de l'escroquerie commise par Mme [E] et la Société International Marketing Corporation, postérieurement aux virements litigieux et qu'aucune des obligations invoquées par M. [B] comme étant à la charge de la banque n'auraient pu empêcher ; ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il appartenait à M. [B] d'adopter un comportement de prudence et de bon père de famille à l'occasion de ses choix de placements financiers ; la forte rentabilité du rendement proposé par la société IMC, en inadéquation avec l'état du marché financier, qu'il relève lui-même dans ses écritures en dépit de ses propres contradictions sur ce point, aurait dû l'alerter ; il ne saurait se décharger de sa propre responsabilité sur le dépositaire de ses fonds ; les fautes et manquements articulés à l'encontre de la Banque de Tahiti n'étant pas démontrés, il convient, par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, de confirmer le jugement entrepris ;

Aux motifs adoptés que Monsieur [B] reproche à la banque de Tahiti différents manquements à ses obligations ;
-devoir de conseil et d'information : Monsieur [B] a signé auprès de la banque de Tahiti une convention dite « liberté » le 13 février 1998 constituant un compte épargne ; cette convention venait en complément du compte de dépôt, et était productive d'intérêts ; il résulte d'une jurisprudence constante que le principe de non-ingérence de la banque en matière de compte de dépôt s'impose, dès lors que des anomalies de fonctionnement n'ont pas été relevées par la banque ; ainsi, les mouvements du compte d'un titulaire, qui ne présentent pas une apparence d'anormalité, ne peuvent obliger la banque à procéder à des investigations ; Monsieur [B] a effectué des placements financiers qui n'étaient pas commercialisés par la banque de Tahiti ; aucune obligation pré-contractuelle n'était donc à sa charge ; il n'appartenait pas à l'organisme bancaire de se renseigner sur les risques encourus par les placements financiers envisagés par son client, qui aurait pu alors lui reprocher une immixtion dans la gestion de ses affaires ;

-obligation en matière d'ordre de virement : aux termes de l'article 1937 du code civil : « Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui lui a confié, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir » ; appliqué au dépôt bancaire, le régime de la responsabilité du banquier qui se défait des fonds sur présentation d'un faux ordre de paiement repose sur la distinction entre l'ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et l'ordre de paiement falsifié ; il appartient au banquier, tenu de restituer les fonds déposés par son client, d'établir que l'ordre de virement qu'il a effectué émanait de ce dernier ; monsieur [B] doit donc démontrer le caractère faux du virement bancaire allégué ; il appartient alors au banquier dépositaire, pour se libérer, de rapporter la preuve que l'ordre de paiement n'est pas un faux mais qu'il a bien été initié par le client ; à défaut de pouvoir du donneur d'ordre, aucun paiement au sens de l'article 1239 du code civil ne saurait exister ; il résulte des pièces du dossier, qu'entre 1999 et 2002, Monsieur [B] a donné 11 ordres de virement bancaire en faveur de la société IMC, via la Barclays Bank, par l'intermédiaire de son mandataire, Madame [E], sans jamais avoir contesté les opérations auprès du dépositaire de ses fonds, la banque de Tahiti ; la signature apposée sur chacun des dossiers et ordres de transfert est bien celle de Monsieur [B], et est identique à celle apposée lors de la souscription à la convention liberté ; Monsieur [B] ne peut donc soutenir que l'ordre de virement bancaire était un faux et qu'il n'a pas adhéré à l'opération de transfert de fonds ; peu importe, dès lors, que Monsieur [B] ne se soit pas présenté physiquement au guichet de la banque de Tahiti, ainsi qu'il le soutient, sans toutefois en rapporter la preuve ; de plus, le silence gardé par un client à la réception d'un relevé de compte vaut approbation implicite de ce relevé ; il s'agit d'une présomption de régularité des opérations qui y sont relatées ; il appartient au client de rapporter, pendant le délai conventionnel ou à défaut de prescription, la preuve de l'irrégularité des opérations de nature à engager la responsabilité du banquier ; aucune négligence ne peut être reprochée à l'organisme bancaire ; de plus, les banques ne sont soumises à une obligation dite de vigilance d'un compte que si celui-ci présente un fonctionnement anormal ; les mouvements du compte d'épargne de Monsieur [B] consécutifs à ses ordres de transfert n'avaient pas le caractère d'anormalité imposée par la jurisprudence ; au surplus, la violation des dispositions du code monétaire et financier dans ses rédactions résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, postérieures aux transferts financiers effectués par Monsieur [B], ne peut être invoquée ; par ailleurs, les banques sont assujetties, en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de lutte contre le financement du terrorisme, à des obligations légales et réglementaires ; des dispositions spécifiques imposent aux établissements bancaires d'être attentif aux opérations de leurs clients et de déterminer un niveau d'alerte quand une opération bancaire s'avère anormale ; cette obligation n'offre pas aux banques le droit de s'immiscer dans les affaires de leurs clients ; les anomalies décelées doivent être apparentes ; selon une jurisprudence constante, l'action de l'investisseur, qui reproche à la banque un manquement à son devoir de vigilance, ne peut être accueillie dès lors que le transfert de sommes d'argent de son compte ne constitue pas en soi une opération anormale ; il appartenait à Monsieur [B] d'adopter un comportement de prudence et de bon père de famille à l'occasion de ses choix de placements financiers ; la forte rentabilité du rendement proposé par la société IMC, en inadéquation avec l'état du marché financier, aurait dû l'alerter ; il ne saurait se décharger de sa propre responsabilité sur le dépositaire de ses fonds ; en conséquence, il convient de rejeter toutes les demandes ;

1°) ALORS QUE le banquier, qui est interrogé par un client sur un placement financier qu'il envisage de réaliser, doit l'informer et le mettre en garde contre le risque de l'opération projetée ; que M. [B] faisait valoir que la Banque de Tahiti avait manqué à son obligation d'information et de mise en garde en n'attirant pas son attention sur les risques que présentait l'adhésion à des contrats de « joint-venture », de nature spéculative, qui lui était proposée par une société de courtage, Crystal Finance Polynésie, établissement avec lequel la Banque Tahiti traitait habituellement, et sur laquelle il envisageait le déplacement de son épargne jusqu'alors investie au sein de la Banque de Tahiti en produits sécurisés d'assurance-vie quand la nature inhabituelle du support juridique proposé, la rentabilité annoncée et l'ampleur des placements étaient nécessairement suspectes pour un professionnel ; qu'en se fondant, pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information et de conseil, sur la circonstance que les placements effectués par M. [B] n'étaient pas commercialisés par la Banque de Tahiti et qu'il n'appartenait pas à l'organisme bancaire de se renseigner sur les risques encourus par les placements financiers envisagés par son client auprès d'autres organismes, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants et impropres à écarter le manquement de celle-ci à son devoir d'information et de mise en garde, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE le banquier ne se dessaisit valablement des fonds ou des titres inscrits dans ses livres au nom de son client que sur les ordres du titulaire du compte, de son représentant légal ou des personnes qu'ils ont habilitées et il lui appartient d'établir la régularité des ordres de virement qu'il a exécutés ; que M. [B] faisait valoir que Mme [E], agent de la société Crystal Finance, était intervenue en ses lieu et place au guichet de la Banque de Tahiti sans que la banque vérifie son identité, sa qualité et son pouvoir cependant que cette simple vérification préalable aurait permis de démasquer le caractère illégal de son activité et d'arrêter la « cavalerie » ; qu'en décidant que la banque n'avait commis aucune faute en exécutant les ordres de virement présentés par Mme [E] bien que celle-ci, non identifiée, s'était présentée à ses guichets et y avait traité des opérations en lieu et place de M. [B] sans aucune vérification de son identité, de sa qualité et de son habilitation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE le banquier est tenu d'une obligation de prudence et de vigilance, qui lui impose de relever les anomalies apparentes dans le fonctionnement d'un compte ; que M. [B] faisait valoir que l'incurie de la Banque de Tahiti était caractérisée, en ce qu'elle ne l'avait jamais contacté, à l'occasion des opérations de transfert de fonds alors qu'elle traitait, en violation du secret bancaire, avec un tiers démuni de procuration et en ce qu'elle n'avait pas réagi à la vue de documents incomplets dans le cadre d'opérations défaillantes, se présentant dans des conditions inhabituelles de complexité ; qu'en retenant que la Banque de Tahiti n'avait pas manqué à son devoir de vigilance dans le fonctionnement du compte bancaire de M. [B] au prétexte que ces opérations apparaissaient cohérentes avec la connaissance que la banque avait de son client, ce d'autant plus que M. [B] avait informé sa banque de placements qu'il effectuait à l'étranger, quand le mode de fonctionnement anormal du compte devait au contraire attirer l'attention de la banque et justifiait une surveillance accrue, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

4°) ALORS QUE les juges ne peuvent mettre à la charge d'une partie la preuve d'un fait négatif ; que M. [B] reprochait à la Banque de Tahiti d'avoir exécuté des ordres de virement non présentés par ses soins au guichet de la Banque de Tahiti sans s'assurer de l'identité du tiers qui avait renseigné ces ordres de virement (conclusions p. 24 et s.) ; qu'en retenant que M. [B] n'établissait pas qu'il ne s'était pas présenté physiquement au guichet de la Banque de Tahiti, la cour d'appel, qui a mis à sa charge la preuve d'un fait négatif impossible à rapporter, a violé l'article 1353 du code civil ;

5°) ALORS QUE le banquier est tenu d'une obligation de vigilance renforcée en matière de virements internationaux ; que M. [B] faisait valoir que la Banque de Tahiti, ne pouvait se contenter d'un simple visa de réception des ordres de virement mais devait exercer un contrôle scrupuleux des opérations réalisées à ses guichets dès lors qu'elles portaient sur une somme supérieure à 150.000 euros, qu'elles se présentaient dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraissaient pas avoir de justification économique ; qu'en retenant que l'absence de visa d'authentification de signature, de sceau Trafin, d'indication du motif économique du transfert et l'impossibilité d'obtenir les bordereaux de gestion des transferts étrangers étaient sans incidence au prétexte que M. [B] avait consenti à ces transferts, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant et impropre à écarter l'obligation de vigilance renforcée en matière de virements internationaux à la charge de la banque, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-16.173
Date de la décision : 30/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°20-16.173 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 30 mar. 2022, pourvoi n°20-16.173, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16.173
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award