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23/03/2022 | FRANCE | N°20-20.298

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 23 mars 2022, 20-20.298


CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2022




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10248 F

Pourvoi n° B 20-20.298




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022

Mme [W] [S], épouse [T], domicili

ée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 20-20.298 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à...

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2022




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10248 F

Pourvoi n° B 20-20.298




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022

Mme [W] [S], épouse [T], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 20-20.298 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [J] [S], veuve [N], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à Mme [K] [S], divorcée [G], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à M. [Y] [S], domicilié [Adresse 5],

4°/ à Mme [P] [S], domiciliée [Adresse 2],

5°/ à Mme [O] [R], veuve [S], domiciliée [Adresse 4],

6°/ à M. [U] [S], domicilié [Adresse 8],

7°/ à M. [V] [S], domicilié [Adresse 11],

8°/ à Mme [L] [S], épouse [C], domiciliée [Adresse 9],

9°/ à M. [B] [S], domicilié [Adresse 10],

10°/ à Mme [Z] [S], épouse [A], domiciliée [Adresse 7],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de Me Bouthors, avocat de Mme [W] [S], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mmes [L] et [Z] [S] et de M. [B] [S], après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [W] [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] [S] et la condamne à payer à Mmes [L] et [Z] [S] et M. [B] [S] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president






Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme [W] [S].

Premier moyen de cassation

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [T] de sa demande tendant à voir requalifier l'acte de donation du 6 mai 1994 en opération globale à titre onéreux;

aux motifs propres que : « 1- Sur la demande de requalification de l'acte de donation du 6 mai 1994 en opération globale à titre onéreux: Reprenant leur argumentation de première instance, Mme [W] [S] épouse [T], Mme [J] [S] veuve [N], Mme [K] [S] divorcée [G], M. [Y] [S], Mme [P] [S], Mme [O] [R] veuve [S], M. [U] [S], M. [V] [S] soutiennent ensemble, pour l'essentiel, que la donation du 6 mai 1994 n'est pas une libéralité et ne peut être rapportée sur le fondement de l'article 922 du code civil, qu'il convient de la mettre en relation avec la cession de fonds de commerce, que le bail était résilié, que le camping avait fait l'objet d'une fermeture administrative en raison de manquements aux règles de sécurité, que les terres étaient dans un état déplorable, que le fonds de commerce était inexistant et que la remise en exploitation à l'usage de camping nécessitait la réalisation de travaux pour 800.000 Francs, et finalement que ce montage; qui doit être envisagé dans sa globalité, devait permettre à M. [M] [S] de percevoir jusqu'à la fin de ses jours la somme de 8000 Francs par mois alors qu'il était auparavant privé de ressources. Les intimés concluent que la donation de la nue-propriété du terrain de camping était bien réelle et que la fiction d'une seule et même opération est dépourvue de fondement juridique et n'a aucune consistance matérielle. Sur ce : Il est exact que sont intervenus le même jour (6 mai 1994) trois actes, recueillis et dressés par le même notaire: -la donation de la nue-propriété par préciput et hors part à Mme [W] [S], des parcelles servant aux locations du camping, - la vente par [M] [S] du fonds de commerce de location d'emplacements de camping à la SARL Camping de l'Ile des Demoiselles, au prix de 450 000 Francs, payable par crédit- vendeur en 100 échéances, - la conclusion d'un bail commercial par M. [M] [S] au profit de la SARL Camping de l'ile Demoiselle moyennant un loyer de 3500 Francs par mois (533.57 euros) ayant pour objet les parcelles de terre ainsi données pour l'exploitation des activités commerciales de location d'emplacement pour le camping, avec activités annexes pouvant s'y rattacher. Ainsi que le premier juge l'a relevé par des motifs pertinents et complets, qui ne sont pas utilement critiqués en cause d'appel et que la cour adopte, il n'existe pas de circonstance objective permettant de faire de ces actes juridiques une opération unique, conférant un caractère onéreux à la donation du foncier. En effet, Mme [W] [T] était bien donataire des parcelles mais n'était pas acquéreur du fonds de commerce, qui a été acheté par la SARL Camping de l'Ile Demoiselle, et seule cette personne morale était débitrice du prix payable en 100 échéances ainsi que des loyers du bail commercial. Sauf à ignorer la personnalité juridique propre d'une SARL, il ne peut être valablement soutenu qu'il ne s'agirait là que d'une interposition de personnes, qui ne faisait pas obstacle à un rapport à succession, d'autant plus que Mme [W] [T] était certes gérante mais seulement associée très minoritaire, comme titulaire de 24 % seulement des parts du capital social de la société Camping de l'Ile Demoiselle, les autres associés étant selon les statuts établis le 24 mars 1994, son époux M. [D] [T] (qui a versé 12000 Francs en numéraire soit 24 % du capital), et son beau-père, M. [I] [T], qui était caution solidaire des prêts obtenus par la société mais qui avait aussi versé 26.000 euros pour l'achat de ses parts ainsi que cela résulte de l'article 8 titre II des statuts, contrairement à ce que soutiennent les appelants. Ce dernier se trouvait donc titulaire de la majorité des parts sociales (52 %) et pouvait donc imposer ses décisions de gestion et d'investissement. Par ailleurs, le fait que la donation du foncier en nu-propriété à Mme [T] ait sécurisé la situation de la SARL, et permis l'obtention de prêts, en lui évitant le risque d'une division des parcelles dans le cadre d'un partage successoral ne peut avoir d'incidence sur le dépouillement actuel et irrévocable de M. [T] sur ses droits en nu-propriété, ce qui caractérise bien la donation au sens de l'article 894 du code civil, d'autant plus que l'acte de donation était dépourvu de toute charges à l'exception de celles usuelles figurant à la clause- type et portait sur un ensemble foncier de 63347 m2 d'un seul tenant (à l'exception d'une petite enclave) dont la valeur en toute propriété avait été fixée comme suit dans le rapport d'expertise de M. [H] du 16 février 1994:- 500.000 Francs maximum abstraction faite de l'existence du camping, - 1.100.000 Francs pour la valeur totale du camping, foncier et fonds confondus, pour un acquéreur qui ferait ouvrir le site après avoir fait effectuer les travaux nécessaires,- 800.000 Francs (valeur totale du site), compte tenu de la situation administrative actuelle avec possibilité mais non certitude de réouverture. En d'autres termes, le risque économique assumé par la SARL lors de la reprise de l'exploitation du camping et la réalisation d'investissements importants avec recours à des emprunts ne saurait avoir pour effet de conférer un caractère unique et onéreux à l'ensemble des actes intervenus le 6 mai 1994. Les appelantes contestent ensuite le jugement, en ce qu'il a considéré que le fonds de commerce avait une véritable valeur à la date de sa vente. Le rapport précité met à néant cette argumentation, et il convient également d'adopter les motifs pertinents et complets du tribunal, qui a relevé à juste titre que lors de la vente du fonds de commerce, le 6 mai 1994, une décision de réouverture était bien intervenue par arrêté municipal du 26 avril 1994, étant précisé que cette décision était certes provisoire, mais soulignait dans sa motivation "le respect partiel des conditions imposées par les arrêtés et le montant des travaux engagés par le propriétaire gestionnaire". En outre, l'acte de vente du fonds de commerce stipule bien que celui-ci comporte la clientèle et l'achalandage y attaché. Cette clientèle n'avait pu disparaître après seulement une saison de fermeture alors que le camping était exploité depuis 1957, par une association connue, en attirant une clientèle fidèle qui avait même fait une pétition pour la réouverture le 23 février 1993 et téléphonait régulièrement en mairie (ce qui est repris dans l'arrêté municipal du 9 mars 1993), en sorte que le chiffre d'affaires du camping s'est élevé dès l'été 1994 à la somme de 373.925 Francs, pour atteindre 426.720 Francs l'exercice suivant, ce qui confirme la notoriété et la renommée de ce site, implanté en bord de Marne à environ 40 kilomètres de Paris. Il sera seulement précisé qu'il existait bien un droit au bail lors de la cession compte tenu de la signature d'un bail commercial au profit de la SARL le 6 mai 1994, pour une location d'emplacements de camping, auquel était annexé l'arrêté municipal d'autorisation d'exploiter le terrain. Il est donc erroné de soutenir que le fonds de commerce était sans valeur ni objet. Le fait que deux des actes conclus le 6 mai 1994 (le bail commercial et la vente du fonds de commerce) aient pu présenter un intérêt économique pour le donateur, en lui procurant un revenu au titre de son usufruit et du crédit- vendeur, ne peut avoir aucune incidence sur la qualification de donation de la nu-propriété du foncier. C'est également à juste titre que le tribunal a écarté l'argument selon lequel les actes du 6 mai 1994 n'étaient réalisés (que) pour venir en aide à [M] [S], en situation de dénuement, et qui se serait trouvé privé de ressources après le départ du locataire, puisque les relevés de compte bancaire CIO versés au débat démontrent qu'il a en réalité thésaurisé en grande partie les loyers qui lui étaient versés par la SARL et les échéances du crédit vendeur (le solde de son compte passant de 25.280,43 Francs au 16 mai 1994 à 71.540,87 Francs au 30 décembre 1994, étant précisé qu'il est tenu compte d'un retrait de 20.000 Francs opéré le 28 octobre 1994 dont l'utilisation demeure inconnue mais qui ne pouvait correspondre à des besoins mensuels récurrents, destinés à compléter ses pensions de retraite). De même, il convient d'écarter, comme inopérant quant aux points à juger par la cour, le débat opposant les parties concernant l'authenticité de la lettre de résiliation du bail, et les bénéficiaires réels des retraits effectués sur le compte bancaire de M. [S] entre le 29 octobre 1994 et le 12 janvier 2002. Il convient donc de confirmer le jugement, en ce qu'il a dit que l'acte de donation du 6 mai 1994 constituait bien une libéralité (arrêt attaqué p. 10, § à p. 12, § 1 à 4) ;

et aux motifs adoptés des premiers juges que : « Sur la demande de requalification de l'acte de donation du 06 mai 1994 en opération globale à titre onéreux : Les défendeurs font soutenir à titre principal que la donation en nue-propriété du foncier à Madame [W] [S] épouse [T] en date du 06 mai 1994 et la cession de fonds de commerce de même date à la SARL Camping L'Ile Demoiselle constituent une opération d'ensemble à titre onéreux ayant eu pour objectif de maintenir un niveau de revenus décent à leur père Monsieur [M] [S] et qu'il convient donc d'appréhender dans son ensemble. Ils demandent donc de requalifier la donation en opération onéreuse. Il convient d'observer d'une part que si les deux actes concernés sont de même date savoir le 06 mai 1994, en revanche les parties sont différentes en ce que la donataire de la nue-propriété du foncier où est exploité le camping est Madame [W] [T], tandis que la vente du fonds de commerce de location d'emplacements pour le camping avec activités annexes pouvant s'y rattacher est faite au profit de la SARL Camping L'Ile Demoiselle dont celle-ci est gérante et associée avec Messieurs [I] et [D] [T]. Les statuts de cette société ont été établis par acte sous seing privé du 24 mars 1994 enregistré le 06 avril 1994 et il n'est pas contesté que Madame [T] ne détient que 24 % des parts, son mari 24 % et le père de celui-ci 52 % des parts. Il ne peut non plus être soutenu sérieusement que Monsieur [M] [S] donateur et vendeur du fonds était totalement privé de ressources à la suite de la résiliation des baux passés avec Camping Club de France, dès lors que les pièces du dossier font ressortir qu'il disposait alors d'une retraite annuelle de 29.565 francs soit 2.463,75 francs par mois (375,59 euros) et qu'il était propriétaire de la maison qu'il occupait à [Localité 15] et n'avait donc pas de charge de logement (loyer ou prêt). De surcroît les relevés de compte pour 1994 de Monsieur [M] [S] montrent que les sommes perçues au titre du crédit vendeur (4.500 francs par mois) et au titre des loyers (3.500 francs) soit 8.000 francs au total virés au crédit du compte CIO de celui-ci chaque mois sous l'intitulé "virement camping" n'étaient à l'évidence pas destinés à ses besoins courants dans la mesure où ces sommes ont permis d'abonder le crédit en compte de dépôt qui est passé de 25.280,43 francs au 16 mai 1994 à 71.540,87 francs au 30 décembre 1994. En toute hypothèse quand bien même il apparaît que les revenus de l'époque du donateur étaient modestes, cela ne saurait emporter ipso facto requalification de la libéralité ainsi consentie à sa fille. Il ne peut pas non plus être argué de l'absence totale de valeur du fonds alors qu'un rapport d'estimation établi par Monsieur [H] expert en estimations immobilières près la Cour d'Appel de Paris a pu retenir le 16 février 1994 une valeur totale du camping foncier et fonds confondus à 1.100.000 francs HD dont 500.000 francs HD pour le foncier valeur maximum, pour un acquéreur qui ferait rouvrir le site après avoir effectué les travaux nécessaires. Or lors de la donation et de la vente soit le 06 mai 1994 le camping avait fait l'objet d'une décision de réouverture selon arrêté du 26 avril 1994. Dès lors il apparaît que le camping a été fermé pour raisons administratives du 09 mars 1993 au 26 avril 1994 soit un peu plus d'un an. Il est totalement hasardeux de prétendre que ce fonds aurait perdu toute sa valeur alors qu'il était exploité depuis 1957 soit 36 ans, que l'exploitation a été interrompue un seul été, que les campeurs avaient fait une pétition le 23 février 1993 contre le projet de fermeture, que le Camping Club de France avait dès l'été 1993 fait des propositions par courrier du 19 août 1993 pour établir un dossier administratif et technique afin de répondre aux exigences fixées par l'arrêté du 28 juin 1993 fixant les conditions dans lesquelles la réouverture pourrait être autorisée. Cette proposition a été fermement déclinée en forme de fin de non-recevoir à l'entête de Monsieur [M] [S] selon courrier du 28 août 1993 manifestement non écrit de sa main (par comparaison avec les notes manuscrites de celui-ci versées aux débats par les défendeurs). Par ce courrier il est pris purement et simplement en compte la résiliation et demandé la restitution des lieux et installations pour septembre 1993. En outre il importe de relever que pour la période d'exercice de mars 1994 à mars 1995 le chiffre d'affaires de la SARL Camping L'Ile Demoiselle s'est élevé à 373.925 euros ce qui établit que le fonds n'avait aucunement accusé une perte totale de valeur. Au vu de ces observations, le Tribunal écartera la demande principale tendant à voir requalifier la donation en opération onéreuse » (jugement p. 6, 3 derniers § à p. 7, § 1 à 3) ;

1°) alors que, premièrement, seule une libéralité supposant un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession et tout acte, conclu parallèlement à la donation, destiné à procurer au donateur une contrepartie faisant disparaître le caractère gratuit de la donation, confère à l'ensemble contractuel un caractère onéreux quand bien même cet acte serait-il conclu par une personne morale interposée; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que par trois actes conclus le même jour, soit le 6 mai 1994, M. [S] avait, pour permettre l'exploitation d'un camping lui assurant des revenus, donné la nue-propriété de parcelles de terres, uniquement destinées à l'exploitation du camping, à Mme [T], laquelle avait constitué la société Camping de l'Ile Demoiselle à l'effet d'acquérir le fonds de commerce de camping et de prendre à bail lesdites parcelles ; que dès lors, la donation, la vente du fonds de commerce et le bail commercial formaient nécessairement un ensemble tripartite à caractère onéreux destiné à procurer des revenus au défunt par l'exploitation d'un camping mis à l'abri des opérations de partage successoral à venir ; qu'en déniant cependant tout caractère onéreux à cet ensemble contractuel au motif erroné que la vente et le bail avaient été conclus avec une société dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de la donataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 893 et 922 du code civil ;

2°) alors que deuxièmement, seule une libéralité supposant un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession et tout acte conclu parallèlement à la donation, destiné à procurer au donateur une contrepartie faisant disparaître le caractère gratuit de la donation, confère à l'ensemble contractuel un caractère onéreux ; que pour dénier cependant tout caractère onéreux à la convention tripartite formée de la donation en nue-propriété des terres uniquement destinées à l'exploitation d'un emplacement de camping, de la vente du fonds de commerce du camping et du bail commercial sur lesdites terres conclus le même jour, la cour d'appel a retenu que même si ces deux derniers actes avaient effectivement procuré un revenu au titre de son usufruit et du crédit-vendeur, au donataire, celui-ci n'aurait pas été privé totalement de ressources et aurait thésaurisé une partie de ces sommes (arrêt attaqué p. 12, deux premiers §) ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant dès lors qu'il était expressément établi que le donataire s'était vu garantir, par le biais du bail et de la vente du fonds de commerce, une contrepartie de nature à faire disparaître le caractère gratuit de la donation consentie, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 893 et 922 du code civil ;

3°) alors que troisièmement, seule une libéralité supposant un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession et que tout acte conclu parallèlement à la donation, destiné à procurer une contrepartie au donateur de nature à faire disparaître le caractère gratuit de la donation, confère à l'ensemble contractuel un caractère onéreux; que pour dénier cependant tout caractère onéreux à la convention tripartite formée de la donation en nue-propriété des terres destinées à l'exploitation d'un d'un camping, de la vente du fonds de commerce du camping et du bail commercial sur lesdites terres conclus le même jour, la cour d'appel a retenu que le fonds de commerce, fermé par arrêté du 9 mars 1993 et dont la réouverture prise à titre provisoire par arrêté du 26 avril 1994 était conditionnée à la réalisation de travaux soumis à l'appréciation de la commission départementale chargée des campings, avait une véritable valeur à la date de sa vente, de sorte que l'ensemble contractuel tripartite n'avait pu avoir pour but de conférer de la valeur au fonds (arrêt attaqué p. 11, dernier §) ; qu'elle ne pouvait en décider ainsi sans rechercher si les travaux de remise en état du camping pour un montant global de 800.000 frs (121.959,21 €), effectués par la donataire par le truchement de la société Camping de l'Ile Demoiselle dont elle était gérante, n'avaient pas nécessairement contribué à accroitre la valeur du camping de sorte que l'ensemble contractuel tripartite avait eu effectivement pour but de conférer de la valeur au fonds, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 893 et 922 du code civil.

Second moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame [T] de ses demandes tendant, au cas où l'acte de donation du 6 mai 1994 serait considéré comme une libéralité, à voir dire que la valeur du bien donné ne saurait excéder 60.000 € et par suite la quotité disponible, de l'avoir déboutée de sa demande de contre-expertise et d'avoir fixé le montant de l'indemnité de réduction due à la suite de la donation considérée comme préciputaire du terrain de camping du 6 mai 1994, à la somme de 249.873,84 € ;

aux motifs propres que : « 2- Sur la demande subsidiaire tendant à voir dire que la libéralité n'excède pas la quotité disponible: En application des articles 912 et 913 du code de procédure civile, les libéralités ne peuvent excéder le quart des biens du disposant, s'il laisse à son décès trois enfants ou plus, ce qui est le cas en l'espèce. Selon les dispositions d'ordre public de l'article 922 du code civil, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Comme ils l'avaient fait devant le tribunal, les appelants soutiennent en page 31 de leurs dernières écritures qu'à la date de la donation, le 6 mai 1994, les parcelles étaient dans un état lamentable, et ils critiquent le rapport de Mme [E], qui aurait commis une erreur méthodologique, en partant du principe que le terrain de camping était déjà exploité, et sans distinguer entre la valeur du foncier et celle du fonds de commerce susceptible d'être à terme exploité, une fois les autorisations requises obtenues. Les appelants font valoir que les terres auraient dû être évaluées sur la base de la valorisation de terrain de loisir, de l'ordre de 7000 euros par hectare. Sur ce: L'expert Mme [E] a pu reconstituer l'état des parcelles et des constructions qui s'y trouvaient implantées au 6 mai 1994 (cabanons, blocs sanitaires, bâtiment en dur) dont la plupart anciennes ou en mauvais état, à partir du procès-verbal de constat d'huissier du 31 janvier 1994 et des photographies annexées, et du rapport d'estimation établi par M. [H] en date du 16 février 1994, qui soulignaient la nécessité de remplacer à court ou moyen terme les bâtiments, et surtout les sanitaires, et celle de reprendre l'installation électrique (supprimée par le locataire précédent) et l'installation d'eau. Mme [E] a tenu compte également de la bonne situation du camping, facilement accessible, bordé par un chemin de halage le long de la Marne, qui avait été classé en catégorie une étoile le 22 mai 1973 pour 200 emplacements autorisés. Pour déterminer la valeur à la date du décès, Mme [E] s'est basée à juste titre sur une comparaison entre les référence de cession de terrains de camping et de terrains de loisir ayant donné lieu à enregistrement dans les années 2002 à 2007 dans la région d'[Localité 12] (communes de [Localité 17], [Localité 16], Villebaude) faisant ressortir une valeur moyenne de 82.533 euros par hectare, pour des terrains mieux équipés et situés et les références de terrains dits de loisirs, dont la valeur variait de 4.770 euros par hectare en 2003 (commune d'[Localité 12]) et 7.622 euros par hectare (commune de [Localité 14]) en 2000. L'expert a retenu à juste titre qu'à la date de la donation du foncier, le 6 mai 1994, le principe de la possibilité d'exploiter les parcelles à usage de camping 1 étoile était préservé, dès lors qu'était intervenu le 26 avril 1994 un arrêté du maire de la commune d'[Localité 12], autorisant l'ouverture à titre provisoire à compter du 30 avril 1994, sans durée définie autre que la date du passage de la commission départementale chargée des campings. Ainsi que le tribunal l'a relevé à bon droit, le caractère provisoire de l'autorisation ne pouvait conduire d'office à un déclassement de ces terrains en simples terrains de loisirs. Après avoir pratiqué une décote par rapport à la valeur à l'hectare de terrains mieux équipés, détaillés en page 13 de son rapport (par exemple une valeur de 82.127 euros à l'hectare pour un terrain situé commune de [Localité 17]), l'expert a retenu juste titre une base d'évaluation de 70.000 euros l'hectare en 2002 pour le terrain litigieux soit 70.000 x 6 ha 23 a 75 ca = 436.625 euros, outre la valeur d'une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 13] (20.230 euros), soit un total de 456.855 euros. Le tribunal a ensuite, conformément aux préconisations de l'expert, déduit de cette valeur le coût de la création d'une issue de secours réalisée en 1996-1997, pour un coût évalué à 33.435 euros (en tenant compte de l'évolution de l'indice INSEE entre mai 1994 et mai 1996), et celui des travaux de mise en conformité électrique réalisés. L'expert a considéré en outre qu'il convenait de déduire de la valeur vénale l'achèvement de la mise aux normes de l'installation électrique, réalisée à 85 % en juillet 1994 soit 15 % de 93.264 euros = 47.425 euros. La valeur du bien au jour du décès de M. [S] en 2002, dans son état lors de la donation en 1994, a été fixée à juste titre à la somme de 456.855 - 47.425= 409.430 euros. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne peut être tenu compte, comme cause de réduction de la valeur vénale des terrains, des travaux entrepris avant même la donation, ayant donné lieu à facture le 6 mai 1994 par la société SITELEC, d'un montant de 348. 275,21 Francs soit 53.094,21 euros). En effet, ces travaux n'ont pas été financés par la donataire mais par la SARL Camping de l'Ile Demoiselle, dont le nom figure sur l'ensemble des factures de remise aux normes de l'électricité. Les parties à l'acte de donation ne pouvaient ignorer l'importance des travaux déjà exécutés à la date du 6 mai 1994. L'expert a retenu qu'au jour de l'expertise, le terrain était classé en zone inconstructible, et que le marché des campings était stabilisé depuis plusieurs années, de sorte qu'en considération de l'état des lieux existant en mai 1994, et d'un prix de base de 70.000 euros par hectare, l'ensemble foncier devait être évalué à 397.245 euros à la date de l'expertise. Par ailleurs, il n'y avait pas lieu de prendre en considération un aléa dans l'exploitation des parcelles à usage de camping, de nature à justifier une décote supplémentaire de 20%, comme proposé à titre subsidiaire par l'expert, car il ressort de la correspondance adressée le 19 janvier 1996 par le bureau de l'urbanisme de la Préfecture de Seine et Marne qu'aucune mesure de contrainte particulière n'a été prise à l'égard de l'exploitation dans les suites immédiates de la visite du terrain par la sous-commission de la CDAT le 9 juin 1994, au vu des travaux en cours, qui ont pu être régularisés sans difficulté en dépit de l'absence de demande préalable d'autorisation d'aménager, avec simplement une réduction de la capacité d'accueil de l'établissement à 75 emplacements jusqu'à réalisation des travaux de raccordement des locaux sanitaires au réseau communal dans un délai d'un an. Seul un avis défavorable a été donné concernant le projet de construction d'un bâtiment devant recevoir un nouveau logement. Il convient pour le reste d'adopter les motifs pertinents, complets et détaillés du premier juge, qui ne sont pas utilement contestés en cause d'appel. La cour confirmera donc le montant de la réduction due par Mme [T] à la somme de 249.873,84 euros soit: 257.738,42 euros (montant de la quotité disponible) /409.430 euros (valeur au jour du décès selon son état au jour de la donation) x 397.245 euros (valeur au jour de l'expertise). »(arrêt attaqué p. 12, § 5 à p. 14, § 1 et 2).

et aux motifs adoptés des premiers juges que : « Subsidiairement les défendeurs demandent de dire, si la donation du 06 mai 1994 est considérée par le Tribunal comme une libéralité, que cette libéralité est soumise à réunion fictive et que la valeur du bien donnée ne saurait excéder 60.000 euros et donc ne peut excéder en l'espèce la quotité disponible. Si les dispositions de l'article 860 du Code Civil ne peuvent être invoquées en l'espèce s'agissant d'une donation qualifiée expressément aux termes de l'acte notarié du 06 mai 1994 de "Donation entre vifs par préciput et hors part et par suite avec dispense de rapport il n'en reste pas moins qu'elle doit être examinée à l'aune des dispositions de l'article 922 du même code selon lesquelles : " La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer » Les défendeurs rappellent qu'il y a lieu de déterminer quelle était la valeur des biens donnés au jour du décès du donateur d'après leur état à l'époque de la donation. Ils critiquent le rapport d'expertise de Madame [E] lui reprochant essentiellement: -d'avoir évalué les terres en tenant compte d'une potentialité d'exploitation du camping sans distinguer entre ce qui concerne la valeur du foncier et la valeur attachée à l'exploitation (fonds de commerce) et sans se placer antérieurement à la donation compte tenu des travaux engagés par l'exploitant dans les jours précédant l'acte, -de n'avoir pas saisi la portée de sa mission à savoir la détermination de la valeur du bien immobilier au jour du décès dans l'état où il se trouvait avant la réalisation des travaux financés par la donataire ou la société qui allait exploiter le camping. Ils proposent de retenir la valeur d'une terre agricole ou de terrains de loisirs de l'ordre de 7.000 euros l'hectare et soulignent qu'en l'occurrence il n'y a pas eu dépassement de la quotité disponible. Plus subsidiairement ils sollicitent que soit ordonnée une mesure de contre-expertise. Il est constant que l'expert judiciaire a reçu pour mission aux termes du jugement du Tribunal de Grande Instance des Sables en date du 27 avril 2007 de donner au tribunal tous éléments de nature à déterminer quelle est, aux dates suivantes, la valeur de ces parcelles, dans l'état dans lequel elles étaient au 06 mai 1994, valeur au 08 avril 2002 d'une part, valeur à la date des opérations d'expertise d'autre part. L'expert a complètement saisi la portée de sa mission dans la mesure où il a bien reconstitué les aménagements existants à la date du 06 mai 1994 à partir des documents qu'il a pu réunir savoir le constat d'huissier de justice du 31 janvier 1994, le rapport d'estimation de Monsieur [H] expert en estimations immobilières près la Cour d'Appel de Paris du 16 février 1994 et sur la base de la situation juridique et d'occupation des parcelles à cette date. L'expert judiciaire a relevé qu'un arrêté municipal de réouverture provisoire avait été délivré le 27 avril 1994 à effet au 30 avril 1994, soit antérieurement au 06 mai 1994 date de l'acte de donation, de l'acte de cession du fonds et du contrat de bail entre Monsieur [S] et la société Camping L'Ile Demoiselle. Cet expert (page 14 du rapport) a bien tenu compte que l'arrêté avait été pris en attente de la réalisation des travaux de mise aux normes exigés et indiqué que le camping pouvait fonctionner dès la date du 30 avril 1994. Par cet avis motivé, il a estimé que les terrains pouvaient dès lors être considérés comme à usage effectif de terrains de camping et d'ailleurs exploités comme tels par bail conclu le 06 mai 1994. L'expert a clairement précisé : "le caractère provisoire de l'autorisation délivrée ne pouvant conduire d'office à un déclassement de ces terrains en qualité de simples terrains de loisirs Il a ainsi considéré que les conditions d'une ré exploitation technique et administrative du terrain de camping étaient réunies au 06 mai 1994. Sur cette base Madame [E], exception faite d'une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 13] d'une contenance de 578 m2 estimée en tant que terrain à bâtir à la somme de 20.230 euros, a évalué la valeur vénale du reste du terrain soit 6 ha 23 a 75 ca compte tenu de l'engagement des travaux de mise aux normes dès le 06 mai 1994 (page 15 du rapport) situé en zone inondable en catégorie 1*, n'offrant que des aménagements courants et comportant diverses servitudes, sur une base de 70.000 euros /ha soit 436.625 euros (70.000 euros x 6 ha 23 a 75 ca) soit une valeur vénale globale de 456.855 euros. L'expert a ensuite eu soin de déduire de cette valeur vénale le coût de la création d'une issue de secours réalisée en 1996/1997 ramenée en valeur 1994 à 33.435 euros et de l'achèvement de la mise aux normes de l'installation électrique réalisée à 85 % en juillet 1994 soit 13.990 euros soit au total un coût de travaux de 47.425 euros. L'expert a donc estimé la valeur vénale des terrains à la date du 06 mai 1994 à 409.430 euros (456.855 euros - 47.425 euros), sauf à considérer qu'il aurait lieu d'appliquer une décote supplémentaire de 20 % si le Tribunal devait estimer que les conditions d'exploitation de ces terrains demeuraient aléatoires compte tenu des prescriptions administratives existantes à cette date, soit dans cette hypothèse une valeur des terrains ramenée à 327.550 euros. L'expert a ensuite évalué les terrains à la date de ses opérations. Madame [E] a rappelé que le terrain est classé en zone inconstructible et que ses caractéristiques sont identiques au mois de mai 1994. Elle a précisé que le marché des campings était relativement stabilisé depuis plusieurs années et estimé le terrain à la somme de 397.245 euros, sauf à ramener cette valeur à 317.800 euros par application de la décote de 20 %. Cet avis de l'expert ne souffre d'aucune critique tant concernant le respect des chefs de mission impartis, que de la date de l'évaluation, que le montant même de l'évaluation. Il sera ici observé que l'on ne peut s'attacher aux travaux réalisés par la donataire postérieurement à la date de la donation et que l'expert à juste titre a bien retenu la valeur du terrain donné au jour de celle-ci soit le 06 mai 1994. Le bail du 6 mai 1994 (page 5) indique au paragraphe « destination des lieux », « les biens loués sont exclusivement destinés à l'exploitation des activités commerciales suivantes : location d'emplacements pour le camping avec activités annexes : garde, garage, jeux, sports... ». Ce bail n'envisage donc aucunement la perspective « d'une potentialité du terrain à recevoir un camping ». Il s'agit bien de la location à titre commercial d'un terrain constitué d'emplacements pour le camping dont l'autorisation d'exploiter est, au jour de l'acte, effective puisque le Maire d'[Localité 12] avait pris un arrêté en ce sens 8 jours avant ledit bail et ladite donation. Le caractère exploitable du terrain en camping à la date de la donation justifie pareillement l'évaluation non en terrain agricole mais bien en terrain à usage de camping. Concernant le grief fait à l'expert de ne pas avoir distingué la valeur du foncier de celle du fonds, il y a lieu de rappeler que l'expert judiciaire a répondu le 02 février 2009 sur ce point dans une réponse à un dire du conseil des défendeurs en date du 30 janvier 2009, indiquant avoir bien examiné des ventes de terrains avec les bâtis existants, "hors valeur du fonds de commerce relevant essentiellement de l'appréciation du chiffre d'affaires réalisé ». Concernant la valeur à l'hectare retenue Madame [E] a clairement répondu sur ce point et s'est expliqué sur la méthode retenue. L'expert a rappelé que pour des terrains comparables la valeur se situe dans une fourchette entre 80.000 à 100.000 euros /ha et que compte tenu des caractéristiques des terrains en cause en partie en zone inondable disposant d'équipements courants à moderniser une décote de 25 % 30 % a été appliquée par rapport aux prix de vente moyen. Le tribunal ne retiendra par l'argument des défendeurs tiré du compromis de vente du camping (foncier et fonds) en date du 26 janvier 2016 par lequel les "murs" sont évalués 300.000 euros et le fonds 300.000 euros, les parties ayant eu la latitude de ventiler ces valeurs, de chiffrer la valeur du fonds sur la base du chiffre d'affaires annuels des trois derniers exercices selon un rapport différent de celui retenu en 1994 (rapport de 3,9 en 2016, rapport de 1,2 en 1994) et cette cession intervenant plus de 7 ans après les opérations d'expertise. De plus l'expert a également tenu compte dans son évaluation finale de la charge constituée par les travaux de mise aux normes prescrits par l'Administration. Or les prescriptions administratives étalent bien connues des parties dès 1993 soit bien avant l'acte de donation. La SARL exploitant avait déjà commencé à les mettre en oeuvre avant l'acquisition du fonds de commerce et l'arrêté d'ouverture du 26 avril 1994 consacrait la pérennité d'exploitation des terrains qui lui étaient donnés à bail. Par suite le Tribunal homologuera l'estimation expertale et considère n‘y avoir lieu d'appliquer une décote supplémentaire de 20 %. En conséquence la demande de contre-expertise sera rejetée, cette mesure étant au demeurant aujourd'hui très difficilement envisageable, le camping ayant été cédé depuis lors. Au vu de ces observations il y a lieu de fixer en vertu des dispositions de l'article 922 du Code Civil, le montant de l'indemnité de réduction due par Madame [W] [T] suite à la donation préciputaire du terrain de camping du 06 mai 1994 à la somme de 249.873,84 euros (257.538,42 euros montant de la quotité disponible /409.430 euros valeur au jour du décès selon son état au jour de la donation ) x 397.245 euros valeur au jour de l'expertise ) (jugement p. 7, § 4 à p. 9, § 1 à 3) ;

1°) alors que, d'une part, les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à la masse successorale, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession sans considérer les plus-values dues aux améliorations du bien imputables au donataire; qu'aux termes de son rapport, l'expert s'est à tort fondé sur l'état des parcelles données en nue-propriété le 6 mai 1994 à Mme [T] après réalisation par cette dernière des travaux de remise en état et d'amélioration du camping, relevant pourtant p. 14, § 4 de son rapport, sous l'intitulé « Estimation de la valeur vénale des terres » que: « « (…) Les travaux relatifs à la mise aux normes de l'installation électrique ont été réalisés à compter du 6/5/1994 selon factures transmises (…) Par ailleurs, selon courrier de la préfecture de Seine et Marne en date du 29/1/1996 (…) il était précisé que Mme [T] avait entrepris, dès la reprise en gestion du terrain, la réalisation des installations électriques et d'éclairage démontées par le précédent locataire, la création d'une aire de stationnement pour les véhicules des visiteurs à l'entrée du terrain et la construction d'une issue de secours au sud du terrain ainsi que la desserte en eau potable et en électricité de la totalité des emplacements » ; qu'en retenant dès lors la valorisation de l'expert judiciaire tenant compte des améliorations imputables au seul donataire ou réalisées par le truchement de la société qu'elle avait créée, la cour d'appel a violé l'article 922 du code civil ;

2°) alors que d'autre part, seule une libéralité supposant un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession ; que par acte du 6 mai 1994, M. [S] a donné à Mme [T] la seule nue-propriété des parcelles destinées à la location des emplacements de parking à l'exclusion du fonds de commerce de location qu'il a vendu, par acte du même jour, à la société Camping de l'Ile Demoiselle créée et gérée par Mme [T] ; que l'expert judiciaire, Mme [E] a cependant procédé à l'évaluation des parcelles sans distinguer entre la valeur du foncier donné en nue-propriété et la valeur du fonds de commerce susceptible d'être à terme exploité, une fois les autorisations requises obtenues, relevant que : « les conditions d'une réexploitation technique et administrative du terrain de camping étaient réunis au 6/5/1994 » pour en déduire que « la valeur vénale du (…) terrain (…) exploitable en qualité de terrain de camping compte tenu de l'engagement des de travaux de mise aux normes dès le 6/5/1994 (…) sera estimé(e) (…) sur une base de 70.000 €/ha… » (rapport p. 14, § antépénultième et p. 15, § 3); qu'en retenant dès lors la valorisation de l'expert judiciaire englobant celle du fonds de commerce vendu, la cour d'appel a violé les articles 893 et 922 du code civil.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-20.298
Date de la décision : 23/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°20-20.298 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 23 mar. 2022, pourvoi n°20-20.298, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.20.298
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