CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Irrecevabilité et Rejet
non spécialement motivés
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10192 F
Pourvoi n° V 20-23.650
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
La caisse d'allocations familiales du Rhône, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-23.650 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019, rectifié par arrêt du 3 novembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [E], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales du Rhône, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [E], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Coutou, conseiller, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Vu les articles 607 et 612 du code de procédure civile :
1. Conformément à l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi annexé qui n'est pas recevable en application des textes susvisés.
2. Le second moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de l'arrêt rendu le 3 novembre 2020 par la cour d'appel de Lyon, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Lyon ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2020 par la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la caisse d'allocations familiales du Rhône aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'allocations familiales du Rhône et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales (CAF) du Rhône
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La CAF du Rhône FAIT GRIEF à l'arrêt du 4 juin 2019 attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du 6 février 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, d'AVOIR renvoyé Mme [C] [K] devant la caisse d'allocations familiales du Rhône pour la liquidation de l'allocation de soutien familial au titre de son enfant [X], ce pour la période du 1er février au 31 mai 2011, et du complément de libre choix d'activité au titre de son enfant [X], ce pour la période du 1er février 2011 au 31 mars 2012, d'AVOIR dit que les sommes seraient assorties des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2017,
1. ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige, qui sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le litige qui opposait en appel la CAF du Rhône à Mme [E] portait uniquement sur le point de savoir si les demandes de prestations familiales qui avaient été faites le 13 mars 2017 par Mme [E] au titre de son enfant [X], né en février 2011, pour les périodes comprises entre février 2011 et mars 2012, pouvaient échapper à la prescription biennale qui lui était opposée par la caisse ; qu'en retenant, pour condamner la caisse à verser à Mme [C] [K] l'allocation de soutien familial et le complément de libre choix d'activité au titre de son enfant [X] pour les périodes du 1er février au 31 mai 2011 et du 1er février au 31 mars 2012, que Mme [E] était bien fondée à soutenir que la demande initiale, effectuée le 26 juillet 2012, devait être considérée comme ayant compris son fils [X], ce qui n'avait jamais été soutenu, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE les allocations de soutien familial et de libre choix d'activité doivent faire l'objet d'une demande adressée à l'organisme chargé de verser les prestations familiales dans le délai de prescription biennal ; qu'en se bornant à relever, pour juger que Mme [E] était bien fondée à soutenir avoir fait une demande comprenant son fils [X], qu'une première demande avait été formée par lettre du 26 juillet 2012 par l'allocataire, puis que la CAF n'avait pas relevé l'absence de demande effectuée au titre de cet enfant [X] à l'audience du 9 février 2016, que les faits constants du jugement du 5 avril 2016 indiquaient qu'à la date de sa requête l'allocataire avait quatre enfants et que dans son courrier du 13 mars 2017, cette dernière avait mentionné l'existence d'irrégularités dans le paiement rétroactif des prestations de juillet 2010 à juin 2011, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une demande expressément faite au titre de l'enfant [X] dans le délai de prescription biennal et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.523-1, D.523-1, R.523-2, L.531-4-III et L.553-1 du code de la sécurité sociale ;
3. ALORS, à tout le moins, QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans son courrier adressé à la caisse le 26 juillet 2012, Mme [E] précisait avoir droit « au versement rétroactif des prestations familiales des 2 ans écoulés » et indiquait, sans plus de précision, solliciter « le versement rétroactif des droits précités et ce à compter de la réception par vos services de la présente demande » ; qu'à supposer que la cour d'appel ait estimé qu'il s'évinçait de ce courrier une demande formulée au titre de l'enfant [X] dans le délai de prescription biennal, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4. ET ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, il ressort des motifs du jugement du 5 avril 2016 qu'en février 2010, Mme [E] avait initialement saisi la CAF d'une demande de prestations familiales (jugement p.2§5), qui lui avaient été refusées pour défaut de titre de séjour, puis, le 26 juillet 2012, d'une demande en paiement rétroactif des prestations qui ne lui avaient pas été versées entre 2010 et 2012 (jugement p.3§7), de sorte que la demande dont avait été saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 5 avril 2013 ne visait qu'à obtenir le paiement rétroactif des prestations qui lui avaient refusées sur la base de la demande effectuée en 2010 ; qu'à supposer que la cour d'appel ait estimé qu'il s'évinçait de ce jugement que la demande qui avait été présentée le 5 avril 2013 comprenait l'enfant [X], né en 2011, la cour d'appel a dénaturé ce jugement du 5 avril 2016, en violation du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;
5. ET ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement reprises à la barre, la CAF du Rhône soutenait que Mme [E] n'évoquait aucun évènement susceptible de caractériser un cas de force majeure qui l'aurait empêchée de solliciter pour son fils [X] le versement de l'ASF et du complément libre choix d'activité pour la période de février 2011 à mars 2012 dans le délai de prescription biennal (conclusions p.5) ; qu'en jugeant, pour dire que Mme [E] était fondée à soutenir avoir fait une demande comprenant son enfant [X], que le 13 mars 2017 elle avait alerté la CAF du Rhône sur l'existence d'irrégularités dans le paiement rétroactif des prestations de juillet 2010 à juin 2011, sans motiver sa décision d'écarter la prescription de cette demande, prescription invoquée par la CAF, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La CAF du Rhône FAIT GRIEF à l'arrêt du 3 novembre 2020 attaqué d'AVOIR fait droit à la requête en interprétation présentée par Mme [C] [K], d'AVOIR dit que le chef de dispositif par lequel la cour « renvoie Mme [Z] [E] devant la caisse d'allocations familiales du Rhône pour la liquidation de l'allocation de soutien familial au titre de son enfant [X], ce pour la période du 1er février au 31 mai 2011, et du complément libre choix d'activité au titre de son enfant [X], ce pour la période du 1er février 2011 au 31 mars 2012 » s'interprète comme signifiant que la CAF du Rhône est condamnée à verser à Mme [E] l'allocation de soutien familial au titre de son enfant [X] pour la période du 1er février au 31 mai 2011 et le complément libre choix d'activité au titre de son enfant [X] pour la période du 1er février 2011 au 31 mars 2012 et que Mme [Z] [E] était renvoyée devant la CAF du Rhône pour la liquidation desdites allocations,
1. ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, du chef de l'arrêt du 4 juin 2019 ayant renvoyé « Mme [Z] [E] devant la caisse d'allocations familiales du Rhône pour la liquidation de l'allocation de soutien familial au titre de son enfant [X], ce pour la période du 1er février au 31 mai 2011, et du complément libre choix d'activité au titre de son enfant [X], ce pour la période du 1er février 2011 au 31 mars 2012 » entrainera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 3 novembre 2020 en ce qu'il a dit que le chef de dispositif précité s'interprétait comme signifiant que la CAF du Rhône était « condamnée à verser à Mme [E] l'allocation de soutien familial au titre de son enfant [X] pour la période du 1er février au 31 mai 2011 et le complément libre choix d'activité au titre de son enfant [X] pour la période du 1er février 2011 au 31 mars 2012 et que Mme [Z] [E] était renvoyée devant la CAF du Rhône pour la liquidation desdites allocations », et ce, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de son arrêt du 4 juin 2019, la cour d'appel s'était bornée à renvoyer l'allocataire devant la CAF du Rhône pour la liquidation des prestations sollicitées au titre de son enfant [X] ; qu'en jugeant, dans son arrêt du 3 novembre 2020, que ce dispositif s'interprétait comme signifiant que la CAF du Rhône était condamnée au paiement des prestations sollicitées au titre de l'enfant [X] et que l'allocataire était renvoyée devant la CAF pour la liquidation desdites allocations, la cour d'appel a ajouté aux droits et obligations prévus dans sa précédente décision et violé les articles 461 et 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu l'article 1355, du code civil ;
3. ALORS en tout état de cause QUE le droit aux prestations familiales est ouvert aux allocataires qui justifient remplir les conditions pour en bénéficier ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement reprises à la barre, la CAF du Rhône soutenait qu'il lui était impossible de procéder au versement de l'allocation libre choix d'activité pour la période sollicitée car Mme [E] ne remplissait pas les conditions légales pour en bénéficier ; qu'en se fondant, pour condamner la caisse à verser à Mme [C] [K] l'allocation de libre choix d'activité pour la période du 1er février 2011 au 31 mars 2012, sur des motifs inopérants tirés de ce que la caisse n'avait pas contesté les conditions de versement de l'allocation dans l'instance ayant abouti à l'arrêt du 4 juin 2019 et qu'elle n'était pas fondée à le faire en l'état du jugement du 5 avril 2016, sans caractériser que l'allocataire avait rapporté la preuve, qui lui incombait, de ce qu'elle remplissait ces conditions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.531-4 du code de la sécurité sociale et 1315, devenu 1353, du code civil.