CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10217 F
Pourvoi n° U 21-14.407
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022
La société Messina Froid, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-14.407 contre le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le tribunal de commerce d'Antibes, dans le litige l'opposant à la société Alcom, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Messina Froid, de Me Balat, avocat de la société Alcom, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Messina Froid aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Messina Froid et la condamne à payer à la société Alcom la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Messina Froid.
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société Messina de toutes ses autres demandes, fins et conclusions, et en particulier de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'article 10 du contrat du 23 juin 2014 fixant la durée indivisible et irrévocable à 60 mois est abusive, à ce que soit prononcé la nullité de cette clause et à ce que soit prononcée la résiliation du contrat du 23 juin 2014 liant les parties à effet au 11 septembre 2017 ; et de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer à la SARL Alcom la somme de 3.398,40 € en principal, outre les intérêts au taux légal ayant couru depuis le 22 mars 2018, date de la mise en demeure ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de SARL Messina Froid de dire que l'article 10 du contrat fixant sa durée indivisible et irrévocable à 60 mois est abusif et de prononcer la nullité de ce contrat pour ce motif, le 23 juin 2014, la SARL Alcom a conclu avec SARL Messina Froid un contrat d'abonnement de site internet d'une durée de 60 mois ; qu'un contrat signé constitue la loi entre les parties en application de l'article 1134 du code civil (nouvel article 1103 du code civil) ; que la SARL Messina Froid n'est pas un consommateur au sens du code de la consommation, mais considéré comme un professionnel ; que toute l'argumentation et jurisprudence amenée par la SARL Messina Froid pour justifier de l'annulation du contrat pour clause abusive sur sa durée porte sur la qualité de consommateur qu'aurait la SARL Messina Froid (au sens du code de la consommation), qualité qui ne peut pas être attribuée à SARL Messina Froid, car étant un professionnel ; que le tribunal dira qu'il n'est pas fait preuve par la SARL Messina Froid dans ses écrits et ses pièces que l'article 10 du contrat relatif à sa durée a un caractère abusif ; qu'en conséquence, le tribunal déboutera la SARL Messina Froid de sa demande d'annuler le contrat;
1) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, la société Alcom demandait au tribunal de condamner la société Messina Froid à payer la somme de 3.398 euros, outres les intérêts légaux à compter du 22 mars 2018, date de la mise en demeure de payer les mensualités échues entre octobre 2017 et mars 2018 (concl. Alcom, p. 3) ; qu'elle expliquait que cette somme comprenait le montant de ces mensualités et le montant de l'indemnité de résiliation anticipée prévue à l'article 9 du contrat, égale à la totalité des mensualités restant à échoir jusqu'au terme du contrat ; Que pour s'opposer à cette demande, la société Messina Froid faisait valoir qu'elle avait elle-même résilié le contrat, une première fois le 11 septembre 2017 par l'intermédiaire de la société Linkeo, et une seconde fois le 30 janvier 2018 (concl. Messina Froid, p 2, §§ 4 et 7) ; que si les stipulations du contrat prévoyant qu'il était conclu pour une « durée fixe de 60 mois, indivisible et irrévocable » faisaient obstacle à cette résiliation, la société Messina Froid demandait au tribunal de les juger abusives (concl. Messina Froid, p. 9, § 8) ; qu'elle faisait valoir sur ce point que ces stipulations avaient été imposées par la société Alcom sans qu'il lui soit possible de les négocier, et qu'elles créaient un « déséquilibre économique manifeste » au profit de cette dernière (concl. Messina Froid, p. 9, §§ 2 à 6) ; que pour étayer son argumentation, la société Messina Froid reproduisait un arrêt de la Cour de cassation ayant jugé abusive une clause en application de laquelle « le présent contrat est conclu pour une durée de 48 mois irrévocable et indivisible » (concl. Messina Froid, p. 6, dernier §), citait un avis de la Commission des clauses abusives préconisant l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet « d'imposer une durée initiale minimum du contrat sans en autoriser, eu égard à son économie, la résiliation anticipée par le consommateur pour motifs légitimes » (concl. Messina Froid, p. 7, § 3) et s'appuyait encore sur un arrêt de la cour d'appel de Versailles jugeant abusive une clause qui « imposait une durée fixe de 60 mois irrévocable et indivisible » ainsi que le paiement par le locataire d'« une indemnité forfaitaire égale au solde des loyers de la période contractuelle » en cas de rupture anticipée pour non-paiement des loyers (concl. Messina Froid, p. 8, § 2) ; qu'en affirmant de façon péremptoire, pour rejeter la demande la société Messina Froid tendant à ce que les clauses du contrat soient jugée abusive et la condamner en conséquence au paiement des sommes réclamées par la société Alcom, « qu'il n'est pas fait preuve par la SARL Messina Froid dans ses écrits et ses pièces que l'article 10 du contrat relatif à sa durée a un caractère abusif » (jugement, p. 3, § 6), le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE les clauses abusives insérées dans les contrats entre un professionnel et un non-professionnel sont réputées non écrites ; qu'une personne morale n'agit en qualité de professionnel que si le contrat qu'elle conclut est en rapport direct avec son activité professionnelle ; qu'en l'espèce, pour s'opposer aux prétentions de la société Alcom, la société Messina Froid se prévalait des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives et demandait au tribunal de juger abusives les clauses relatives à la durée du contrat (concl. Messina Froid, pp. 6 à 9) ; qu'en retenant, pour rejeter la demande la société Messina Froid, qu'elle « n'est pas un consommateur au sens du code de la consommation, mais considérée comme un professionnel » (jugement, p. 3, § 4), sans constater que le contrat litigieux avait un lien direct avec son activité professionnelle, le tribunal a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
3) ALORS au surplus QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, le jugement est rendu au visa de « l'audience publique en date du 04 septembre 2020 lors de laquelle les parties ont déposés leurs pièces et conclusions auxquelles il conviendra de se référer quant à leurs moyens et prétentions, ainsi que pour de plus amples exposés du litige » (jugement, p. 2, dernier §) ; que dans ses conclusions écrites, la société Messina Froid se prévalait des dispositions de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et demandait au tribunal de juger abusives les clauses relatives à la durée du contrat ; que la société Alcom n'a jamais contesté le droit de la société Messina Froid de se prévaloir de cet article ni son applicabilité au contrat, mais s'est bornée à soutenir que les conditions requises pour qualifier d'abusives les clauses n'étaient pas réunies, aucun déséquilibre significatif n'étant caractérisé (concl. Alcom, p. 5, §§ 1 à 9) ; qu'en retenant que la société Messina Froid « n'est pas un consommateur au sens du code de la consommation, mais considérée comme un professionnel » (jugement, p. 3, § 4), le tribunal qui s'est fondé sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4) ALORS, en toute hypothèse, QUE rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement les opérations qu'elles concluent aux dispositions du code de la consommation ; qu'en l'espèce, la société Messina Froid réclamait l'application de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation (concl. Messina Froid, p. 6) ; que la société Alcom n'a jamais contesté le droit de la société Messina Froid de se prévaloir de cet article ni son applicabilité au contrat, mais s'est au contraire bornée à soutenir que les conditions requises pour qualifier d'abusives les clauses n'étaient pas réunies, aucun déséquilibre significatif n'étant caractérisé (concl. Alcom, p. 5, §§ 1 à 9) ; qu'en retenant que les dispositions du code de la consommation invoquées par la société Messina Froid n'étaient pas applicables au prétexte qu'elle « n'est pas un consommateur au sens du code de la consommation, mais considérée comme un professionnel » (jugement, p. 3, § 4), le tribunal a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Le greffier de chambre