CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme TEILLER, président
Décision n° 10127 F
Pourvoi n° E 21-11.151
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 1er avril 2021
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022
La société Anémone, société par actions simplifiée, exerçant sous l'enseigne Domaine Saint-Victor, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 21-11.151 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [M], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société La Campagne Saint-Victor, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano & Goulet, avocat de la société Anémone, de la SARL Corlay, avocat de M. [M], de Me Laurent Goldman, avocat de la société La Campagne Saint-Victor, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Anémone aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [M] et la société Anémone, condamne la société Anémone à payer à la société La Campagne Saint-Victor la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano & Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Anémone
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul et de nul effet le bail commercial conclu le 4 juin 2013 entre la SAS Anémone et la SCI La Campagne Saint-Victor et, en conséquence, d'AVOIR ordonné l'expulsion de la SAS Anémone et de tous occupants de son chef des locaux objet du bail, bail dont la nullité est prononcée dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, d'AVOIR condamné la SAS Anémone au paiement d'une somme mensuelle de 4875 € en deniers ou quittances correspondant au montant estimé du loyer et charges courants, à titre d'indemnité d'occupation du 1er juillet 2013 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés, d'AVOIR condamné la SAS Anémone à verser à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi par la SCI La Campagne Saint-Victor 25 % des sommes qu'elle a déjà acquittées au titre des loyers issus du bail dont la nullité est prononcée, d'AVOIR dit que le surplus des loyers acquittés pourra venir en compensation des sommes dues rétroactivement au titre de l'indemnité d'occupation et d'AVOIR condamné in solidum M. [L] [M] et la SAS Anémone au paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la SCI La Campagne Saint-Victor ;
AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler ici in extenso les termes du jugement dont appel, que la cour approuve, avant d'analyser les critiques qui en sont faites par les deux appelants : «Aux termes des articles 1130 et 1131 du code civil : "L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné" et "Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat". La S.C.I LA CAMPAGNE SAINT-VICTOR soulève plusieurs circonstances, synthétisées ci-dessous, du chef desquelles elle estime avoir été contrainte à contracter en conséquence de l'entente frauduleuse entre M. [L] [M], son gérant à la date de signature du bail, et la S.A.S ANEMONE, son preneur. Il résulte en effet des divers éléments versés en procédure que M. [L] [M] et la S.A.S ANEMONE partageaient des intérêts en commun, voire convergents en tous points avant même la signature du bail litigieux. M. [M] et la famille [C] dont sont issus les associés de la S.A.S ANEMONE étaient ainsi en relation d'affaire au moins depuis le début de l'année 2013 et prévoyaient à cet égard de s'associer pour racheter le domaine géré par la S.C.I LA CAMPAGNE SAINT-VICTOR, que celle-ci souhaitait vendre depuis 2009 et au titre duquel elle a engagé les démarches en 2012. En février 2013, M. [L] [M] a proposé à la famille [M] de signer un bail commercial au profit de la S.A.S ANEMONE moyennant un loyer annuel de 25 200 euros. Cette proposition a été expressément refusée par l'ensemble des autres associés de la S.C.I LA CAMPAGNE SAINT-VICTOR au motif que le loyer était très largement inférieur à la valeur locative du domaine et qu'il risquait de grever l'occupation de l'immeuble et donc empêcher une vente sereine du bien. Ce refus a été réitéré à plusieurs reprises entre mars et juin 2013 et les consorts [C] ont été informés de ce refus de même, évidemment, que M. [L] [M] en sa double qualité de gérant et candidat au rachat du domaine. Pour autant, ces positions exprimées par les associés de la S.C.I n'ont pas fait obstacle à ce que, s'entendant avec M. [L] [M], la S.A.S ANEMONE signe tout de même le bail dont la nullité est aujourd'hui recherchée et aux termes duquel le loyer était consenti pour un montant annuel de 25 200 euros, soit 2 100 euros mensuels. Il résulte en outre du rapport d'expertise immobilière versé au dossier, à l'égard duquel aucune circonstance ne milite en faveur de sa mise à l'écart des pièces de la procédure contrairement à ce qui est sollicité en défense, que le loyer normalement exigible pour le domaine objet du bail est de 4 875 euros mensuels. Au vu de ces circonstances, il apparaît que la signature de ce bail, visant un loyer manifestement et nettement inférieur à celui qui devrait normalement être versé à la S.C.I LA CAMPAGNE SAINT-VICTOR si ses intérêts étaient respectés, n'a été rendue possible que par l'entente frauduleuse opérée entre la S.A.S ANEMONE et M. [L] [M], ce dernier partageant à l'évidence plus d'intérêt avec le futur preneur qu'avec les autres associés de la S.C.I LA CAMPAGNE SAINT-VICTOR. La signature du bail litigieux le 4 juin 2013 procède ainsi d'une double intention dolosive imputable tant au preneur qu'au gérant alors en exercice dès lors que les deux parties en présence connaissaient à la fois le caractère largement insuffisant du loyer contractuellement consenti et l'opposition de l'ensemble des associés à un engagement dans de telles conditions. Il est en outre relevé, à titre surabondant, que M. [L] [M] n'était statutairement pas compétent pour engager la S.C.I LA CAMPAGNE SAINTVICTOR dans une relation contractuelle impliquant un droit au renouvellement du bail au bénéfice du preneur et qu'il n'était pas sans connaître, en sa qualité de gérant, l'étendue et donc les limites des pouvoirs qui lui avaient été consentis par l'ensemble des associés. Il y a donc lieu de considérer que le bail conclu entre la S.C.I LA CAMPAGNE SAINT-VICTOR et la S.A.S ANEMONE procède de manoeuvres dolosives ayant eu pour conséquences de vicier son consentement et qu'il encourt donc la nullité de ce chef. » La Cour ajoute qu'il est symptomatique que les deux appelants, de façon concertée et identique, ne contestent pas dans un premier temps l'existence d'une collusion d'intérêts entre d'une part le bailleur commercial ou très exactement M. [L] [M] et la S.a.s Anémone , en relation avec le projet qui leur était commun de l'acquisition du domaine familial pour ensuite une gestion commune ou une exploitation concertée ; qu'ils font grand cas que le gérant pouvait sembler dans son bon droit au regard des statuts de la S.C.I pour contracter un tel bail et le caractère inopposable à un tiers de bonne foi contractant des limites du gérant selon le contrat : la société Anémone n'est pas un vrai « tiers » compte tenu de ses intérêts communs et n'est pas « de bonne foi », étant remarqué mais déjà à titre expressément surabondant le tribunal a retenu que le gérant avait à l'évidence en signant un bail commercial outrepassé ses droits statutaires ; Mais qu'il n'est pas contesté que les membres de la famille [W] (sic) à l'origine de la création exclusivement pour les besoins de la cause de la S.a.s Anémone connaissaient parfaitement le contexte familial de la SCI et la valeur de la propriété en cause (de l'ordre de 2 millions d'euros) pour en avoir expressément été informés par celui qui souhaitait être leur partenaire à une telle opération, M. [L] [M] luimême ; que tant M. [L] [M] lui-même que les acteurs de la S.a.s Anémone ne pouvaient donc se méprendre sur l'opposition connue de tous les autres membres de la SCI La Campagne Saint Victor et la valeur du bien en cause, et en conséquence d'une juste évaluation de sa valeur locative, qui tombait de plus sous le sens commun pour une propriété d'un tel format dans le Luberon ; que singulièrement et surabondamment d'ailleurs la S.C.I La Campagne Saint Victor produit une annonce récente pour une petite maison dans le Luberon de 120 m² avec un petit terrain à plus de 2000 € de loyer mensuel ; que l'expert immobilier mandaté par la SCI a produit des éléments parfaitement sérieux et qui peuvent servir d'appréciation, n'étant d'autant moins contesté que les appelants reconnaissent eux-mêmes que le loyer indexé justifierait désormais un loyer de plus de 4500 € hors-taxes ; que par ailleurs les deux appelants font grand cas de l'accord familial qui résulterait de la prise de position de M. [U] [M], étant remarqué au préalable d'ailleurs le caractère désagréable et déplacé de prétendre tirer argument d'un mail à caractère familial adressé personnellement à M. [L] [M] ; qu'il faut ici aussi rappeler que M. [U] [M] est décédé le 13 février 2016 et que l'on fait ainsi «parler un mort» qui ne peut pas corriger son propos ou l'usage qui est fait de son dire ; qu'il suffit néanmoins de rappeler ici que M. [U] [M] ne possédait que 100 parts sur 900 de la S.C.I et il faut citer intégralement le mail en cause : 'DE : [U] [M] Envoyé mercredi 26 juin 2013 10 :19 A Pierre -Ivar [M] Objet RE:RE accord transactionnel familial S.C.I la campagne Saint Victor «Bonjour [L] J'ai lu les documents que tu m'as soumis. J'espère aussi que nous aboutirons à un apaisement définitif. Il faudra du temps, de la patience et encore du travail pour cela. La démarche en cours va dans le bon sens Mais il est prématuré d'en attendre un règlement de tous les litiges. Restons sur les objectifs modestes de nos accords de juin et janvier : sortir de la copropriété. Pour cela un engagement moral appuyer par un bail approprié nous suffit. Ci-joint le bail que tu proposes, j'y ai intégré des corrections et des remarques. Normalement tu dois y voir en rouge ou bleu mes ajouts, mes suppressions doivent apparaître barrées et mes commentaires doivent apparaître dans la marge. Si ce n'est pas le cas, je trouverai une autre solution. Veux-tu rédiger le texte de l'engagement moral ? Pour ce qui est des chiffres, en effet, j'avais compté deux fois les intérêts des crédits. J'accepte un loyer de 2.100 EUR HT mensuel pour les 24 premiers mois. A confirmer avec la famille. Cependant, à partir de juillet 2015, nous devons rester sur le montant de 5000 EUR H. T. qui est un élément essentiel de notre accord. il s'agit d'une garantie. Le diminuer viderait cette garantie de sa substance. Anémone récupère la TVA, donc au final ce lover ne lui coûtera pas plus que 5000 EUR, et cette situation, si elle se produisait, devrait rester provisoire. A ton feu vert, je fais vérifier le bail Anémone et la rupture du bail MOPI par un conseil.' Bises, [U] » Qu'il faut relever d'emblée qu'il est fait état de différents de nous autres correspondances et documents qui ne sont pas communiqués aux débats, et il n'est donné aucune explication par les appelants sur le fait que cette correspondance du 26 juin 2013, alors que le bail est daté du 3 ou 4 juin 2013 : l'accord n'était pas donné et même loin d'être donné en tout état de cause le 26 juin 2013 mais le bail était déjà irrégulièrement et frauduleusement signé ; qu'il se décèle bien aussi à la lecture intégrale de ce document que l'opposition des autres membres de la famille était connue, que M. [U] [M] lui-même était plus que réticent et n'envisageait qu'à titre personnel une hypothèse transitoire d'une location à loyer exceptionnellement réduit réduite pendant deux ans pour revenir très vite à une réelle valeur de 5000 € par mois Hors taxes ; que paradoxalement, et sauf à découper artificiellement dans sa correspondance comme le font par manoeuvre les deux appelants, ce document confirme la réalité de la fraude commise par les deux appelants aux dépens de la SCI ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer sur ce premier point le jugement entrepris ;
1) ALORS QUE c'est dans la personne du représentant légal d'une société que s'apprécie l'existence de l'erreur dont cette société prétend avoir été victime ; que pour prononcer la nullité du bail commercial consenti le 4 juin 2013 par la SCI La Campagne Saint-Victor à la société Anémone, la cour d'appel a considéré que ce bail procède de manoeuvres dolosives ayant eu pour conséquence de vicier son consentement ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que ce bail avait été conclu par M. [M] en sa qualité de gérant de la société bailleresse, de sorte que la cour d'appel, en s'abstenant de caractériser en quoi ce gérant aurait été victime d'une erreur ayant vicié son consentement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2) ALORS QUE la seule circonstance que le preneur à bail ait des intérêts communs avec le gérant de la société bailleresse ne le prive pas de sa qualité de tiers à l'égard de cette société ; qu'en affirmant que la société Anémone n'est pas un vrai tiers par rapport à la société bailleresse compte tenu ses intérêts communs avec le gérant de celle-ci, M. [M] et la famille [C] dont sont issus les associés de la société Anémone ayant été en relations d'affaire au moins depuis le début de l'année 2013 et ayant prévu à cet égard de s'associer pour racheter le domaine géré par la bailleresse sans que ce projet n'aboutisse, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la qualité de tiers de la société Anémone à l'égard de la bailleresse et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3) ALORS QUE dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social ; que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers ; que pour affirmer que le bail conclu entre la SCI La Campagne Saint-Victor procède de manoeuvres dolosives ayant eu pour conséquence de vicier son consentement, l'arrêt attaqué relève encore que M. [M], alors gérant de cette société, n'était statutairement pas compétent pour engager cette société dans une relation contractuelle impliquant le droit au renouvellement du bail au bénéfice du preneur et qu'il n'était pas sans connaître les limites des pouvoirs que les associés lui avaient consentis ; qu'en statuant par ces motifs inopérants dès lors que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion du bail commercial du 4 juin 2013 entrait dans l'objet social de la société La Campagne Saint-Victor, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1849, alinéas 1er et 3, du code civil, ensemble l'article 1116 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4) ALORS QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; que pour affirmer que tant la société Anémone, preneuse, que le gérant de la société La Campagne Saint-Victor, bailleresse, connaissaient le caractère largement insuffisant du loyer contractuellement consenti et prononcer en conséquence la nullité du bail commercial du 4 juin 2013, la cour d'appel a affirmé qu'il résulte du rapport d'expertise immobilière versé au dossier, à l'égard duquel aucune circonstance ne milite en faveur de sa mise à l'écart des pièces de la procédure contrairement à ce qui est sollicité en défense, que le loyer normalement exigible pour le domaine objet du bail est de 4 875 euros mensuels ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5) ALORS QUE le juge ne peut pas modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que pour affirmer que l'expert immobilier mandaté par la SCI La Campagne Saint-Victor a produit des éléments parfaitement sérieux et qui peuvent servir d'appréciation, la cour d'appel a énoncé que «les appelants reconnaissent eux-mêmes que le loyer indexé justifierait désormais un loyer de plus de 4 500 € hors taxes» (arrêt, p. 12, § 3) ; qu'en statuant ainsi, quand dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Anémone n'avait nullement reconnu que le loyer indexé justifierait désormais un tel montant, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS Anémone au paiement d'une somme mensuelle de 4875 € en deniers ou quittances correspondant au montant estimé du loyer et charges courants, à titre d'indemnité d'occupation du 1er juillet 2013 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés, d'AVOIR condamné la SAS Anémone à verser à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi par la SCI La Campagne Saint-Victor 25 % des sommes qu'elle a déjà acquittées au titre des loyers issus du bail dont la nullité est prononcée et d'AVOIR dit que le surplus des loyers acquittés pourra venir en compensation des sommes dues rétroactivement au titre de l'indemnité d'occupation ;
AUX MOTIFS QU'il résulte du rapport d'expertise immobilière versé au dossier, à l'égard duquel aucune circonstance ne milite en faveur de sa mise à l'écart des pièces de la procédure contrairement à ce qui est sollicité en défense, que le loyer normalement exigible pour le domaine objet du bail est de 4 875 euros mensuels ; qu'il y a lieu de fixer à la somme de 4 875 euros le montant de l'indemnité d'occupation dont est redevable la SAS Anémone depuis le 1er juillet 2013 et jusqu'à parfaite libération des lieux occupés ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte dont les contours sont en tout état de cause mal définis par les termes de la demande ;
ALORS QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; que l'arrêt attaqué a fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par la société Anémone à la société La Campagne Saint-Victor à compter du 1er juillet 2013 à la somme de 4 875 euros exclusivement en considération du rapport d'expertise privé établi à la société de la société La Campagne Saint-Victor et versé par elle aux débats ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS Anémone à verser à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi par la SCI La Campagne Saint-Victor 25 % des sommes qu'elle a déjà acquittées au titre des loyers issus du bail dont la nullité est prononcée, d'AVOIR dit que le surplus des loyers acquittés pourra venir en compensation des sommes dues rétroactivement au titre de l'indemnité d'occupation et d'AVOIR condamné in solidum M. [L] [M] et la SAS Anémone au paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la SCI La Campagne Saint-Victor ;
AUX MOTIFS QUE sur les conséquences de la nullité du bail commercial, le premier juge a énoncé sur ce point, en des termes que la cour approuve : «( ) eu égard au caractère manifestement dolosif des manoeuvres réalisées par la S.A.S ANEMONE et rendues possibles par le comportement de M. [L] [M], il y a lieu de déclarer acquise à la S.C.I LA CAMPAGNE SAINTVICTOR à titre d'indemnisation 25 % les sommes d'ores et déjà versées par la S.A.S ANEMONE au titre de loyers depuis son occupation des lieux, le surplus pouvant dès lors faire l'objet d'une compensation eu égard à la réévaluation des sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation.» Que les parties appelantes qui s'en tiennent essentiellement en amont à une défense principale sur le principe même de la nullité du bail ne contestent pas utilement par contre en aval les modalités pratiques et les conséquences énoncées par le tribunal ; qu'elles seront en conséquence confirmées ; Que le tribunal a alloué la somme de 3000 € avec une condamnation in solidum de la SAS Anémone et de M. [L] [M] à titre de dommages-intérêts en déboutant M. [L] [M] de sa demande incidente ; que l''appréciation ainsi faite du préjudice d'une SCI - et non de l'ensemble des préjudices individuels des autres membres de la famille de la SCI- sera confirmée, nonobstant les appels principal ou incident des parties ;
1) ALORS QUE l'indemnité nécessaire pour compenser le dommage subi doit être calculée en fonction de la valeur du dommage, sans que la gravité de la faute puisse avoir aucune influence sur le montant de cette indemnité ; qu'après avoir énoncé que le loyer normalement exigible pour les lieux loués par la société Anémone était de 4 875 euros par mois, la cour d'appel a dit que la société Anémone était redevable de ce montant mensuel à compter du 1er juillet 2013 et jusqu'à la libération des lieux envers la bailleresse, la SCI La Campagne Saint-Victor ; qu'en ajoutant qu'eu égard au caractère manifestement dolosif des manoeuvres réalisées par la société Anémone et rendues possibles par le comportement de M. [M], il y a lieu de déclarer acquise à la SCI La Campagne Saint-Victor à titre d'indemnisation 25 % des sommes d'ores et déjà versées par la société Anémone au titre des loyers depuis son occupation des lieux, la cour d'appel, qui a condamné la preneuse à payer une indemnité complémentaire en fonction de la gravité des fautes reprochées, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
2) ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en accordant à la SCI La Campagne Saint-Victor, à raison du comportement dolosif reproché à la société Anémone et à M. [M], à la fois une indemnité correspondant à 25 % des sommes d'ores et déjà versées par la société Anémone au titre des loyers depuis son occupation des lieux et la somme de 3 000 euros, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice, en violation de l'article 1382 devenu 1240 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.