COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10171 F
Pourvoi n° W 20-16.912
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022
Mme [S] [Y], épouse [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-16.912 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2020 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Ironie 19 Limited, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [Y], épouse [C], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Ironie 19 Limited, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y], épouse [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y], épouse [C] et la condamne à payer à la société Ironie 19 Limited la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], épouse [C].
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné Mme [S] [Y] épouse [C] à payer à la société Ironie 19 Ltd la somme de 185 000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2015, date de distribution du courrier de mise en demeure, en application de l'article 1153 du code civil dans sa version applicable au litige, devenu 1231-6 du même code, D'AVOIR rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [S] [Y] épouse [C] pour procédure et appels abusifs, D'AVOIR rejeté la demande de Mme [S] [Y] épouse [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR condamné Mme [S] [Y] épouse [C] à payer à la société Ironie Ltd 19 la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR condamné Mme [S] [Y] épouse [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
AUX MOTIFS QUE « sur la demande en paiement de la société Ironie 19 Ltd. La demande principale sur le fondement de la garantie autonome. En droit, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie. Cette définition a été reprise par l'article 2321 du code civil issu de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2016. La qualification de garantie autonome ne peut être retenue et celle de cautionnement écartée lorsqu'un engagement litigieux, tel que celui garantissant le remboursement de toutes les sommes dues par le débiteur a pour objet la propre dette du débiteur principal, et n'est donc pas autonome, ou lorsque le montant de la garantie n'était pas déterminé à l'avance, seule une somme maximale étant prévue, et souscrite à titre solidaire. En revanche, la référence au contrat de base, n'impliquant pas appréciation des modalités d'exécution de celui-ci pour l'évaluation des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validité, ne modifie pas le caractère autonome de la garantie. En l'espèce, l'article 9 du contrat principal définit la nature et les conditions de mise en oeuvre de la garantie de la « famille [C] », selon les stipulations suivantes : « II. La sûreté personnelle consentie par la famille [C] au profit du Prêteur, sous la forme d'une garantie bancaire à première demande. (...) La réalisation de ces garanties par l'Emprunteur seront attestées comme suit :(...) II. L'attestation par l'établissement bancaire de la mise en place de la garantie bancaire à première demande. Une fois ces éléments transmis, le Préteur mettra en place le virement du solde des fonds, soit 155.000 (cent cinquante cinq mille) € (...). Puis l'Emprunteur mènera à leur terme les différentes procédures engagées (...) : III - l'Emprunteur communiquera au Prêteur l'acte officiel rédigé par l'établissement bancaire de la caution instaurant la garantie bancaire à première demande. Les garanties II et III sont caduques dès le prêt intégralement remboursé, en capital et intérêts, ou intégralement converti en actions émises par l'Emprunteur. ». Il en résulte, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, que la garantie stipulée dans cet accord devait être une garantie bancaire et non une garantie personnelle, ce que les démarches entreprises auprès de la banque HSBC confirment. Toutefois, l'attestation sur l'honneur de Mme [S] [C] du 20 novembre 2014, seul acte dont se prévaut la banque à l'appui de la demande, est ainsi rédigée : « Je soussignée Mme [S] [C] (
) atteste sur l'honneur avoir effectué les démarches auprès de l'établissement bancaire HSBC ([Localité 3]) afin que soit mise en place une garantie à première demande d'un montant de 185 000 € au profit de la société Limited Ironie 19. En raison du retard dû à l'examen du dossier et rédaction du contrat par le service juridique de la Direction HSBC à [Localité 4], je renouvelle ma décision irrévocable à me porter garant de cette avance et sollicite votre clémence et confiance, afin que les fonds puissent être versés dans les meilleurs délais. Je regrette autant que vous tout le manque de réactivité d'HSBC et vous confirme que les fonds qui nantissent votre garantie restent à votre entière disposition jusqu'à la date de la levée de la garantie. Je vous remercie de votre confiance et de votre décision d'accélérer un paiement pour lequel je m'engage une nouvelle fois à porter seule et de manière irrévocable tous les risques ». Ainsi, par cette attestation que Mme [S] [C] s'est expressément portée garante de cette avance, et a assuré du fait que les fonds qui nantissaient la garantie resteraient à la disposition du créancier. Ces mentions contiennent donc non seulement l'engagement irrévocable de mettre en place une garantie, mais en outre celui de substituer à la garantie à première demande bancaire, et dans l'attente de la production de celle-ci, une garantie personnelle, et ne s'analysent pas simplement une obligation de diligence aux fins d'obtenir la garantie bancaire en cause. En outre, s'il est exact que l'écrit en cause fait référence à « l'avance » et au « versement des fonds », cette simple référence à l'engagement principal consubstantielle à la notion de garantie ne prive pas celle-ci de son caractère autonome dès lors que l'acte en cause comprend l'engagement de « porter seule et de manière irrévocable tous les risques » de l'avance de fonds, sans référence quelconque à la défaillance de la société Notéo, et de laisser les fonds à la disposition du créancier, ce qui a pour effet d'exclure toute opposabilité des exceptions, et que cette référence à l'acte principal n'implique pas d'appréciation des modalités d'exécution de celui-ci pour l'évaluation des montants garantis - fixés à 185.000 € uniquement par référence à la garantie originelle à laquelle elle se substitue temporairement et non par référence à l'avance de fonds et à l'acte principal, ou pour la détermination des durées de validité (déterminée uniquement par référence à la garantie). Contrairement aux énonciations de l'intimée, la validité de ce type de garantie autonome n'est pas subordonnée au fait que son auteur soit une personne morale et plus spécifiquement un établissement bancaire, ce type de garantie pouvant être consenti par une personne physique. Il en résulte que l'appelante se prévaut à bon droit de la qualification de garantie autonome pour l'acte du 20 novembre 2014, et est fondée à solliciter son engagement dès lors que l'intimée n'a pas déféré à la mise en demeure. Il y a donc lieu, par infirmation du jugement entrepris, de condamner Mme [S] [C] née [Y] à payer à la société Ironie 19 Ltd la somme de 185 000 €. Eu égard à l'absence de stipulation d'intérêts dans l'acte du 20 novembre 2014, et au caractère autonome de la garantie, excluant toute possibilité de référence à l'engagement principal pour la détermination des intérêts, cette somme portera intérêts non au taux contractuel de l'engagement principal comme le demande l'appelante, mais au taux légal à compter du 24 août 2015, date de distribution du courrier de mise en demeure, en application de l'article 1153 du code civil dans sa version applicable au litige, devenu 1231-6 du même code ».
1°/ ALORS QUE l'engagement du garant autonome doit être constaté dans un titre qui comporte la signature du débiteur ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme en toutes lettres et en chiffres, afin d'établir que le garant avait une exacte conscience de la nature et de la portée de l'obligation souscrite ; qu'en l'espèce, Mme [C] contestait avoir conclu une garantie autonome au profit de la société prêteuse, à laquelle il incombait d'en prouver l'existence ; qu'en retenant que l'attestation sur l'honneur rédigée le 20 novembre 2014 par Mme [C], dont la cour d'appel a intégralement reproduit le contenu, établissait la réalité de la garantie autonome dont l'existence était contestée, quand il résultait de ses propres constatations que l'acte ne comportait pas la mention en toutes lettres et en chiffres de la somme considérée, la cour d'appel a méconnu l'article 1326 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pris ensemble l'article 2321 du code civil.
2°/ ALORS QUE le contrat de garantie autonome repose sur un accord de volontés entre le créancier et le garant en vertu duquel ce dernier consent, de manière certaine, à régler une somme convenue à première demande, ce que le créancier accepte ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que le prêt consenti à la société Noté Solutions devait être garanti par une garantie bancaire à première demande (arrêt attaqué, p. 6) et que, dans l'attente de la confection de l'acte par la banque, Mme [C], qui était la mère du dirigeant de la société emprunteuse, s'était bornée à rédiger une « attestation sur l'honneur » dans laquelle elle relatait les démarches qu'elle avait effectuées auprès de la banque et exprimait par cet acte unilatéral sa « décision irrévocable » de se « porter garant de cette avance » (arrêt attaqué, p. 7) ; qu'en jugeant que cet acte unilatéral s'analysait en un contrat de garantie autonome, ce qui était contesté, sans avoir constaté que la banque avait accepté cette garantie autonome et donné son accord à une telle « substitution de garantie » (arrêt attaqué, p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2321 du code civil, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
3°/ ALORS QUE le contrat de garantie autonome repose sur un accord de volontés entre le créancier et le garant en vertu duquel ce dernier consent, de manière certaine, à régler une somme convenue à première demande, ce que le créancier accepte ; qu'en retenant que l'attestation sur l'honneur émanant de Mme [C] constituait une garantie autonome dont les parties auraient accepté qu'elle se substitue temporairement à la garantie bancaire mentionnée dans le contrat de prêt, quand il résultait de ses propres constatations que le prêt évoquant la garantie bancaire avait été conclu le 27 novembre 2014 tandis que l'attestation datait du 20 novembre 2014, de telle sorte qu'aucune « substitution de garantie » (arrêt attaqué, p. 7) ne pouvait être intervenue par l'effet d'une attestation antérieure à l'acte prévoyant la garantie bancaire, la cour d'appel a violé l'article 2321 du code civil, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
4°/ ALORS QUE la garantie autonome se distingue du cautionnement en tant qu'elle a pour objet, non le paiement de la dette du débiteur principal, mais le paiement d'une somme à première demande ; qu'en l'espèce, l'attestation sur l'honneur envisageait le prêt qui devait être consenti à la société Noté Solutions et avait pour objet d'exprimer la « décision irrévocable » de Mme [C] de se « porter garant de cette avance », et ce « afin que les fonds puissent être versés dans les meilleurs délais », de telle sorte que cet engagement avait expressément pour objet la dette de la société Noté Solutions ; qu'en jugeant néanmoins que cette mention constituait une simple référence à l'engagement principal et que l'acte s'analysait en une garantie autonome, la cour d'appel a violé l'article 2321 du code civil, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
5°/ ALORS QUE la garantie autonome se distingue du cautionnement en tant qu'elle a pour objet, non le paiement de la dette du débiteur principal, mais le paiement d'une somme à première demande ; qu'en retenant que l'acte constituait une garantie autonome et non un cautionnement dès lors que, dans son attestation sur l'honneur, Mme [C] avait « assuré du fait que les fonds qui nantissaient la garantie resteraient à la disposition du créancier » (arrêt attaqué, p. 7), sans caractériser en quoi cette formule, qui faisait référence à des fonds nantis, pouvait justifier d'une quelconque manière le caractère autonome de son engagement personnel tout comme la renonciation à l'opposabilité des exceptions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2321 du code civil, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
6°/ ALORS QUE la garantie autonome se distingue du cautionnement en tant qu'elle a pour objet, non le paiement de la dette du débiteur principal, mais le paiement d'une somme à première demande ; qu'en retenant que l'acte constituait une garantie autonome et non un cautionnement dès lors que « l'acte comprend l'engagement de "porter seule et de manière irrévocable tous les risques" de l'avance de fonds » (arrêt attaqué, p. 7), quand cette mention renvoyait directement au risque de non remboursement des fonds prêtés et, partant, à l'inexécution de l'obligation souscrite par l'emprunteur au bénéfice duquel était souscrite la garantie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses propres constatations, a violé de plus fort l'article 2321 du code civil, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
7°/ ALORS QUE, si de simples références au contrat de base ne privent pas d'autonomie la garantie, il en va différemment lorsqu'elles impliquent une appréciation des modalités d'exécution du contrat de base pour la détermination de la durée de validité de la garantie ; qu'en l'espèce, l'attestation sur l'honneur rédigée par Mme [C] indiquait que les fonds qui nantissaient la garantie restaient à l'entière disposition du créancier jusqu'à « la date de la levée de la garantie », levée de la garantie qui se trouvait envisagée par l'article 9, III, du contrat principal dont il résultait, comme l'avait constaté la cour d'appel, que les garanties seraient « caduques dès le prêt intégralement remboursé, en capital et intérêts » (arrêt attaqué, p. 7) ; qu'en jugeant que la durée de validité de la garantie était déterminée « uniquement par référence à la garantie », quand elles étaient manifestement déterminées par référence à l'article 9, III, du contrat de prêt qui faisait dépendre l'extinction de la garantie du remboursement des sommes prêtées, la cour d'appel a violé l'article 2321 du code civil, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
8°/ ALORS, en tout état de cause, QUE'en présence d'un doute, la sûreté personnelle souscrite par une personne physique au profit d'un créancier professionnel est présumée être un cautionnement ; qu'en l'espèce, à supposer que la volonté exprimée par Mme [C], qui était la mère du dirigeant de la société emprunteuse, puisse faire naître un doute sur la nature véritable de l'engagement qu'elle avait alors souscrit, l'acte litigieux devait être analysé en un cautionnement ; qu'en relevant néanmoins que les mentions de l'acte, à les supposer ambiguës, conduisaient à analyser l'engagement de Mme [C] en une garantie autonome souscrite au profit de la société prêteuse, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pris ensemble les articles 2288 et 2321 du code civil.