COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10175 F
Pourvoi n° U 20-10.033
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022
1°/ M. [X] [P], domicilié [Adresse 5],
2°/ le groupement foncier agricole (GFA) des Barradis, dont le siège est [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° U 20-10.033 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [Y] [C], divorcée [P], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [A] [P], domicilié [Adresse 2],
3°/ à Mme [G] [P], épouse [D], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X] [P], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [Y] [C], de M. [A] [P] et de Mme [G] [P], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Désistement
1. Il est donné acte au GFA des Barradis du désistement de son pourvoi.
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [X] [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] [P] et le condamne à payer à Mme [C], à M. [A] [P] et à Mme [G] [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [X] [P].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR d'office déclaré irrecevables les conclusions n°4 de M. [X] [P] et du GFA des Barradis transmises par RPVA le 17 septembre 2019 et d'AVOIR en conséquence statué au visa des conclusions n°3 de M. [X] [P] et du GFA des Barradis transmises par RPVA le 19 septembre 2017, et d'AVOIR en conséquence statué comme elle l'a fait en prononçant notamment la révocation pour cause légitime de M. [X] [P] de ses fonctions de gérant du GFA des Barradis, en condamnant M. [X] [P] à payer à chacun des autres associés du GFA, la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, et en condamnant M. [X] [P] à payer au GFA des Barradis la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la consultation du RPVA que l'ordonnance de clôture a été adressée le 17 septembre 2019 à 13h14 ; qu'aux termes de l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que les conclusions déposées le même jour à 15h52 par les appelants sont donc irrecevables de plein droit et avec elle les pièces communiquées (Cass 2ème civile 13 novembre 2015, n°15-10 844) ; que la cour n'est dès lors tenue que d'examiner les conclusions transmises par RPVA le 19 septembre 2017 pour M. [P] et le GFA ;
ALORS QUE les conclusions et pièces déposées le jour de l'ordonnance de clôture, dans le délai imparti par le juge de la mise en état, sont réputées déposées avant la clôture ; qu'en déclarant irrecevables, comme tardives, les conclusions n°4 de M. [X] [P] et du GFA des Barradis transmises par RPVA le 17 septembre 2019, au motif qu'elles avaient été déposées à 15h52 alors que le clôture avait été prononcée le même jour à 13h14, quand M. [X] [P] et le GFA pouvaient légitimement croire qu'ils pouvaient déposer leurs conclusions jusqu'au 17 septembre 2019 à 24h qui constituait la limite qui leur avait été fixée par le juge de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 642, 783 et 912 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait prononcé la révocation pour cause légitime de M. [X] [P] de ses fonctions de gérant du GFA des Barradis, désigné la Selarl [E] administrateur judiciaire demeurant à [Localité 4], en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'administrer provisoirement le GFA des Barradis jusqu'à la nomination d'un nouveau gérant et en particulier d'organiser la convocation des associés en assemblée générale ordinaire ayant pour ordre du jour la nomination du nouveau gérant conformément à l'article 20 des statuts du GFA des Barradis, dit que les fonctions de cet administrateur judiciaire prendraient fin avec la nomination du nouveau gérant et dit que la rémunération de cet administrateur judiciaire incomberait au GFA des Barradis, et d'AVOIR, en conséquence, confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné M. [X] [P] à payer à chacun des autres associés du GFA, Mme [C], Mme [G] [P] et M. [A] [P] chacun la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il résulte suffisamment des pièces versées que, contrairement aux dispositions de l'article 18 des statuts du GFA régissant les pouvoirs et la responsabilité du gérant, et prescrivant notamment un compte rendu de gestion conformément à l'article 1856 du code civil au moins une fois par an, la reddition des comptes devant comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité du groupe au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues, M. [P] n'a jamais procédé à la convocation de ces assemblées annuelles avant novembre 2012 ni dressé le rapport écrit destiné à la reddition des comptes ; que suite aux réclamations des associés, il a prétendu convoquer le 1er octobre 2012 sous la plume de M. [L] « pour la gérance », une seule et unique assemblée générale pour statuer sur les comptes des exercices clos entre le 31 décembre 1996 et le 31 décembre 2011 ; qu'il n'a pas pour autant satisfait à l'obligation de rendre compte aux dates statutaires de sa gestion du GFA ; qu'il était également établi que nonobstant leurs réclamations les associés n'ont jamais pu obtenir du cabinet d'expertise comptable de M. [P] le détail des comptes du GFA ; qu'il résulte également du procès-verbal de conciliation, suite à l'audience tenue le 17 mai 2016 devant le tribunal des baux ruraux de Bergerac, que M. [P] en qualité de preneur y a comparu en personne et y a fait comparaître M. [L] [K] « muni d'un pouvoir » pour le compte du GFA des Barradis, bailleur, faisant constater « la conciliation pour un prix de 170 euros L'hectare par an majoration pour bail à long terme inclus », alors qu'aucune réduction du prix du bail n'avait été autorisée par une quelconque assemblée générale du GFA, abusant ainsi de la confusion de sa qualité de preneur et de gérant du GFA ; que ces agissements durables et répétés constituent des fautes justifiant la révocation judiciaire du gérant ; que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point ; que c'est également à juste titre que le tribunal, prononçant la révocation judiciaire du gérant, a désigné la Selarl [M] [E] en qualité de administrateur provisoire avec pour mission d'administrer provisoire GFA jusqu'à la nomination d'un nouveau gérant et en particulier d'organiser la convocation des associés en assemblée générale ordinaire avec pour ordre du jour la nomination du nouveau gérant conformément à l'article 20 des statuts du GFA ;
1° ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. [X] [P] faisait valoir que dès lors qu'aucun grief relatif à la gestion ou à la tenue des comptes du GFA ne lui était adressé, la seule omission de la formalité de rendre compte annuellement de sa gestion aux autres associés ne pouvait être analysée comme une faute dès lors que les autres associés de cette société familiale s'en désintéressaient totalement ; qu'en imputant à faute à M. [X] [P] de ne pas avoir satisfait à l'obligation de rendre compte aux dates statutaires de sa gestion du GFA, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE le gérant est tenu de se conformer aux règles impératives ; qu'en imputant à faute à M. [X] [P] d'avoir abusé de sa double qualité de preneur et de gérant du GFA pour réduire le loyer du fermage au prix de 170 euros l'hectare par an, sans autorisation de l'assemblée générale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était ainsi invitée, si le loyer du fermage versé par M. [X] [P] au GFA n'était pas trois fois supérieur à celui imposé par des règles impératives et s'il n'avait pas simplement été ramené à la valeur réglementaire par le tribunal paritaire des baux ruraux lorsqu'il avait été réduit au prix de 170 euros l'hectare par an à compter de 2016, de sorte que cette réduction ne pouvait être considérée comme fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil, ensemble l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime ;
3° ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. [X] [P] faisait valoir que loin d'adopter une gestion contraire à l'intérêt social dans son profit personnel, il avait assumé personnellement pendant plus de vingt ans les obligations sociales du GFA dont l'activité était déficitaire, notamment en assurant sur ces deniers personnels le remboursement de l'emprunt de 2 100 000 francs souscrit par le GFA auprès du Crédit Agricole ; qu'en retenant que M. [X] [P] avait agi de façon contraire à l'intérêt social en abusant de la confusion de sa qualité de preneur et de gérant du GFA pour réduire le loyer du fermage au prix de 170 euros l'hectare par an, sans autorisation de l'assemblée générale, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action ut singuli des associés au nom du GFA, l'AVOIR dit bien fondée, et d'AVOIR condamné M. [X] [P] à payer au GFA des Barradis la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 1843–5 du code civil outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre le gérant ; que les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société ; que l'action sociale en responsabilité en dommages intérêts ut singuli pour perte de loyer doit donc être déclarée recevable ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef ; que de ce chef, il résulte des éléments ci-dessus mentionnés que M. [P] en qualité d'exploitant des terres n'a pas réglé au GFA les fermages qu'il devait depuis 2007, de sorte qu'il a été assigné devant le tribunal paritaire des baux ruraux par le GFA qui a sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 400 589,13 euros correspondant aux arrérages de fermages depuis 2007 à la suite d'un commandement de payer valant mis en demeure du 23 janvier 2018 (pièce 65 des intimé) ; que les intimés réclament à M. [P] à titre de dommages et intérêts le montant des loyers que cette juridiction aurait déclarés prescrits et qu'il s'est abstenu, en sa qualité de gérant du GFA, de réclamer au preneur (en l'espèce lui-même) ; que jugement rendu de ce chef par le tribunal paritaire n'est pas produit, nonobstant sa mention au pied des dernières écritures, ni le justificatif de son caractère éventuellement définitif, mais n'est pas contesté par M. [P] ; que cette abstention, de la part du gérant du GFA, de réclamer au débiteur les fermages dus en application du bail rural, est constitutive, de part sa durée et l'importance des sommes en jeu, d'une faute qui a fait perdre au GFA une chance de percevoir tout ou partie des sommes dues, lui causant ainsi un préjudice direct ; que les éléments versés aux débats permettent d'évaluer cette perte de chance et le préjudice à environ 10% des sommes concernées de sorte qu'il y a lieu de condamner M. [P] à payer au GFA la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
1° ALORS QUE la perte d'un avantage illicite ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'en estimant que le défaut de paiement de l'intégralité des fermages entre 2007 et 2013 avait causé un préjudice au GFA, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le loyer du fermage convenu durant cette période n'était pas trois fois supérieur à celui imposé par les règles impératives applicables et n'avait pas été ramené à la valeur réglementaire par le tribunal paritaire des baux ruraux à compter de 2016, de sorte que le défaut de paiement de l'intégralité des fermages entre 2007 et 2013 n'avait causé aucun préjudice réparable au GFA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, M. [X] [P] faisait valoir qu'il avait largement abondé la trésorerie de la société en derniers personnels pendant plus de vingt ans jusqu'en 2007 pour permettre au GFA de rembourser ses emprunts, et que ces sommes venaient compenser les loyers réduits qu'il avait versé à compter de 2007 dès lors qu'ayant fini de rembourser les emprunts, le GFA n'avait plus besoin de ressources aussi importantes qu'auparavant ; qu'en retenant que le défaut de paiement de l'intégralité des fermages depuis 2007 avait causé un préjudice au GFA sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.