COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10156 F
Pourvoi n° B 20-16.296
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 MARS 2022
La société Direct Lease, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-16.296 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à la société Jolisol, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Direct Lease, de la SCP Spinosi, avocat de la société Jolisol, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Direct Lease aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Direct Lease et la condamne à payer à la société Jolisol la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Direct Lease.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la société Direct Lease était irrecevable à agir à l'encontre de la société Jolisol ;
AUX MOTIFS QUE « la SARL Jolisol prétend que la société Direct Lease n'a pas qualité à agir à son encontre car par suite de la cession du contrat du 4 décembre 2008, elle a transféré l'intégralité de ses droits et notamment son droit à agir à la société Franfinance et ne justifie d'aucun mandat spécial pour agir en justice à son encontre ; que selon l'article 122 du même code, "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt (...)" ; que le contrat de location financière signé les 4 et 31 décembre 2008 porte les cachets et signatures des représentants de la SARL Jolisol en qualité de locataire, de la société Direct lease en qualité de loueur ou bailleur et de la société Franfinance location en qualité de cessionnaire ; qu'il prévoit dans ses conditions particulières qu'il porte sur la location de 13 unités centrales et est conclu pour une durée de 16 loyers trimestriels de 1189,50€ HT ; que l'article 9.3 des conditions générales du contrat stipule : « Le locataire doit informer le loueur avec un préavis de six mois par lettre recommandée avec accusé de réception, de son intention de ne pas poursuivre le contrat au-delà de la durée prévue aux conditions particulières et donc de restituer l'équipement au terme du contrat. Dans le cas contraire, au-delà de la durée précisée aux conditions particulières, le contrat est prolongé par tacite reconduction par période d'un an minimum aux mêmes conditions et sur la base du dernier loyer. Dans ce cas le préavis de résiliation est de neuf mois » ; que l'article 8.3 du contrat de location financière stipule que : « Dans le cas d'une cession de l'équipement, l'établissement cessionnaire sera substitué au bailleur comme loueur de l'équipement à compter de la date de cession. L'établissement acquerra donc tous les droits, actions et obligations contre et envers le locataire résultant du présent contrat sous réserve de ce qui est dit à l'article 8.4. Le locataire reconnaît expressément que l'établissement cessionnaire deviendra le loueur et s'engage notamment à lui verser directement la totalité du coût de la location en principal, TVA, intérêts et accessoires à partir de la date de substitution » ; que "L'acte de cession des équipements de ce contrat" visé par le locataire et joint au contrat établi au nom de la société Franfinance Location dénommée le cessionnaire mentionne : "Il est convenu ce qui suit : Par application de l'article 8 des conditions générales de ce présent contrat, le loueur a proposé au cessionnaire le transfert du contrat de location à compter du 29 décembre 2008. Le premier loyer sera exigible le 24 mars 2009. Par les présentes le loueur déclare transférer au cessionnaire qui l'accepte, ce contrat de location et la propriété des équipements, à un prix fixé selon facture établie de ce jour, et à compter du premier loyer exigible, soit pour la durée définie au paragraphe "conditions financières" ci-dessus de ce contrat. (...) Le loueur subroge donc le cessionnaire dans tous les droits et actions qu'il détient envers le locataire. (...) locataire reconnaît le cessionnaire comme bailleur et s'engage notamment à lui verser directement la totalité des loyers relatifs aux équipements Le locataire reconnaît que les équipements désignés sont et restent la propriété du cessionnaire (...)" ; que la société Direct Lease ne conteste pas que le contrat de location a été cédé à la société Franfinance location mais soutient qu'il s'agissait d'une "cession à durée déterminée du contrat", d'une durée limitée à celle prévue aux conditions financières du contrat de location, soit 16 trimestres ; que la possibilité de céder pour une durée limitée un contrat ne résulte toutefois pas du contrat de location lui-même, qu'il s'agisse de ses conditions particulières et financières, qui concernent la durée du contrat et non de sa cession, ou de ses conditions générales puisque l'article 8.3 qui envisage le cas d'une cession de l'équipement, stipule que l'établissement cessionnaire "sera substitué au bailleur comme loueur de l'équipement à compter de la date de cession", sans autre précision quant à la durée de cette substitution ; qu'aucune de ces clauses n'informe le locataire du fait qu'à l'issue de la durée initiale du contrat et en cas de tacite reconduction du contrat, la société Direct Lease retrouvera sa position de propriétaire et de bailleur ; que le fait que l'acte de cession mentionne que le loueur transfère au cessionnaire le contrat de location et la propriété des équipements "à compter du premier loyer exigible, soit pour la durée définie au paragraphe conditions financières" est insuffisant ; qu'en effet, cette durée correspond à la durée du contrat et il est cohérent que la cession la reprenne ; qu'il ne peut être déduit de cette seule mention, en l'absence de toute autre stipulation claire et précise, que les parties auraient entendu limiter la durée de la cession du contrat à la durée initiale du contrat de location et remettre automatiquement à l'issue les parties dans leur état initial, sans aucune information du locataire ; qu'il ressort au contraire des stipulations susvisées que le loueur initial, la société Direct Lease, a transféré au profit du cessionnaire, la société Franfinance location tant la propriété des équipements dont il est précisé qu'ils sont et restent la propriété de cette dernière, que le contrat de location en son entier, avec tous les droits et obligations qui lui sont attachés et toutes ses clauses, y compris l'article 9.3 concernant la prolongation du contrat par tacite reconduction, sauf envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception par le locataire avec un préavis de six mois ; qu'il s'en déduit que le contrat a été transféré en entier à la société Franfinance location et qu'à défaut d'envoi par la locataire six mois avant son terme, soit le 25 septembre 2012, d'un courrier recommandé l'informant de sa volonté de mettre fin au contrat, celui-ci s'est poursuivi à l'issue des 16 trimestres initialement convenus "aux mêmes conditions", et par suite entre les parties du contrat arrivé à terme c'est à dire la SARL Jolisol et la société Franfinance Location ; que seule la société Franfinance pouvait donc se prévaloir de la tacite reconduction du contrat et réclamer le paiement des loyers postérieurs au 25 mars 2013 ; que la société Direct Lease n'ayant plus la qualité de co-contractant du fait de la cession de contrat, elle n'a pas qualité à agir contre la société Jolisol et est irrecevable en ses demandes : que le jugement doit dès lors être infirmé en toutes ses dispositions ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité et le bien-fondé des demandes formées à titre subsidiaire par la société Jolisol » (arrêt attaqué, pp. 8-10) ;
1°) ALORS QUE si la cession de contrat nécessite le consentement des parties au contrat cédé, les modalités et l'étendue de la cession peuvent être déterminées ultérieurement ; qu'en relevant, pour déclarer irrecevable l'action en paiement formée par la société Direct Lease à l'encontre de la société Jolisol, que la possibilité de procéder à une cession pour une durée limitée ne résultait pas du contrat de location financière, quand il suffisait que ce contrat prévoie la possibilité de procéder à une cession, sans qu'il soit nécessaire de préciser qu'elle pourrait être conclue pour une durée limitée, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 et l'article 1216 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'information du débiteur cédé des modalités de la cession peut résulter de tout acte et intervenir à tout moment ; qu'en relevant, pour déclarer irrecevable l'action en paiement formée par la société Direct Lease à l'encontre de la société Jolisol, qu'aucune clause du contrat de location financière n'informait cette dernière de la durée limitée de la cession, quand il n'était pas nécessaire que cette information figure dans le contrat de location financière mais pouvait résulter de tout acte et être donnée par tout moyen et notamment par l'assignation délivrée à la société Jolisol, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 et l'article 1216 du code civil ;
3°) ALORS QUE la volonté des parties à un contrat peut être établie, même en l'absence de clauses claires et précises ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer irrecevable l'action en paiement formée par la société Direct Lease à l'encontre de la société Jolisol, que la durée limité du contrat de cession ne pouvait se déduire de la stipulation invoquée par la société Direct Lease, en l'absence de toute autre stipulation claire et précise en ce sens, quand il lui appartenait d'interpréter la volonté des parties à l'acte de cession sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QU'un paiement partiel peut révéler l'existence d'un contrat entre les parties ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer irrecevable l'action en paiement formée par la société Direct Lease à l'encontre de la société Jolisol, qu'il ressortait des stipulations du contrat litigieux que la société Direct Lease avait cédé celui-ci à la société Franfinance location et que ledit contrat avait été tacitement reconduit entre les sociétés Jolisol et Franfinance location, de sorte que la société Direct Lease n'avait plus la qualité de cocontractante, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le paiement effectué par la société Jolisol à la société Direct Lease d'une échéance de loyer postérieure à la reconduction tacite du contrat litigieux ne révélait pas que ledit contrat avait été reconduit entre ces deux sociétés, de sorte que la société Direct Lease avait qualité à agir en paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 1172 du code civil, dans leur rédaction issue l'ordonnance du 10 février 2016.